La critique occidentale des cinémas africains entre cinéphilie et universalisme

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La critique cinéphilique a longtemps fait passer les cinémas africains et maghrébins par le filtre de l’esthétique et de l’exotisme, voire de l’orientalisme. Elle les ignore encore davantage que les cinémas asiatiques. La critique engagée et surtout la critique tiers-mondiste les ont valorisés en tant qu’expression d’un  » Troisième cinéma « . Lecture contradictoire, témoignage des antagonismes de la critique occidentale ? Deux expressions, en fait, deux avatars – qui peuvent se conjuguer – de l’esprit des lumières et de l’universalisme humaniste. Occidentalo-centrisme, à condition de ne pas prendre le mot dans un sens péjoratif. Car les lumières et l’universalisme humaniste, qui peuvent faire bon ménage avec la cinéphilie, ne sont pas ici des a priori idéologiques mais des paradigmes philosophiques, des référents culturels. Alors qu’elle prend en considération, les produits de grande consommation du cinéma occidental, voire aujourd’hui ceux du cinéma asiatique, dont elle promeut certains genres, la critique cinéphilique ignore la production grand public des pays africains et maghrébins. Paradoxe apparent, qui témoigne qu’elle attend de la production de ces pays en développement autre chose : elle se fait la caisse de résonance de ce qui ne peut être qu’un cinéma de message ou un cinéma d’intervention. La critique engagée et la critique cinéphilique se recoupent ici.
De la critique en général et de la critique cinématographique en particulier
La critique cinématographique a, des quotidiens aux hebdomadaires et aux revues spécialisées en cinéma, des aspects et des niveaux divers. Elle a pour but, en pointant les qualités ou le manque de qualités d’une œuvre, de guider le spectateur dans ses choix et de l’éclairer sur les tenants et aboutissants des films qu’il peut voir. Elle est donc, de même que la critique littéraire, produite par un connaisseur, lequel doit être apte à la synthèse aussi bien qu’à l’analyse.
Des quotidiens et magazines aux revues spécialisées, il y a dans la critique littéraire une hiérarchie assez sensible. Tous les critiques n’ont pas la même connaissance de l’histoire de la littérature et de ses grandes œuvres. Ils n’en connaissent pas forcément les théories, ils ne savent pas tous quelles lectures en font les diverses sciences humaines. La critique entretient, en bref, des rapports plus ou moins visibles, plus ou moins assumés ou revendiqués, avec l’étude, voire la science, de la littérature. C’est l’apanage des critiques des revues littéraires et des pages spécialisées des hebdomadaires. Mais, la littérature faisant partie du patrimoine et étant une part intégrante, pour ne pas dire structurante, du cursus scolaire, il existe au sein de la critique littéraire un certain consensus. Il s’agit toujours peu ou prou de donner à comprendre, en même temps qu’à goûter, la littérature.
Des magazines aux revues spécialisées, la critique cinématographique a dans le principe la même hiérarchie. De même que le plus exigeant de la critique littéraire ne se conçoit pas sans mise en perspective dans l’histoire de la littérature, le plus exigeant de la critique cinématographique ne se conçoit pas sans une mise en perspective dans l’histoire du cinéma, sans des références aux théories et lectures du cinéma. Mais l’écart est incontestablement plus grand. Le cinéma étant une industrie et un spectacle, un phénomène médiatique, il est, depuis les origines, des revues de cinéma qui ne parlent que des vedettes, des stars, qui s’intéressent exclusivement à l’environnement médiatique des films, à leur amont et à leur aval, pas du tout à leurs contenus.
Plus récente, naturellement, que la critique littéraire, la critique cinématographique a aussi été plus conflictuelle. Le cinéma ayant dû conquérir de haute lutte ses lettres de noblesse, la critique savante a eu bien plus de mal à s’imposer que son homologue littéraire ; elle est restée longtemps plus confidentielle. Et pour cause : elle s’est confondue avec la théorie et avec la recherche. Deux pôles, donc. En aval de la critique, les pages de certains journaux et les revues dédiées à la célébration des évènements cinématographiques et au culte des stars. Elles n’avaient, et n’ont, rien à voir avec elle. En amont, les revues spécialisées, qui sont également nées très tôt, qui ont longtemps outrepassé la critique au nom de la défense et illustration de ce qui n’était pas pour tous – il s’en fallait de beaucoup – un nouvel art. La hiérarchie, l’écart pour tout dire, s’en est trouvé entretenu, voire renforcé ; peut-être parce que, à la différence de ce qui s’est passé dans la critique littéraire, l’exigence s’est moins diffusée dans les étages hiérarchiques inférieurs. Comme si la vulgarisation était plus difficile. Mais aussi, et surtout, parce que la critique cinématographique de haut niveau n’a pas pris, pour les raisons intrinsèques exposées ci-dessus, autant de distance avec les mutations du 7ème art et avec les combats idéologiques afférents.
