Par manque d’attention, d’infrastructures et de savoir-faire, un certain nombre de pays africains sont sur le point de perdre leur patrimoine visuel. L’arrivée du numérique sur le marché n’a, quant à elle, pas arrangé la donne pour le moment. Conscients de ce problème crucial, les auteurs de ce texte s’appuient sur l’exemple du Burundi, pour dresser un état des lieux des pratiques photographiques – de presse et de studio ? -, depuis le temps de la colonisation belge jusqu’à nos jours.
« La reconnaissance des photographes africains et du langage visuel unique qu’ils ont développé », écrit le collectionneur Artur Walther dans le remarquable catalogue d’exposition Events of the Self. Portraiture and Social Identity, « s’est longtemps fait attendre » (1). On peut retracer les premiers signes d’intérêt des chercheurs en sciences humaines et sociales pour la photographie africaine au milieu des années 1980, dans un contexte d’ouverture à l’image. Par contre, il faudra encore attendre dix ans avant de découvrir les premières expositions artistiques consacrées aux photographies africaines. En cela, les Rencontres africaines de la photographie au Mali, qui ont eu lieu pour la première fois en 1994, ont joué un rôle pionnier (2).
Tout cela a été rendu en grande partie, voire entièrement, possible grâce aux archives. Sinon où, ailleurs que dans les archives, les fondateurs de la biennale de Bamako, les photographes Françoise Huguier et Bernard Descamps, auraient-ils trouvé les tirages et les négatifs des désormais célèbres Seydou Keïta (1923-2001) et Malick Sidibé (né en 1936), respectivement photographes des années 1950 et 1970 ? Où, sinon dans des lieux tels que les archives de la Société des Missions de Bâle, pour citer une institution européenne, un grand nombre des photographies aurait-il pu être amassé et protégé pour le bénéfice des historiens, des historiens de l’art et des anthropologues visuels (3) ? Cela a peut-être l’air anodin mais c’est loin d’être une évidence en soi. Pourquoi ? À regarder de près le continent africain, vu le recours grandissant à la photographie numérique, nous nous rendons compte qu’un certain nombre de pays sont sur le point de perdre leur patrimoine visuel simplement parce qu’à la fois professionnels et amateurs n’ont ni la capacité, ni les savoir-faire nécessaires pour constituer et gérer des archives numériques.
Dans cette optique, nous proposons ci-après de dresser à la fois un bilan de l’histoire photographique d’un petit pays d’Afrique centrale, le Burundi, ainsi que de sa production photographique actuelle. Les questions centrales nous guidant à travers ce qui suit sont très simples : qu’est-ce qui a été archivé ? Comment les photographies ont-elles été et sont-elles encore archivées ? Et, finalement, quelles en sont les conséquences pour le patrimoine visuel du pays ? Afin de dresser ce bilan historique et cet état des lieux actuel, nous nous concentrerons sur l’agence de presse étatique, l’Agence Burundaise de Presse (ABP), d’une part, et sur les studios photo locaux, les photographes professionnels de la capitale Bujumbura et ses alentours (4), d’autre part.
Avec une superficie d’à peine 30 000 km2, le Burundi est l’un des plus petits pays africains, situé entre la Tanzanie et la République Démocratique du Congo. Comme son voisin à l’est, faisant autrefois partie de l’Afrique orientale allemande, après la première guerre mondiale, le Burundi, comme le Rwanda, a été mis sous mandat de la Société des Nations, et plus tard des Nations-Unies, et administré par la Belgique. En décembre 1961, le Burundi obtient son autonomie et, quelques mois plus tard, le 1er juillet 1962, son indépendance. En 1993, suite à l’assassinat de Melchior Ndadaye, premier président élu démocratiquement, le pays s’enfonce dans une guerre civile désastreuse, qui dure jusqu’en 2006, lorsque le dernier groupe rebelle signe un armistice avec le gouvernement de Pierre Nkurunziza. Suite à la réélection de ce dernier en 2010, la situation politique demeure fragile. L’économie, soumise à une pression démographique grandissante et à un manque de conditions favorables, peine à décoller. Du coup, le Burundi dépend encore aujourd’hui largement du soutien financier de la communauté internationale.
