Actualité oblige, tous se mobilisent contre le rouleau compresseur américain pour défendre la diversité culturelle dans le monde. L’enjeu est alors de savoir si l’Europe, en aidant la production d’images du Sud, se pose comme un passage obligé ou si elle permet aux pays du Sud de structurer une industrie apte à produire ses propres images. En somme, si on préfère un jeu de ping-pong Europe-Amérique ou un véritable multilatéralisme. Le festival de Cannes 2003 a été le théâtre de multiples tables-rondes et annonces de programmes de soutien aux cinémas du Sud. Radioscopie.
La question semble vieille comme les Indépendances : elle rejoint le souci de faire en sorte que les fonds énormes investis dans la coopération soient structurants pour les pays concernés plutôt qu’ils ne ré-engendrent sempiternellement un assistanat dont le Nord pourra se glorifier pour son humanité et dont le Sud sera l’obligé reconnaissant. Si l’argent coulait à flots, on pourrait se dire qu’il en retombera toujours quelque chose de bien. Par contre, avec la crise, les budgets publics ne sont pas remis en cause mais n’augmentent pas : il faut faire mieux avec autant qu’avant. Et ils faut envisager un avenir éventuellement proche où les fonds se tariront, où, comme aime à le dire Idrissa Ouedraogo, » la natte sera retirée sur laquelle nous sommes assis « .
Il fut l’objet d’une annonce en grandes pompes. Pour profiter de la médiatisation cannoise, étaient réunis Roger Dehaybe (Agence de la Francophonie), Pierre-André Wiltzer (ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie), Jean-Jacques Aillagon (ministre de la Culture et de la Communication), auprès desquels avaient pris place, parce que présents, Cheick Oumar Sissoko (ministre de la Culture du Mali) et le ministre gabonais de la Culture.
Tandis que Roger Dehaybe insista sur le programme » Africa cinémas » à l’élaboration duquel l’Agence de la Francophonie a largement contribué par des rencontres professionnelles depuis deux ans, Pierre-André Wiltzer a insisté sur l’importance de » combler le vide « , soulignant que la presse relevait elle-même que les cinématographies du Sud n’occupaient pas une grande place dans les sélections cannoises. » Une nouvelle impulsion et une nouvelle efficacité sont ainsi recherchées pour que les écrans ne soient pas monopolisés par une seule vision du monde, une seule source d’inspiration « , a-t-il ajouté.
Reprenant le credo de la diversité culturelle contre la mondialisation réductrice, il a situé les produits culturels comme la seule antidote aux dérives identitaires et aux manifestations de rejet contre un prêt-à-penser culturel imposé de l’extérieur. » Le monde a besoin d’être fertilisé, irrigué par l’Afrique : elle n’est pas que des maux mais une créativité passionnante « .
Jean-Jacques Aillagon a indiqué que » c’est le cinéma africain qui rend service à la France « , arguant » qu’il n’y a pas de culture si elle n’est pas diverse « . Il a insisté sur l’importance d’une action de soutien à la production et de la diffusion de l’action culturelle dans le cadre des négociations de l’OMC et appuyé l’initiative de l’Unesco sur la diversité.
Il a rappelé la » déclaration de Cannes » du 17 mai 2003, signée avec Jack Valenti, président de la Motion Picture Association (américaine), pour la protection des films contre le piratage numérique, appelant les gouvernements nationaux à s’unir, annonçant une rencontre internationale au festival de Cannes 2004. A noter que Jack Valenti a indiqué ne pas avoir pour intention de remettre en question les réglementations européennes en vigueur en matière cinématographique et audiovisuelle.
» Nous exigeons que soit maintenue la règle de l’unanimité à ce secteur, a poursuivi Jean-Jacques Aillagon, pour que des majorités de circonstance ne balayent pas nos efforts « . L’Unesco travaille à une convention sur les biens immatériels, a-t-il également signalé, concluant sur le fait que » une culture est assurée de survivre si elle peut accéder à l’édition de biens culturels « .