Pour ne prendre que cet élément de comparaison, la critique littéraire n‘a pas été réellement marquée par le structuralisme, resté l’apanage de revues universitaires et scientifiques. En l’absence de revues universitaires et scientifiques consacrées au cinéma – il n’est, je le rappelle, entré à l’université qu’au début des années 1970 -, les revues spécialisées se sont fait, par contre, ouvertement, voire abruptement, le relais du structuralisme, puis de la sémiologie…. Ce fut aussi vrai de La Revue du cinéma que des Cahiers du cinéma. On a vu, qui plus est, fleurir dans les années 1970 des revues qui étaient, sur le front du cinéma, le fer de lance des révolutions engendrées par les avancées ou les mutations, des sciences humaines. Nul examen des démarches et positions de la critique cinématographique n’a de sens si l’on omet ces données.
On y ajoutera le fait que la critique ne se soit longtemps intéressée qu’à la production des pays occidentaux. La critique occidentale, même la critique avertie, même celle des journaux d’élite et des revues spécialisées, aura été longue à rendre compte des autres cinématographies que celles des pays occidentaux, de toutes celles que j’appellerai pour simplifier  » étrangères « . Alors que, de l’Égypte à l’Inde en passant par le Japon, la production cinématographique avait débuté aussi tôt qu’en Occident. Est-il le simple reflet de la suprématie qu’a exercée, et ce dans les pays occidentaux eux-mêmes, le modèle hollywoodien et, mais à un moindre titre, certaines écoles européennes ? La production cinématographique ayant été longtemps exclusivement occidentale ou ayant été longtemps dominée par les pays occidentaux, la critique aurait logiquement ses références et modèles dans l’histoire, en rapport avec les cinémas occidentaux. Un effet idéologique autant que factuel dont il importe de rechercher pour cette raison, au-delà des circonstances, les causes structurelles. Ne faut-il pas y voir, je pose la question sans ambages, la marque d’un occidentalo-centrisme ?
Les cinématographies du monde ne sont pas toutes traitées à la même aune par la critique
Il faut certainement tenir compte de divers facteurs objectifs : les films  » étrangers  » à l’occident n’y ont pas toujours circulé aussi facilement qu’aujourd’hui, le doublage n’a pas toujours existé… Si la critique occidentale a été longue, par exemple, à s’intéresser au cinéma japonais, c’est qu’il n’avait, avant la deuxième guerre mondiale, pas vraiment été diffusé hors du Japon. Il y a d’ailleurs beau temps aujourd’hui que la critique a rattrapé ce retard : le cinéma japonais est aujourd’hui reconnu. La production ayant pris dans d’autres pays asiatiques, au fil des dernières décennies, du poids et du corps, des films chinois ou coréens retiennent aujourd’hui l’attention. Le dégel qu’a permis la nouvelle politique des dirigeants chinois ayant, dans une certaine mesure, favorisé une inspiration plus libre et l’émergence de nouveaux cinéastes, la critique s’intéresse aussi au cinéma chinois, dont on peut voir certaines productions dans les bonnes salles de l’hexagone.
Mais il y a ici autant d’écarts, ou plus exactement de distorsions, que de logique. Exemple criant : la critique promeut des films indiens, dits de  » Bollywood « . Elle attire l’attention du public sur le système, les genres, d’un cinéma de grande consommation. Elle s’était déjà intéressée pour les mêmes raisons au cinéma de Hong-Kong. Mais le cinéma de grande consommation chinois d’aujourd’hui n’a pas ses faveurs. Parce qu’il est quantitativement moins important ? La critique rend certes de facto justice à la production des studios de Bombay, depuis longtemps aussi importante, quantitativement parlant, que celle d’Hollywood. Mais est-ce seulement parce qu’ils sont plus d’exigences et de qualités esthétiques que la critique promeut certains cinéastes chinois au détriment d’autres ? N’est-ce pas aussi parce qu’ils sont dissidents ? L’élection ne serait pas dénuée de motifs politiques, mais elle serait encore un effet idéologique.