En 1937, le ministère des Colonies belge met en place le Fonds colonial de propagande économique et sociale, destiné à contrôler et promouvoir la production des images des colonies et des pays sous mandat. La photographie et le cinéma sont en effet devenus des médias trop puissants pour les laisser échapper au contrôle de l’État. C’est évident que, dans un contexte global où le colonialisme est de plus en plus contesté, la photographie et le cinéma sont utilisés à des fins, comme l’on dirait aujourd’hui, de communication interne et externe. La justification de la domination coloniale sous forme d’une présentation positive des réalisations belges dans ses colonies – la construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux, etc. – est destinée au peuple belge, ainsi qu’à la Société des Nations et à son successeur les Nations-Unies et aux États la représentant.
Cinq ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, la Belgique fonde le Centre d’information et de documentation du Congo belge et du Ruanda-Urundi (CID). En 1955, l’Office de l’Information et des Relations publiques pour le Congo belge et le Ruanda-Urundi, mieux connu sous le nom d’Inforcongo, reprend les fonctions du CID. Inforcongo est un service rattaché au ministère des Colonies à Bruxelles. Il comprend deux branches régionales, l’une faisant partie du Gouvernement général de Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa), et l’autre à Usumbura (aujourd’hui Bujumbura). Le Bureau de l’Information à Bujumbura comprend un service photographique (CinéPhoto). Jusqu’à la fin de 1961, le directeur de Ciné-Photo est le Belge Pol Laval. Par la suite, il est remplacé par le Burundais Lazare Hagerimana (né en 1938). Les photographies du Service photographique se trouvent aujourd’hui dans les archives de l’Agence Burundaise de Presse (ABP).
Le fonds de l’ABP contient les archives photographiques burundaises les plus complètes. Ces dernières sont conservées dans un ancien garage situé dans les locaux de l’agence de presse, au sein même de la capitale. Le lieu est peu attrayant, mais il est sec et sombre, ce qui a permis aux négatifs et aux tirages de survivre assez correctement au passage du temps depuis les années 1950. Le contenu visuel des archives couvre la période de la pré et post-indépendance. L’ABP a été créée en 1976 et elle est aujourd’hui placée sous la tutelle du ministère de l’Information, de la Communication et des Relations avec le Parlement. Elle emploie des journalistes dans les dix-sept provinces du pays.
Une partie de ces archives de plus de 10 000 photographies, dont un lot important réalisé entre 1955 et 1965, est conservée dans des dossiers suspendus. Idéalement, chaque dossier contient le négatif ainsi qu’un ou plusieurs tirages sur papier. Sur la couverture du dossier figure une photographie et des informations écrites sur le lieu et la date de prise de vue, ainsi que le nom du photographe. Par ailleurs, une cote y est indiquée, qui se réfère à un registre, aujourd’hui malheureusement perdu (Fig. 1).
À partir de l’année 1965 environ, la majorité des tirages est classée dans de vieux cartons à photo entreposés sur des étagères en métal. Ces cartons n’ont pas ou peu de légendes et les négatifs correspondants manquent ou ne peuvent plus être correctement attribués. À un moment ou un autre durant les années 1980, on a cessé de tirer des photos à partir des négatifs pour l’archivage. D’après l’archiviste Bernadette Niyonzima, les archives n’avaient plus les moyens d’acheter le papier photographique, ni les produits chimiques. À la place, les négatifs étaient coupés en bandes de six et rangés dans des chemises en plastique ou en papier parchemin. Des planches-contacts ont néanmoins été encore tirées à partir de certains négatifs. Elles ont été placées dans des dossiers avec les bandes de négatifs correspondants et rangées dans un grand casier en métal. Depuis quelques années, les négatifs sont conservés roulés dans leur boîte en plastique d’origine. Une dizaine de ces boîtes sont conservées dans un sac en papier, munies d’une légende sommaire.
Depuis peu, les photographes de l’ABP et du quotidien officiel Le Renouveau (fondé en 1978), dont les images constituent aussi une partie des archives de l’ABP, travaillent exclusivement avec des appareils numériques. Par conséquent, les photographies sont éparpillées dans un grand nombre de disques durs. Ce qui rend la situation encore pire est qu’il n’existe pour les journalistes aucun système central d’archivage, ni de règlement concernant la gestion des données numériques. C’est la même chose à l’ABP. Les conséquences d’un disque dur défectueux sont faciles à imaginer. Sans parler des problèmes qui risquent de se poser quand les journalistes devront passer d’un format d’image à un autre. Si aucune mesure n’est prise pour faire face au défi numérique, les archives de la presse nationale vont être vides ou, tout du moins, très fragmentaires et occasionnelles.