Cheick Oumar Sissoko a centré son intervention sur la passerelle à construire : » Les nouvelles dispositions peuvent le permettre mais il nous faut encore plus d’ambition. Le monde de demain sera uni et équilibré dans une union entre Europe et Afrique. Compte-tenu de vos responsabilités historiques et de vos moyens, vous devez avoir encore plus d’ambition qu’aujourd’hui. Il est heureux que des Africains aient été placés à la tête de ces nouvelles structures, comme le jeune Tiendrébéogo pour Africa cinémas. Une direction africaine est mieux à même de connaître les problèmes et les bonnes décisions. L’Afrique peut apporter quelque chose au monde. Le cinéma peut contribuer à la connaissance du continent car si l’incompréhension continue, le racisme, les conflits et les guerres vont continuer. L’UEMOA a créé une direction des Arts et de la Culture avec la question du cinéma en priorité. La CEMAC réfléchit et en Afrique centrale, une circulation des fonds est organisée. La diversité culturelle est une question de démocratie et elle assure la paix de demain. Je ne crois pas que notre place ait été bien défendue au festival de Cannes. Il est possible politiquement de demander que l’Afrique soit présente en sélection officielle. Je souhaiterais un examen de cela avec Gilles Jacob. Grâce à TV5, nos films sont vus mais ils l’étaient il y a 15 ou 20 ans sur les télévisions françaises. Cela participerait de cette passerelle indispensable. »
2003 : le vent est effectivement nouveau au ministère des Affaires étrangères (MAE). L’arrivée de Richard Boidin, qui vient d’Arte, à la tête de la direction de l’audiovisuel, marque un nouveau discours : reconnaissance des erreurs passées et volonté de changement, exprimée dans une table-ronde consacrée au financement des films du Sud (cf compte-rendu détaillé sur le site en lien sur le clignotant rouge en bas de page). Pour cela, de véritables révolutions :
La première manifestation visible : un pavillon unique » Cinémas du Sud » à Cannes sur 400 m2, réunissant le ministère des Affaires étrangères, le Centre national de la Cinématographie, l’Agence intergouvernementale de la francophonie, TV5 et Canal France International (CFI). Bornes internet et de visionnage, salle de projection partenaire avec l’Union européenne (UE), espaces de conférences et de rencontres, tout y était pour en faire un outil utile à la profession. Des projections au cinéma Les Arcades dans le cadre du marché international du film ont donné une belle exposition aux films du Sud. La médiatisation conjointe autour du Pavillon y a également contribué dans un festival où il n’est pas simple de ne pas passer inaperçu.
Au bout de deux ans d’un travail essentiellement mené par l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF), l’annonce par le MAE, l’AIF et l’UE d’une action conjointe » Africa cinémas » de soutien à la diffusion des films montre le souci d’agir de concert dans un domaine jusqu’ici négligé (cf compte-rendu de la présentation à Cannes). Le but est de renouer le lien entre les cinéastes africains et leurs propres publics. Vu la dégradation générale en Afrique des salles de cinéma, la main-mise du cinéma américain sur la distribution et la crise financière comme la frilosité des télévisions nationales, les publics africains ne peuvent que rarement voir les films d’Afrique. Tandis que l’aide à la production des trois guichets est poursuivie, une enveloppe globale de 1,5 millions d’euros est dégagée pour un soutien à la distribution en salles. Géré par Europa cinémas et placé sous la direction du producteur burkinabè Toussaint Tiendrebeogo, ce fonds soutiendra des contrats de distribution sur au moins cinq pays du continent, ce qui représentera une moyenne de 75 000 euros d’aide par film sous forme de copies, bandes-annonces, affiches, dossiers de presse, transports, organisation d’événements promotionnels, etc.
Si les exploitants s’engagent à programmer un certain pourcentage de films africains, des aides leurs seront versées pour la modernisation de leurs salles. Des aides structurantes seront attribuées à des distributeurs africains. Les différentes pistes de diffusion (cinéma numérique, vidéo, cinéma itinérant) seront explorées et soutenues, ainsi que la diffusion des films sur les télévisions hertziennes.
