Djib

De Jean Odoutan

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Odoutan filme comme il est : gouailleur, engagé à 100 %, amuseur public et passionné de calembours, entier et finalement un peu brouillon. Il fait le pari de tourner vite et souvent, dans une grande économie de moyens, ce qui donne parfois l’impression qu’une autre prise n’aurait pas été de trop. Mais le résultat a le mérite d’être tonique ! Djib (diminutif de Djibril) est un jeune de 14 ans vivant en France avec sa grand-mère dans une cité de banlieue. Sa maxime, taguée au-dessus de son lit : « Un Noir ne doit jamais se laisser traiter de nègre par un autre qu’un Noir ». Il décide de laisser tomber les magouilles et de gagner « la thune à gogo en travaillant honnête ». Ses essais, tout comme sa relation avec Joséphine, une jeune Maghrébine, et bien d’autres choses tisseront une chronique vivante de la vie des jeunes dans une banlieue où « c’est la joie, ça explose ! » Les relations sont marquées par l’hyperbole des dialogues, les jeunes vociférant à la manière de La Haine un flot de mots déformés, un langage désincarné, une impasse, expression de la violence de leur exclusion sociale. Mais là où La Haine le retravaillait par la poésie (absente ici en dehors de la belle lettre signée « ton King Kong » écrite à sa petite amie), Djib varie les registres à l’infini, passant de la caricature burlesque (l’animateur « Explorer » incarné par Jean Odoutan) à la peinture sociale (le picnic, les tensions entre communautés), n’évitant pas de lourdes séances de morale (« sois-toi, mais pas un enculé ») mais retrouvant la profondeur avec la grand-mère interprétée par Laurentine Milebo, toujours émouvante de présence et de conviction, comme dans ce magnifique monologue où elle dit finalement à Djib : « Toi, mon petit-fils, je veux faire de toi un patrimoine, un monument ! » (1) C’est ce mélange qui dérange mais donne aussi au film un côté vivifiant, en définitive plutôt réjouissant.

(1) Pour le plaisir, voici ce dialogue en intégral :
« A cause des comme toi, les gens nous traitent de singes.
– Quand il dit nègre, il pense esclave, il pense sale, il pense singe, il pense pas intelligent, mais moi je suis intelligent, même plus que lui.
– Djib, quand tu vas comprendre qu’il faut te prendre en mains, qu’il faut être toi-même, ne pas copier les autres, ne pas suivre bêtement les fils de mal-élevés qui font yoyo dans les rues, je suis rappeur et je nique ta mère ? Quand tu vas comprendre que je ne veux pas que tu finisses comme tes parents, les sans cervelles ? Ils ont voulu faire comme les Blancs, fumer de la ganja, boire de l’alcool frelaté, faire l’amour sur le trottoir devant tout le monde, faire pata poutou pata poutou, viva la vida, crier leur haine plus que le Blanc. Ils sont où aujourd’hui ? ça fait 10 ans que je me traîne derrière la muraille où on ne respecte personne, que je te donne tout ce que je possède ! Dix ans ! Toi, mon petit-fils, je veux faire de toi un patrimoine, un monument, je veux que tu finisses comme un Léopold Sédar Senghor, un Nelson Mandela. Ta place n’est pas dans une cité de banlieue ! »///Article N° : 1604

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