À moyen terme, il faudrait entreprendre des actions en ce qui concerne l’organisation, la gestion et la conservation des archives photographiques existantes. Les négatifs et les tirages devraient être préservés dans des matériaux sans acide et on devrait par ailleurs créer une base de données et songer à un microfilmage de conservation. In fine, le tout devrait être stocké dans un lieu où la température et l’humidité sont constamment contrôlées. On devrait également réfléchir à une stratégie nationale pour la collecte, la conservation et l’accès des photographies prises par les professionnels et les amateurs, images qui sont à l’heure actuelle éparpillées à travers le Burundi et le monde entier. Pour cela, des institutions adéquates, avec du personnel qualifié, devraient être créées. Or, ni les Archives nationales, ni l’ABP, pour ne nommer que ces deux grandes institutions gouvernementales, n’ont la capacité d’accomplir cette tâche. Dernier point, et non des moindres : les photographes aussi ont besoin d’être formés et sensibilisés.
Avec une population estimée à 400 000 habitants, Bujumbura est une capitale africaine relativement petite. Presque plus aucun bâtiment de l’ère coloniale allemande n’est encore debout. Les Belges, par contre, ont laissé leur marque sur la ville. Les rues, les quartiers et les bâtiments centraux sont pensés selon leur conception de l’efficacité administrative, de la représentativité et de la ségrégation raciale. Les principaux axes routiers existent toujours, ainsi que de nombreuses infrastructures et bâtiments coloniaux, y compris un terrain de golf, une piscine, et le Cercle nautique, d’où les clients ont une vue splendide des collines de l’autre côté du Lac Tanganyika. À l’époque coloniale, ces endroits étaient exclusivement réservés à la clientèle blanche ; aujourd’hui ils sont accessibles à tous ceux qui en ont les moyens.
Les quartiers fortement peuplés, où habitent les couches les plus défavorisées et de nombreux réfugiés fuyant les guerres au Congo, se trouvent au nord et au sud du petit centre-ville. Sur les versants des collines à l’est, se situent les quartiers résidentiels de l’élite burundaise et des membres de l’importante communauté internationale. De hauts murs et portails en ferraille protègent les grands jardins et les somptueuses villas du regard des curieux et des envieux. Le centre-ville abrite plusieurs grands studios photo tenus principalement par des étrangers. On y propose des photos d’identité numériques ou des « photos entières » (5). Seuls ces studios ont les moyens d’acquérir le matériel nécessaire pour développer les photographies couleur ou pour effectuer des tirages numériques. C’est pour cela que tous les photographes viennent dans ces laboratoires avec leurs négatifs à développer et à tirer. À noter que ces grands studios ne conservent pas d’archives et que, d’après leurs gérants, les négatifs sont jetés peu après le traitement.
Dans les quartiers périphériques de Kamenge, Bwiza, Buyenzi ou Cibitoke, les façades peintes de petits studios sont bien en vue. Souvent reconnaissables grâce à un appareil photo peint sur la devanture, ils se nichent entre les salons de couture gérés par des migrants sénégalais, les salons de coiffure, les menuiseries et les bars. Ils ont pour noms La Confiance, Top Class, Espoir ou Number One (Fig. 2). Ils promettent qualité, fiabilité et un service rapide à un prix abordable. Il est difficile de dire combien de ces petits studios existent, mais on peut estimer leur nombre à environ cinquante.
Un studio typique des quartiers périphériques comprend trois pièces : l’accueil où sont reçus les clients et où s’effectue le paiement, le studio où l’on prend la photographie et la chambre noire. Dans la première pièce, il n’y a guère de place pour plus de deux personnes à la fois. Les murs sont couverts de photographies noir et blanc et couleur. Très souvent, un portrait du photographe, appareil au cou, trône au milieu des portraits de clients. La liste des tarifs, l’affiche d’un club de football africain ou européen et, selon la nationalité du propriétaire, le portait de tel ou tel président, complètent la décoration intérieure.
La prise de vue est effectuée dans une pièce dont la superficie varie entre 6 entre 12 m2, séparée de l’entrée par un rideau qui sert à la fois à masquer la lumière, mais aussi à séparer le monde réel « du dehors » du monde de l’imagination et du désir. Un mur (parfois deux, voire trois) est couvert de différents fonds peints ou imprimés sur de grands posters fabriqués en Chine. Parfois, il s’agit simplement d’un morceau de tissu uni. Devant ces fonds qui rappellent ceux des studios européens du XIXe ou du début du XXe siècle, les clients prennent la pose. En dehors de ces fonds, il n’y a guère d’autres accessoires, comme les chaises, les fleurs en plastique, les chapeaux et les cravates qu’on retrouve dans d’autres studios africains, et avec lesquels les clients peuvent jouer et se préparer pour la prise de vue.