Beau programme qui suppose que le public suive ! Car la réalité est aujourd’hui que le public africain se détourne de son propre cinéma comme du cinéma français, voire du cinéma en général. On pense à la promotion commerciale des films mais un terme est toujours oublié, qui bien sûr nous est cher : la critique. Certes, le temps est loin où une tirade radiophonique de Jean-Louis Bory faisait gagner ou perdre 50 000 spectateurs à un film. Pas plus qu’en France, la critique africaine ne fait le succès des films. Mais une contradiction persiste : il ressort de toutes les interventions officielles (cf les compte-rendus des différentes tables-rondes en lien sur le clignotant rouge en bas de page) que le choix des guichets reste de soutenir un cinéma dit » de qualité « , donc pas forcément grand public. Pour que ce type de cinéma trouve un public, une certaine cinéphilie doit voir le jour, notamment chez les jeunes, qui tirera l’ensemble de la cinématographie vers le haut comme le font les aides à la production quand elles ont pour critère la qualité artistique des films. Cela suppose une réflexion et des publications critiques. Ce qui passe par la formation à la critique des journalistes culturels africains et les moyens pour eux de s’exprimer, de confronter leurs points de vue, d’être valorisés et d’être lus au-delà de leur média. Si la reprise d’une revue de cinéma comme Ecrans d’Afrique semble difficile à financer et à diffuser efficacement, l’internet paraît à cet égard une solution d’avenir, qui permet à la fois l’actualité et la documentation.
Sinon, il est clair que l’aspect structurant du soutien aux salles et aux distributeurs ne peut qu’être applaudi : enfin, une aide qui permette à un maillon essentiel de la chaîne de se consolider. Même si la salle de cinéma sous sa forme actuelle (souvent salle unique de trop grande capacité alors qu’il faudrait des salles multi-écrans et explorer la projection numérique) n’est peut-être pas la solution d’avenir pour la diffusion des films, le public potentiel apprécie la » sortie cinéma » dans des salles attractives et bien équipées. C’est sous cette forme qu’elle reste une alternative à la télévision ou la vidéo.
Contact Africa cinémas : 54, rue Beaubourg, 75003 Paris, tel +33 1 42 71 53 70, fax 47 55.
Le souci du programme sur trois ans annoncé par le MAE intitulé » Plan images Afrique » va heureusement dans le même sens d’une structuration et d’une prise en compte des réalités du terrain : le fait de fusionner l’actuel Fonds Sud Télévision et le Fonds d’Appui au développement des Cinémas du Sud (ADCSud) en un guichet unique, le Fonds images Afrique, est lui aussi une révolution en soi. En effet, suivant en cela l’exemple des autres guichets, il permet enfin de ne plus opposer deux domaines jusqu’ici soigneusement séparés par le ministère : le cinéma et la télévision. Par ailleurs, il ouvre l’aide à tous les formats et les durées, n’excluant plus le court métrage pour le cinéma, et concerne aussi les téléfilms, sitcoms, films d’animation, clips, magazines et documentaires. Enfin, il s’applique à tous les stades du développement et de la production, quelque soit le support choisi. Sans qu’une réelle parité soit annoncée (qui permette d’éviter les sempiternelles oukases occidentales sur ce que doit être un film africain), l’aide sera attribuée par une commission groupant des professionnels d’Europe et d’Afrique sub-saharienne. Et, last but not least, la totalité du soutien sera attribué à une société de production locale et devra être dépensée sur place. Avec 6 millions d’euros sur trois ans, cette aide cumulable avec les autres soutiens sera loin d’être négligeable ! Elle comprendra également un volet formation de scénaristes et de producteurs ainsi que la promotion.
Avec l’aide à la production (Fonds images Afrique) et l’aide à la diffusion (Africa cinémas), le troisième volet du » Plan images Afrique » concerne le soutien aux télévisions africaines. On a là le fruit d’une réflexion quantitative sur le public qui relativise l’impact des salles (les fonds à investir pour la modernisation du parc des salles devraient être gigantesques) au profit des télévisions. Il ne s’agit plus dès lors de produire uniquement des films de cinéma, mais aussi des séries, sitcoms, téléfilms, documentaires, fictions de proximité etc. En somme, de reconquérir un terrain perdu pour que les Africains voient en priorité des images produites en Afrique. L’approche est ici gestionnaire : il s’agit d’aider par convention signée les télévisions à se professionnaliser, d’étudier les attentes de leur audience, d’explorer le marché publicitaire. Et voilà 3 millions d’euros de plus dans ce programme de trois ans. Rien d’étonnant à ce que le suivi en soit confié à CFI : c’est un outil de coopération et l’ensemble du programme est avant tout un programme de coopération. Comme le soulignait Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, dans un interview au Film français, » il est vrai que l’apport économique des pays africains est réduit mais notre action reste centrée sur la coopération « .