L’intérêt de la critique pour les cinémas de Hong-Kong et de Bombay est en tout cas un arbre qui cache une forêt. La critique tend sans doute à révéler l’existence d’autres industries que celle d’Hollywood. Elle pointe d’autres cinémas de grande consommation. Mais elle continue à élire des cinéastes d’exception, et ce au sein même de ces autres industries. Elle ne les pointe souvent que pour y élire des cinéastes d’exception, ou présentés comme d’exception, sur lesquels elle continue à focaliser l’attention du public. Il n’est pas dit, au total, que quelque chose ait changé sous le soleil : la démarche n’est pas radicalement différente de celle de la cinéphilie d’antan et des ciné-clubs auxquels elle avait donné naissance.
Quoique justifiée, leur promotion d’un Satyajit Ray faisait écran à la cinématographie de l’Inde, de la même façon que la promotion de Youssef Chahine faisait écran à la cinématographie égyptienne. Là où les ciné-clubs élisaient un cinéaste emblématique, la critique peut, certes, aujourd’hui en promouvoir plusieurs. À condition, et l’exemple de la Chine est encore ici emblématique, qu’ils fassent figure de rebelles, ou qu’ils tranchent par leur recherche esthétique sur le gros de la production. C’est dire que, quelques nuances qu’elle y mette, quelque habillage qu’elle lui donne, la critique continue à appliquer la fameuse  » politique des auteurs  » initiée dans les années 1950 par les rédacteurs des Cahiers du cinéma.
À ceci près qu’elle en évacue les fondements : elle prend en compte des auteurs et des genres, mais elle n’examine pas, ou fort peu, ce qui peut les lier.  » Politique des auteurs  » ou  » culte de l’auteur « , donc ? N’a-t-on pas affaire à ce que l’on appelle aujourd’hui, non sans raison, de l’auteurisme ? Ces questions valent d’être posées. Ces auteurs, ou prétendus auteurs, les critiques les présentent, soit comme allogènes aux structures et aux codes de production, soit comme les transcendant. Peu de place dans cette alternative pour un examen de l’usage qu’ils en font, de la relation exacte, du niveau de relation, qu’ils entretiennent avec eux. Les critiques des anciens Cahiers du cinéma avaient, eux, une démarche dialectique : ils démontraient qu’un cinéaste peut exploiter la contrainte, qu’un cinéma d’auteur est possible au sein du cinéma commercial, dans un système où les genres ont la prégnance, dans les codes de narration et de représentation d’un cinéma de grande consommation. Ils montraient que l’art peut exister dans l’industrie. Ils n’élisaient pas, ils extrayaient des cinéastes d’un ensemble dont ils avaient montré la cohérence mais dont ils démontraient qu’il pouvait se creuser de l’intérieur. Les critiques d’aujourd’hui extrapolent, eux, sur une réalité dont ils ne disent rien, ou presque rien.
Sans doute les cinéastes-auteurs d’aujourd’hui sont-ils plus autonomes que jadis. Mais dans quelle mesure ? Jusqu’à quel point ? Autonomes vis-à-vis des formes narratives, voire des codes de représentation, le sont-ils vis-à-vis des codes culturels qui – on n’en parle pas assez – régissent souterrainement les unes et les autres ? On ne peut se contenter d’extrapoler : il faut cerner et définir les écarts que créent les films d’auteurs vis-à-vis du gros de la production, vis-à-vis du cinéma chinois, du cinéma japonais, du cinéma coréen…, et donc, au premier chef, dire au lecteur qu’ils n’en sont pas le tout.
L’attitude de la critique vis-à-vis des cinématographies africaines a été, et est encore largement, le reflet de cette attitude générale : reproduisant sans la justifier, sans la penser, une politique des auteurs, suivant une doctrine, elle a promu, et promeut encore, quelques cinéastes d’Afrique noire, du Maghreb. Mais que dit-elle des cinématographies africaines, maghrébines ? Similitude, donc avec ce qui s’est passé pour le Japon, avec ce qui se passe pour l’Asie. À ceci près que, quoique promus contre le cinéma de grande consommation de leurs pays, les cinéastes africains et maghrébins comptent moins en tant que personnes, artistes, qu’en tant que témoins d’une réalité économique, sociale, culturelle… dont chacun sait qu’elle est criante. Pour prendre un exemple récent, la critique s’est répandue sur le dernier film d’Ousmane Sembene, Moolaadé. Mais parce qu’il traitait de l’excision : elle n’a pas mis ce film en perspective dans l’œuvre d’un réalisateur qui est un des piliers, et même un des pionniers, du cinéma africain. Ousmane Sembene n’a, qui plus est, pas toujours été nommé ! Son pays non plus ! Moolaadé était un film africain, point final.