Les motifs des décors peints se répètent (6) : des lacs sur lesquels voguent des bateaux de pêche, entourés de palmiers, des jardins d’Éden fleuris, peuplés d’arbres et d’animaux, les lignes d’horizon de villes imaginaires ou encore des mosquées dans les quartiers à forte population musulmane. Les fonds les plus remarquables sont ceux réalisés par le Frère Wilongwa, un jeune Congolais, dont l’interprétation artistique et non conventionnelle des paysages urbains que lui inspirent les pages glacées des magazines, se trouve dans plusieurs studios de Kamenge (Fig. 3). Les propriétaires de studio leur préfèrent cependant les posters photographiques bon marché et flamboyants qu’affectionne aussi la clientèle. Le résultat de cette accumulation de couches successives de fonds est un amalgame de couleurs dont l’aspect plastique accentue les traits et les poses des clients. Ces plages caribéennes, ces paysages alpins et ces vues urbaines sont tous importés de Chine et forment un répertoire visuel banal et uniformisant (Fig. 4).
Les studios proposent deux types de services et de formats : les photos d’identité en noir et blanc et les portraits réalisés devant les fonds mentionnés ci-dessus. Ces derniers sont toutefois moins demandés que les premières pour lesquelles, semble-t-il, la demande est immense. En fait, de nombreux documents officiels que doivent se procurer les Burundais requièrent de telles photos d’identité.
Les photographies noir et blanc sont développées sur place dans de minuscules chambres noires où l’on n’arrive guère à se tenir debout. Ces endroits sont très étroits, mal aérés et l’accès à l’eau courante ne reste bien souvent qu’un rêve. Un vieil agrandisseur, quelques bols en plastique ou en émail, et une boîte de papier photographique que le photographe coupe au fur et à mesure de ses besoins, constituent la totalité de l’équipement. Les clients obtiennent quatre photos d’identité pour 800 francs burundais, l’équivalent de 50 centimes d’euro. Quant aux négatifs couleur, ils sont développés dans l’un des grands studios du centre-ville. Deux tirages d’une pose coûtent 1 200 francs burundais, soit à peine un euro. Tout comme pour les grands studios en ville, les studios des quartiers périphériques ne possèdent pas d’archives. Pourquoi garderaient-ils des négatifs qu’ils ne peuvent pas développer ? Par conséquent, ils coupent le film et fixent avec soin le négatif au dos du tirage couleur, créant ainsi une archive décentralisée. En revanche, les négatifs noir et blanc sont gardés par le studio, mais accrochés au mur sans aucune précaution (Fig. 5).
Les appareils les plus couramment utilisés dans les studios sont les boîtiers 35 mm de toutes sortes, équipés d’objectifs 50 mm et munis d’un simple flash. Des ampoules halogènes, intégrées dans des bouloirs en fer, servent de sources additionnelles de lumière. Avec leur zinc gris, blanchi d’une épaisse couche de peinture, elles font de très bons réflecteurs (Fig. 6). Les appareils numériques ne sont pas encore beaucoup utilisés, même si leur nombre ne cesse de croître.
Plus de 70 % des photographes des quartiers périphériques sont des Congolais originaires des provinces toutes proches du Kivu. La plupart ont fui la guerre qui a ravagé les provinces de l’est du Congo à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Cela explique pourquoi pratiquement tous les studios que nous avons visités durant nos recherches ont été fondés après l’an 2000. En devenant photographes, une profession qui peut se pratiquer à un niveau basique et sans grandes connaissances préalables, ils ont trouvé un moyen de gagner modestement leur vie. À leurs yeux, l’appareil photo est un outil de travail, rien de plus. Au Burundi, contrairement à d’autres pays africains, les studios photo n’ont pas été implantés depuis plusieurs décennies sans interruption.
Très souvent, pourtant, le travail de prise de vue en studio ne suffit pas à gagner sa vie, c’est pourquoi des services additionnels tels qu’une photocopieuse ou un téléphone à ligne terrestre sont proposés. Une autre stratégie de survie consiste à céder le studio à un plus jeune frère, pour partir en quête de clients dans des lieux à l’extérieur du studio, comme par exemple la plage qui, du coup, est fréquentée par de nombreux photographes itinérants. Des événements à caractère social, tels que les baptêmes, les mariages ou les funérailles offrent d’autres occasions de travailler.