Voir ainsi CFI gérer cette aide aux télévisions fait craindre le pire à certains, CFI étant aujourd’hui à travers sa politique de don gratuit de programmes aux télévisions du Sud un des principaux obstacles à ce que celles-ci se prennent en mains pour la production d’émissions propres. Mais le problème est complexe, parce que les autres coopérations (anglophone, germanophone) pratiquent aussi le don gratuit mais aussi parce qu’on constate que les télévisions africaines repiquent plus volontiers des programmes grand public extérieurs que des programmes africains que CFI essaye de diffuser en plus grand nombre. Les séries américaines et brésiliennes captent en outre tant le public qu’elles leur donnent priorité.
On sent le fond du problème : comme partout ailleurs, les publics du Sud ne cherchent pas la qualité culturelle mais la distraction facile. L’aide au cinéma et à l’audiovisuel s’inscrit ainsi dans une démarche éducative. Comme le dit Serge Adda, directeur de TV5 : » Notre démarche est volontariste, qui ne répond pas à une demande des publics mais à une réflexion que nous avons en commun pour la défense de la diversité culturelle « . Faut-il pour autant ne produire que des uvres exigeantes ? Charles Mensah, directeur du Centre national du cinéma du Gabon, s’élève contre » le puissant lobby qui oriente les jurys dans les festivals » et qui privilégie » les films d’auteur sur les films grand public « , au détriment du lien avec le public africain.
Vieux débat ! A quoi bon soutenir des produits commerciaux qui seront toujours moins accrocheurs que les séries américaines ou brésiliennes ? L’aide au cinéma ne doit-elle pas répondre en priorité à une exigence d’éducation ? à une conscience de l’état de l’Afrique ? Cela n’empêche pas de traiter un film avec humour, suspens etc pour qu’un large public y adhère, mais l’histoire du cinéma montre que le public se lasse quand les produits commerciaux ne savent pas se renouveler. Or, quand la technologie touche ses limites, ils ne le font que par la création artistique. Surtout dans les cinémas d’Afrique où les films ne sont pas le produit d’une industrie organisée, l’opposition entre cinéma d’auteur et cinéma grand public est inopérante : pour prendre un exemple au Gabon, Dôlè, d’Imunga Ivanga, est-il un film d’auteur ou un film grand public ? Même question pour Le Silence de la forêt de Didier Ouenangaré et Bassek ba Kobhio présenté cette année à la Quinzaine des réalisateurs comme un film d’auteur et qui s’adresse pourtant à un large public ? Plutôt que d’opposer ces deux termes, mieux vaudrait situer l’opposition dans le contenu des films : s’agit-il de faire comme le cinéma hollywoodien un retravail des angoisses du monde pour mieux en accepter l’ordre (américain globalisé) ou bien se coltiner la réalité comme le font les autres cinémas pour en envisager le changement, c’est-à-dire faire un cinéma de regard où un créateur propose sa vision en proposant au spectateur la place active d’une réflexion participative. Que certains films soient dès lors plus difficiles d’accès que d’autres dans cette recherche forcément formelle fait partie du jeu créatif. Que des jurys de festivals y soient sensibles est normal : à moins de juger un film en terme d’audimat ou de prix du public, leur rôle est de motiver les spectateurs à tenter l’expérience de voir des films éventuellement exigeants, en phase avec le rôle éducatif et culturel voué au cinéma en plus de la simple distraction.
Même dans le cas des près de 3000 vidéos domestiques nigérianes produites chaque année (dont seulement 880 sont passées par le Censor’s board en 2002), et qui trouvent localement une large audience en dépit de leur grande médiocrité formelle, ce n’est pas une simple distraction qui est cherchée par un public qui pourrait leur préférer l’efficacité distractive de productions américaines tout à fait accessibles, notamment par les télévisions : ces vidéos retravaillent les peurs engendrées par un quotidien complexe dans un pays difficile en mettant bien souvent en scène des bandes de justiciers face à la violence et la corruption ou bien des histoires de sorcellerie. (cf notre rapport sur la home vidéo au Nigeria publié sur le site).
