Suspicions. Comme l’illustrent ces deux témoignages de personnalités du monde de l’art, il ressort de notre enquête que le terme » africanité » est très loin de sortir spontanément de la bouche des créateurs. Quand bien même ce concept servirait-il d’outil pour défendre la cause africaine face aux inégalités de diffusion interculturelle, peut-il servir à mieux cerner des problématiques communes aux expressions africaines contemporaines ? Il pourrait finalement se révéler bien plus utile à ceux qui en parle qu’à ceux qui les créent. « Africanité » sonne si bien à l’oreille qu’il semble prêt à servir de nouveau creuset à un discours d’un genre pas vraiment nouveau, sur la spécificité africaine dans le monde d’aujourd’hui, bref, l’inverse de ce que souhaiterait voir arriver actuellement la classe artistique africaine sur le plan international ! Inutile, donc, d’aider ce terme à s’imposer.
Que pensez-vous de la notion sommes toutes récente d’art africain contemporain? Vous y retrouvez-vous ?
Non, ce terme est utilisé pour nous mettre dans un ghetto. Je pense qu’un art qui est compris n’est ni africain ni européen ni indien, etc. L’art, c’est des gens qui parlent le même langage et qui dialoguent. Quand on parle d’art africain, je ne comprends pas : si l’art africain existait, alors la sensibilité resterait en Afrique. Il est vrai que certaines personnes restent insensibles aux masques, parmi les Européens ou les Chinois, et qu’il faut être quand même un petit peu initié pour y comprendre quelque chose. Mais ce que l’on fait, nous, aujourd’hui, les gens le comprennent. Que ce soit au Japon ou ici, c’est la même émotion que l’on rencontre qu’en Afrique. C’est donc un art universel, ce n’est pas un art africain. Je crois que tout ça vient d’une paresse intellectuelle : « c’est fait par un Africain donc cet art est africain » ; ça ne va pas plus loin. On ne renie pas notre appartenance à l’Afrique, surtout qu’elle se sent lorsqu’on fait de la sculpture. Mais faut-il qu’ils le disent ? C’est leur manière d’essayer de nous marginaliser. C’est pour ça que je ne participe pas à des expositions avec des connotations d’exposition d’art africain. Si c’est pour me retrouver dans un enclos, ça ne m’intéresse pas.
Le fait d’avoir à subir une image négative de l’Afrique peut-elle être en soi un des aspects de l’africanité ?
Non. Si nous avons des chefs d’Etat qui vont mendier en Rolls, c’est pour leur propre confort. Disons simplement qu’il est beaucoup plus porteur de dire que son peuple est touché par le sida ou par le manque d’eau pour réclamer des aides.
L’identité d’artiste africain est-elle importante à vos yeux aujourd’hui ?
Pas nécessairement. Ce qui compte pour moi est qu’il y ait des artistes qui travaillent à la fois sur le continent et dans le milieu de l’art international, que les artistes puissent pratiquer un art d’un niveau sérieux et qu’ils aient le même accès aux ressources, aux espaces et aux médias que n’importe quel artiste international.
En d’autres termes, l’art africain contemporain existe-t-il ?
Je m’imagine que oui. Bien sûr que je crois qu’il existe !
Ne serait-ce pas tout simplement de l’art contemporain ?
Et bien, je crois que l’art africain contemporain existe à partir du moment où c’est un point de départ.
Que pensez-vous du mot » ghetto « , si souvent utilisé dans ce qui a trait aux expressions des communautés ?
Ce terme à historiquement différentes connotations. Que puis-je dire ? Si ce n’est que je ne ressens aucunement le besoin d’appartenir à un ghetto ou de vivre dedans !
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