À noter qu’il n’y a presque pas de photographes professionnels travaillant pour les médias ou dans la publicité. Le marché est réduit ou n’existe simplement pas. Seul Jooris Ndongozi, fils de l’un des premiers photographes burundais, fait figure de photographe officiel au gouvernement, toujours présent lors des sorties du président. Or, même Ndongozi a une deuxième occupation : il travaille dans les relations publiques et la publicité, une activité qui le conduit souvent à Dubaï.
L’histoire de la photographie burundaise débute à la fin du XIXe siècle dans un contexte de colonisation et de prosélytisme (7). Les photographes burundais commencent seulement à partir des années 1950 à documenter les événements politiques et culturels, la vie quotidienne des citoyens, ainsi que les paysages et le développement urbain de leur pays.
La compilation la plus importante et la plus complète de ces photographies est aujourd’hui conservée aux archives de l’Agence Burundaise de Presse. On peut également trouver quelques traces de ces archives dans les collections des premiers photographes professionnels, lorsque ceux-ci sont encore en vie ou si leurs héritiers ont jugé valable de garder de tels matériaux, ainsi que, bien sûr, dans les mains d’amateurs privés au Burundi ou à l’extérieur du pays. Personne ne sait avec exactitude combien d’images existent ni où elles se trouvent. Une première enquête effectuée dans le cadre d’une publication et d’un projet d’exposition nous porte à croire que des recherches plus approfondies dévoileraient beaucoup plus de matière (8).
Aujourd’hui, le patrimoine visuel du Burundi est menacé de deux façons. D’une part, les tirages et les négatifs noir et blanc des années 1950, ainsi que les tirages, les diapositives et les données numériques en couleur, plus récentes, risquent de se perdre irrémédiablement à cause de l’ignorance, du manque d’infrastructures et d’attention. D’autre part, si l’imagerie numérique continue de progresser aussi rapidement, le patrimoine visuel du pays disparaîtra à tout jamais dans le néant binaire, le vide numérique. Le pays se doit de réagir face à ce développement et à cette menace. Si nécessaire, l’Occident pourrait mettre à disposition son expérience et son savoir-faire.
1- Arthur Walther in Enwezor, Okwui (éd.), Contemporary African Photography from the Walther Collection. Events of the Self. Portraiture and Social Identity, Göttingen, Steidl, 2010, p. 7.
2- Pour une liste des principales expositions faisant une place à la photographie africaine contemporaine jusqu’en 2006, voir Enwezor, Okwui, Snap Judgements. New Positions in Contemporary African Photography, New-York et Göttingen, 2006, p. 350-355. Toutefois, Enwezor désigne plusieurs précurseurs à sa propre chronologie (p. 4, FN 51 et 52).
3- La Société des Missions de Bâle redécouvre ses trésors photographiques au début des années 1980. Depuis, plus de 25 000 images ont été numérisées et rendues accessibles au public : www.bmpix.org. Parmi les premières études réalisées, lire Photographs as Sources for African History, compte rendu d’un atelier qui a lieu à la SOAS (School of Oriental and African Studies) de Londres, les 12 et 13 mai 1988, sous la direction d’Andrew Roberts, et, quelques années plus tard, limité à l’Afrique de l’Ouest, West African Museums Programme/WAMP, un répertoire d’archives photographiques en Afrique de l’Ouest, Dakar 2001.
4- cf. Schneider, Jürg, La présence du passé. Une histoire de la photographie au Burundi, 1959-2005, Bujumbura, 2008.
5- En français dans le texte d’origine.
6- Pour d’autres textes sur les décors peints, au Ghana par exemple, voir Wendl, Tobias, « Ghana. Portraits et décors », Anthologie de la photographie africaine et de l’océan Indien, Paris, éditions Revue noire, 1998, p. 105-117 ; et Wendl, Tobias, Behrend, Heike et al., Snap me one! Studiofotografen in Afrika, Munich, Londres, Prestel, 1998.
7- Voir Collart, R. et Célis, G., Burundi, trente ans d’histoire en photos, Namur et Bujumbura, 1983.
8- Au sujet de ce projet d’exposition et de publication, voir : http://www.afriqueinvisu.org/la-presence-du-passe-une-histoire,156.htmlTexte original en anglais, traduit par Melissa Thackwayavec la complicité d’Érika Nimis et Marian Nur Goni.///Article N° : 10823