Le vieux procès fait à une nouvelle génération de cinéastes de faire des films destinés à plaire à un public occidental est si fort que la Guilde des réalisateurs et producteurs africains a consacré son dernier bulletin aux réponses d’un certain nombre de réalisateurs à cette question (en ligne sur www.cinemasdafrique.com). Tous revendiquent la liberté de faire une uvre artistique sans devoir se soucier de répondre à des critères d’identification africaine.
» Ne fait-on pas une trop grande part au film d’auteur ? se demande aussi Jean-Claude Crépeau, qui dirige le secteur audiovisuel à l’AIF. Sans doute. Il nous faut rapprocher la prise de décision du terrain. » C’est sans doute là la solution mais aussi le hic. Le problème n’est pas l’existence d’un cinéma d’auteur mais le déséquilibre dans la production d’images. Les systèmes d’aide, trop complexes et centralisés, ne permettent pas l’émergence réelle d’une production locale que le numérique rend possible. C’est pourtant elle qui pourrait fournir des images en grand nombre aux télévisions nationales et directement au public par la vidéo ou le DVD qui ne tardera pas à s’imposer lui aussi en Afrique. Cela ne passera que par une démocratisation de l’aide, un certain saupoudrage, une décentralisation des décisions.
L’idée est que, comme le montre le système français d’aide automatique, d’une médiocrité générale peuvent sortir des chefs d’uvre (qu’il conviendra alors de kinescoper pour une diffusion cinéma internationale) : de jeunes auteurs s’affirment partout, qui ne demandent qu’à produire mais n’ont pas toujours accès aux fonds d’aide. L’expérience du Forut de Dakar est à cet égard exemplaire, par sa production de vidéos de proximité dans le cadre d’une formation simple.
Le mot décentralisation ne faisait pas partie du vocabulaire des présentations cannoises. Mais une mission du ministère va se déplacer de pays en pays pour rencontrer les responsables locaux avant d’arrêter les modalités précises du Plan images Afrique. On peut espérer que la question soit posée, le lien avec des politiques nationales étant ici essentiel.
Le CNC a de son côté organisé lui aussi une conférence pour présenter sa nouvelle aide aux sorties simultanées dans le Maghreb et en France.
Jusqu’à présent, et depuis 1991, le CNC offre des copies gratuites pour aider les distributeurs des pays de l’Est à distribuer des films français. C’était une mesure destinée à soutenir la reconstruction du secteur distribution après la chute du mur de Berlin. Cette procédure, qui consiste à recycler des copies en bon état de films français issues du circuit français (copies tirées par l’ADRC dans le cadre de l’aide à la diffusion pour les petites villes et les villes moyennes), a été étendue aux pays du Maghreb, d’Afrique, du Moyen Orient et de certains pays d’Amérique latine et d’Asie. Ce sont ainsi 600 copies qui sont envoyées chaque année pour soutenir la sortie de films français à l’étranger. Les pays des l’Est en profitent à 50 %,le Moyen-Orient (surtout le Liban et Israël) à 20 %, tandis que les demandes émanant des distributeurs d’Afrique et du Maghreb ne totalisent que 3%.
Depuis janvier 2003, ce dispositif est ouvert aux copies de films ayant bénéficié de l’aide du Fonds Sud, ce qui l’ouvre aux films du Sud. En 2003/2004, et à titre expérimental, le CNC mettra à la disposition des distributeurs d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie des copies neuves pour organiser des sorties simultanées dans leur pays et profiter ainsi des campagnes de promotion des films en France qui touchent un large public au Maghreb à travers l’ensemble des médias français qui sont reçus dans ces pays.
Cela s’inscrit, a souligné David Kessler (directeur du Centre national de la cinématographie), » dans l’action internationale du CNC qui n’est pas seulement là pour améliorer la diffusion du film français mais constitue aussi une coopération entre les pays s’inscrivant dans une vision plus large de la diversité culturelle. » Cannes étant la vitrine du cinéma du monde, c’était le lieu pour l’annoncer.
Contact pour cette aide : [email protected] (tel +33 1 44 34 38 31, fax 36 59)
Les interventions de la salle ont souligné l’opportunité du dispositif et son accueil positif dans la profession. Le producteur et distributeur Ahmed Attia a indiqué qu’il allait en profiter très vite pour sortir » La Petite Lili » de Claude Miller dans les trois pays une semaine après sa sortie en France, le réalisateur accompagnant le film. La réalisatrice Nadia El Fani a indiqué qu’une sortie simultanée en Tunisie de son film » Bedwin Hacker » serait organisée.
