Bongo libre

De Balufu Bakupa Kanyinda (RDC)

Ascension et chute d'un tyran
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Dans la mouvance du Damier, portrait allégorique du maréchal Mobutu, l’écrivain et cinéaste congolais, Balufu Bakupa Kanyinda a tourné un entretien avec le président gabonais Omar Bongo, base de Bongo libre, un documentaire présenté en compétition au Fespaco 99.

Le talent de portraitiste de Balufu Bakupa Kanyinda, dévoilé dans Le Damier, s’affine avec Bongo libre où la puissance de l’image subvertit celle du verbe. La caméra infiltre Libreville, en toute liberté, pour montrer les rides de sa face cachée. Des rues encombrées de détritus, des égouts à ciel ouvert gorgés d’eau saumâtre, des mansardes logées aux pied d’immeubles. Une atmosphère de désolation baigne ces espaces, pendant que le maître des lieux, en bras de chemise, la mine épanouie, le regard serein, clame son amour pour son peuple et pour les jeunes porteurs des espoirs de demain. Ce discours optimiste, où l’auteur insiste sur son esprit d’ouverture et sa prédisposition à pratiquer l’écoute de l’autre, contraste avec les images qui défilent sous nos yeux. La résignation se lit pourtant dans l’attitude des Librevillois qui portent en silence leurs problèmes. Absence de moyens de transport en commun, partage inégal des ressources générées par la manne pétrolière, autant de frustrations refoulées par des populations démunies et impuissantes face au mode de vie ostentatoire des gouvernants. En témoigne la cérémonie de mariage de la fille du président célébrée avec faste.
En fin politique, le président gabonais, soucieux de son image, saisit l’opportunité que lui offre le cinéaste pour s’affirmer démocrate. Il se réfère à la mémoire historique pour justifier sa défense de l’intégration africaine, oubliant que son pays expulse des ressortissants du continent vers leur pays d’origine. Il se dit ouvert à la jeunesse et aux changements qu’elle réclame, des propos infirmés par les agitations des étudiants sur le campus universitaire. Sans complaisance, il fait son autocritique et risque une critique pointue sur les dérives autocratiques de ses pairs africains. Il n’est pas non plus tendre lorsqu’il apprécie les relations de l’Afrique avec le monde occidental. Descendu de sa tour d’ivoire, le président se transforme en un intellectuel éclairé, soucieux du devenir de son peuple et de celui de son continent. Il articule un discours séducteur, à tous points de vue, que la charge émotionnelle des images tente en vain de subvertir. De l’envers du décor des réalités de la société gabonaise dépeintes en noir et blanc par la caméra du documentaire surgit l’image sympathique d’un président aux idées progressistes. L’image reluisante qui jaillit du documentaire est décalée par rapport à la réalité. Le critique l’accueille avec suspicion.

26 min, 16 mm, image : Sabrina Varini, Eric Sosso, Myriapodus Film (33 1 42 33 62 44). ///Article N° : 1095

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