Quand il s’agit d’un film africain, le film et le sujet tendent à avoir la préséance sur le cinéaste. Ces réalisateurs ne sont pas des rebelles, mais des témoins. L’élection est donc, au sens étymologique du mot, beaucoup plus perverse. Le cinéma existant ici, pratiquement, sans cinéastes, on n’a pas seulement affaire à une distorsion. Les normes d’élection, telles qu’elles fonctionnent quand il s’agit du cinéma occidental, n’existant plus, on est en présence d’un magistral écart. Que la cinéphilie ne suffit pas à expliquer. Occidentalo-centrisme ou produit d’une histoire, écho prolongé – mais pas sourd – d’une relation coloniale ? Les arguments ne manquent pas, qui montrent que l’existence d’un cinéma africain et d’un cinéma arabe a été longtemps, sinon niée, tout du moins occultée. Quoique presque aussi anciennes que celles du cinéma japonais, les productions du cinéma égyptien n’ont jamais, même lorsqu’elles ont été diffusées, fait couler beaucoup d’encre. Pourquoi donc les productions du cinéma algérien ou du cinéma marocain en auraient-elles fait, et en feraient-elles, couler ? Il n’est pas sûr, donc, que ces pays soient traités à la même aune que les pays asiatiques : il aura fallu l’année de l’Algérie pour voir les Cahiers du cinéma, qui faisaient depuis longtemps place dans leurs colonnes au cinéma asiatique (on pourrait dire qu’ils en ont lancé la mode), consacrer un dossier au cinéma de ce pays. Non contente d’être sélective, l’ouverture de la critique aux cinématographies africaines et maghrébines s’est, pour le moins, entachée de préjugés dont il importe de démêler les tenants et aboutissants.
L’universalisme et ses masques
La politique des auteurs a, en elle-même, des effets plus pernicieux lorsqu’elle s’applique aux cinématographies  » étrangères  » que lorsqu’elle s’applique aux cinématographies des pays occidentaux. S’agissant du cinéma occidental, les lecteurs des journaux et des revues de cinéma sont à même d’en corriger les effets, de prendre leurs distances vis-à-vis d’elle. Les films occidentaux  » grand public  » étant diffusés en Occident, où ils alimentent en fait le plus gros de la fréquentation, et donnant lieu à des observations du tout-venant de la critique, ces lecteurs n’en ignorent en effet pas l’existence. Il est d’ailleurs des revues qui en traitent. Chacun peut, s’il le veut, mettre les différents niveaux de productions en perspective. Chacun peut relativiser, voire réviser, la hiérarchie faite par la critique. Il est infiniment plus difficile, par contre, aux lecteurs occidentaux de mettre ainsi en perspective les cinéastes-auteurs  » étrangers « , les nouveaux cinémas que consacrent les revues. Pour ne prendre que cet exemple, il lui est très difficile de savoir que, s’il a indéniablement connu une éclipse sous le règne de Mao, le cinéma chinois est presque aussi ancien que le cinéma japonais. Si les critiques occultent le fait, ils donnent à leurs lecteurs, aux profanes, non-cinéphiles, une idée fausse de ce cinéma. D’où la fausse impression que peut avoir le public, la Chine n’étant encore une fois qu’un exemple, qu’il existerait, dans nombre de pays  » étrangers « , des générations spontanées, l’impression que des cinématographies nouvelles en auraient émergé au cours des dernières décennies.
S’agissant du cinéma occidental, l’aile la plus avertie des spectateurs-lecteurs peut identifier ce paradigme de la critique qui veut que le cinéma d’auteur rompe avec le cinéma de grande consommation. Elle peut en mesurer les limites. Quand il s’agit du cinéma classique, mais aussi du cinéma de genre. Elle peut juger de sa pertinence, prendre des distances. Cette même aile avertie des spectateurs-lecteurs est par contre, quand il s’agit des autres cinémas, captive, pour ne pas dire victime, de ce paradigme, qui s’est mué en postulat. Visible quand il s’agit des cinémas occidentaux, l’écart qu’il engendre n’est pas visible, pas lisible, quand il s’agit des autres cinémas.