Mais les intervenants ont insisté sur la dégradation du parc de salles dans les pays du Maghreb : l’Algérie qui avait 565 salles en a maintenant 16 qui fonctionnent encore avec du 35 mm ; la Tunisie qui en avait 116 n’en a plus que 28 mais seulement une dizaine qui ne soient pas vétustes. Ahmed Attia en a ainsi appelé à un » Plan Maghreb » qui tienne compte de l’infrastructure pour soutenir les multisalles.
Quant à la situation marocaine, Souheil Ben Barka, directeur du CNC marocain, en a fait un tableau très noir : » Les salles sont là mais le public n’est pas là. Nous avons 70 bonnes salles où les films arrivent peu après Paris. La télévision nous offre 60 passages des bandes-annonces en prime time, tout film sorti ayant trois passages gratuits sur 2M. Les wilayas offrent des espaces d’affichage publicitaire gratuits. Pourtant, la fréquentation est tombée de 25 à 9 millions de spectateurs en dix ans. On note une chute totale depuis neuf mois. Les distributeurs sont frileux et attendent de voir comment le film marche en France. On a vu Harry Poter faire seulement un million de dirhams de recettes alors que la première version en avait fait trois l’année précédente. La télévision et le piratage ne sont pas nouveaux et ne peuvent expliquer le phénomène. Trois nouvelles salles à Meknès, toutes neuves, n’attirent que 15 spectateurs par salle par jour alors que le salon de thé situé au-dessus a 1500 visites quotidiennes ! Seul le cinéma hindou tire son épingle du jeu. Un projet de complexe a été abandonné à Marrakech. Le prix d’entrée moyen est de 15 dirham (peut monter à 45 dirhams dans les belles salles). Le Maroc n’a aucune revue de cinéma : il faudrait éduquer un public cinéphile et cela prendra du temps. »
Un exploitant marocain a insisté sur le séisme engendré par l’arrivée du multiplexe Mégarama à Casablanca : » le public marocain est devenu exigeant « .
Voilà une initiative originale que celle de vouloir organiser en Afrique une soirée grand public de récompense du cinéma africain retransmise comme les Césars par la télévision. Le dynamique Daniel Bart, opérateur de BLK production, qui a par exemple fait ses preuves lors des dernières Journées cinématographiques de Carthage, a annoncé la tenue de la première soirée le 17 avril 2004 à Dakar, sous le haut-patronage de la République du Sénégal. Elle sera retransmise par TV5 monde et CFI, avec des hommages et des extraits de films africains. Youssou Ndour travaille sur l’enveloppe musicale. Les remises de prix alterneront ainsi avec de la musique et des extraits de films et des montages des meilleurs moments de l’année.
Soleils d’Afrique sera aussi l’occasion d’un échange professionnel, des stagiaires africains étant attachés aux activités. Par ailleurs, un » cinéthon » présidé par Djibril Diallo, sous l’égide du PNUD (programme des Nations Unies pour le développement), collectera des fonds pour soutenir les projets qui contribuent à favoriser la diffusion du cinéma africain sur le continent.
L’AIF est partenaire, pensant que cela pouvait bouger la frilosité des télévisions africaines. Le vote se fera par internet et sera ouvert, à la manière des Awards américains, à l’ensemble de la profession du cinéma africain, sous le contrôle d’un comité des sages présidé par le réalisateur guinéen Cheik Doukouré.
Ce n’est plus à la Quinzaine des réalisateurs mais à la Semaine de la critique que s’est tenue la remise du prix Djibril Diop Mambéty organisé par l’association Racines. Une soirée qui, seulement annoncée comme remise de prix, ne rassemblait que le petit monde du cinéma africain, alors que comme soirée de courts métrages africains, elle aurait ratissé plus large auprès du public cannois mobilisé par la Semaine, les séances de courts métrages étant en général bien suivies par les festivaliers. De plus, discours et traductions ont largement pris le pas sur les films dont certains n’ont été projetés, comme l’année dernière, qu’en extraits. L’adjonction du prix du scénario RFO n’arrangeait pas les choses, chaque lauréat racontant au micro son scénario
Une soirée à repenser donc pour l’année prochaine, en limitant les blablas à quelques minutes (et un dossier distribué) et en mettant en avant les films !
