Au mois d’octobre, le Brésil a élu un nouveau président : Jair Bolsonaro. Un homme d’extrême-droite ouvertement raciste et machiste. Une élection qui ne va pas améliorer le sort des Noirs au Brésil, déjà largement victimes des violences policières.
Plus de 71 % des personnes tuées au Brésil sont noires [1]. Toutes les 23 minutes un jeune noir meurt assassiné au Brésil [2].
Une violence historique
Au début du XIXe siècle, le roi Dom João VI craint qu’ait lieu au Brésil une révolte similaire à celle d’Haïti. Il crée en 1809 la « division militaire de la garde royale de la police », ancêtre de la police militaire actuelle. Elle est pensée dès le départ comme un outil de répression des esclaves. Après l’abolition de l’esclavage, les relations entre l’État et les anciens esclaves changent peu. Pour la police, les Noirs constituent une « classe dangereuse » qu’il faut maîtriser. Au nom de l’ordre public, elle n’hésite pas à tuer fréquemment. Aujourd’hui, plus de deux siècles après sa création, la police militaire continue de porter la trace de cet héritage colonial. Les vingt années de dictature militaire ont également contribué à la banalisation des assassinats et des tortures.
Le mythe de la « démocratie raciale ».
Le concept de « démocratie raciale » s’appuie sur un imaginaire de « mélange des races ». Le Brésil serait marqué par la tolérance raciale et la coexistence harmonieuse. En effet, le « dégradé » de métissage rendrait impossible une division binaire entre des races inégales. Ce mythe a longtemps servi au Brésil à discréditer toute accusation de racisme.
Mais depuis les années 1980, l’essor des mouvements noirs au Brésil contribue à faire dénoncer le racisme profondément ancré dans la société Brésilienne.
Entre milices privées et police prête à tout
76 % des plus pauvres au Brésil sont noirs [3]. Ils sont considérés par principe comme des criminels potentiels. Dans les années 1970, des « escadrons de la mort » sont payés par les commerçants et entrepreneurs pour assassiner les personnes qui pourraient les mettre en danger. Ces personnes sont presque toujours noires. Dans les années 1980 et 1990 les escadrons sont remplacées par les « groupes d’extermination », puis de nos jours, par les « milices », véritables mafias composées d’anciens policiers et agents de sécurité.
Parallèlement, pour faire face au trafic de drogues qui se développe dans les favelas depuis les années 1990, l’État s’engage dans une « guerre contre les drogues », où la police a tous les droits. Plusieurs fois des hélicoptères de la police ont mitraillé les trafiquants de drogue depuis le ciel. Beaucoup de gens innocents sont touchés. Dans ce contexte, les morts dites « collatérales » ne sont pas du tout exceptionnelles, elles sont au contraire très banales. Un jeune noir qui court est considéré par la police comme un suspect dangereux qu’il vaut mieux abattre.
Dénoncer et résister : les mouvements contre les violences policières
De plus en plus de voix s’élèvent ces dernières années contre les violences policières et le racisme d’État. Plusieurs collectifs issus des favelas s’attachent à dénoncer les morts quotidiennes suites aux opérations de police. Ils ont recours aux réseaux sociaux et obligent les grands médias à en parler. La généralisation d’Internet et des smartphones fournit aux habitants des moyens d’information. Une application nommée « Nós por nós » (« Par nous-mêmes, pour nous-mêmes ») est lancée en 2016 par un collectif de militants issus des favelas ; elle permet de dénoncer de manière anonyme les abus et violences policières, en les localisant sur une carte de Rio, et en joignant à son témoignage des photos et vidéos.
Des mouvements de lycéens se sont aussi lancés en 2016. Espérons que cette mobilisation saura tenir tête au nouveau gouvernement brésilien.
1 : Selon l’Atlas de la violence 2017, Ipea/FBSP
2 : Selon la Commission d’enquête du Sénat sur l’assassinat des jeunes.
3 : Selon les données de l’IBGE (Institut brésilien de géographie et de statistique) en 2014.