Les trois films nominés sont un film d’animation, un documentaire et une fiction :
– Train train médina, film d’animation, est la première uvre d’un plasticien sénégalais Mohamadou N’doye.
– Au Prix du verre, documentaire, est le sixième court métrage d’un réalisateur camerounais Cyrille Masso.
– The sky in her eyes, court-métrage de fiction sud-africain, est co-réalisé par la réalisatrice Ouida Smit, et l’acteur et réalisateur Madoda Ncayiyana et a reçu le prix Djibril Diop Mambéty 2003 !
Voilà 21 ans que Cannes junior existe ! Créée et encore dirigée par Jean Burtschell, Cannes junior a failli disparaître cette année avec le retrait du soutien logistique et financier de l’Office municipal de l’action culturelle de Cannes et de Cannes cinéphiles. De même que le Studio 13 (MJC) où se déroulent nombre de projections est menacé lui aussi de fermeture (la méthode étant une audit sur la valeur de l’action menée, que personne ne met en cause) : cela arrangerait étant donné que la culture coûte cher et que le palais des sports voisin doit être reconstruit et agrandi.
Mais Cannes junior a trouvé de nouveaux partenaires : les ministère des Affaires étrangères, Culture, Education nationale, TV5, Agence de la Francophonie, Cinéma et Jeunesse, Cinéma du Sud et Ciné7art. Et continue sa pérégrination. Car Cannes junior est un festival itinérant : il a lieu dans différents pays (en Algérie, Corée, Gabon, Liban, Madagascar, Maurice, Philippines, Roumanie, Slovaquie, Turquie
) et dans des villes françaises comme Marseille, Les Mureaux
et Cannes qui en est le point de départ et d’arrivée !
Le jury est composé de jeunes, cette fois de Madagascar, des Mureaux et de Marseille (cf photo). La prochaine édition se tiendra à l’Ile Maurice du 9 au 14 décembre 2003.
Cette année, le grand prix, doté de 1500 euros par TV5 au réalisateur, a été attribué à Osama de Sedigh Barmak (Afghanistan), qui était présenté à la Quinzaine des réalisateurs.
Et puisqu’on est dans les prix, allons-y. Trois films d’Afrique dans les sélections cannoises, et un film primé : le Prix « Le premier regard » de la sélection officielle Un certain regard est allé à Mille mois de Faouzi Bensaïdi. Le jury était présidé par le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako qui a par ailleurs reçu le prix France Culture pour Heremakono – En attendant le bonheur. Des deux films marocains sélectionnés, Mille mois méritait mille prix ! Je n’en dirai pas autant de Les Yeux secs de Narjiss Nejjar, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs. L’accueil chaleureux du public montre que ce genre de symbolisme grandiloquent marche encore. A la même Quinzaine, Le Silence de la Forêt, premier film centrafricain de Didier Ouenangaré et Bassek ba Kobhio valait le détour, même s’il ne remplissait pas toutes ses promesses. On trouvera les synopsis et les critiques des trois films en lien sur le clignotant rouge en bas de page, ainsi que les interviews des réalisateurs et acteurs.
A signaler aussi à Cannes, Hop, un sympathique film belge vu au marché du film qui orchestre comme un thriller la débrouille d’un jeune immigré africain, ainsi que le film israélien James’journey to Jerusalem, peinture sociale ironique basée sur l’exploitation des immigrés africains. Le pavillon Cinémas du Sud permettait de voir des films non-encore chroniqués, comme Al’lèèssi, un excellent documentaire primé à Vues d’Afrique (Montréal) de Rahmatou Keïta sur l’actrice nigérienne Zalika Souley (que nous avions interviewé avec Isseu Niang il y a quelques années, cf sur le site), ainsi que La Ceinture de feu, film libanais qui aurait pu être réussi si
Les critiques sont à lire aussi en cliquant comme d’habitude sur le clignotant rouge en fin de page. Faut-il avoir la dent si dure pour des films faits avec de faibles moyens et des équipes engagées ? Mais à quoi bon la complaisance ? Aucun mépris dans ces critiques, si ce n’est le souci de rendre compte des films et d’approfondir leur vision, leur traitement. Des mots sur des images, pour mobiliser les sens : « Il faut que l’il écoute », disait Godard
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