Exemple emblématique : le cinéma japonais. La critique occidentale n’a, sauf exceptions notoires, guère rendu compte du cinéma nippon de grande consommation. Sans doute parce que, très codé culturellement, il n’est pas d’un abord facile : il faut, pour en parler, des connaissances que n’a pas le commun des critiques. Dont acte. Mais on ne peut, si on l’ignore, situer et apprécier comme ils doivent l’être bien des films japonais d’auteur. Quand bien même le cinéma d’auteur romprait complètement avec le cinéma de grande consommation, il n’en serait pas moins nécessaire, pour apprécier cette rupture, de le connaître. Or la critique a élu des films japonais, et même des films japonais de genre, sans informer le public du problème, sans même se soucier de les mettre en perspective, sans poser la question de leur signification intrinsèque, et donc de leur pertinence.
La critique ne peut pas davantage faire l’impasse quand il s’agit de l’Afrique. En théorie. Dans la pratique, par contre, tout est fait pour qu’elle puisse s’en passer ; elle semble, aux yeux de tous, pouvoir en faire l’économie. Les apparences l’y autorisent : on ne trouve pas de studios en Afrique comme en Asie ; on n’y produit pas, ou pratiquement pas, de films de grande consommation. La distorsion de la production oblige. Dont acte. Mais, pas plus que pour les pays d’Asie du reste, la prise en compte d’une distorsion de la production ne suffit pour se rendre de ce qui se passe sur place. Évidence qu’il ne faudrait pas oublier : ce n’est pas parce qu’on produit peu de films de grande consommation qu’il n’en est pas consommé. Bien au contraire. Mais ils viennent d’ailleurs. La critique devrait donc prendre en compte le fait que, tandis que les publics populaires africains consomment des séries télévisées (américaines aussi bien que françaises dans les pays francophones, mais également, et surtout, des séries sud-américaines, brésiliennes et argentines principalement), les films africains d’auteur, réalisés en coproduction avec la France et / ou l’Europe, ne sont guère consommés, et par un public aussi captif que sélectif, que dans les festivals, les centres culturels français des pays d’Afrique et, parallèlement dans les salles d’art et essai de l’hexagone. On pourrait même se demander si ce type de films n’a pas été produit pour un public occidental.
C’est peu de dire, donc, que la réception du cinéma est encore plus complexe en Afrique que dans les pays occidentaux ou asiatiques : on est en présence d’un énorme paradoxe. Or, la critique ne le pointe pas ; elle n’effectue pas le grand écart auquel elle se livre ailleurs, alors que la situation devrait l’inciter davantage à le faire. Parce que la réception ne l’intéresse pas. Parce que, devenue courte sur le plan théorique, elle ne prend en compte que la production, qui n’est qu’une des phases d’un processus dont Jauss a montré la complexité : la réception en est une autre, pas moins significative (1). Parce qu’elle n’a d’autres paradigmes que la cinéphilie et la politique des auteurs. Parce qu’elle est ici en symbiose avec un public averti, sélectif, et tout aussi captif que son homologue occidental. Dans lequel se reconnaissent certains cinéastes africains et maghrébins. Mais pas tous, pas forcément : il en est, j’y reviendrai, qui se posent la question du public populaire. Tout n’est pas si simple, donc. Il y a, si on en prend en compte tous les partenaires, un consensus plus qu’une symbiose, que la cinéphilie ne suffit pas à expliquer. Se créerait-il, fonctionnerait-il si les publics, avertis n’avaient pas avec la critique occidentale un autre paradigme commun : les Lumières et l’universalisme, dont se nourrit encore, après les avoir transmis à l’élite des pays africains et maghrébins, la bourgeoisie occidentale éclairée. Un paradigme certes philosophique, et non esthétique. Mais, la culture et les goûts sont ainsi faits : il n’y a pas d’esthétique sans fondements philosophiques.
C’est sous cet angle et à ce niveau que la thèse de l’occidentalo-centrisme doit être examinée. À condition de bien voir comment se sont articulés les paradigmes philosophiques et les paradigmes esthétiques. À condition de bien voir que, si occidentalo-centrisme il y a eu, il est passé par le filtre de la cinéphilie, et inversement. L’occidentalo-centrisme n’est donc pas ici un phénomène idéologique simple. La cinéphilie n’en est déjà pas un. C’est, dans les faits, un phénomène socioculturel : lorsque la critique pointe le travail d’auteurs, elle met en exergue des produits d’exception, dotés de fortes qualités artistiques ; elle est agie par un habitus, qu’elle partage avec une grande partie de son lectorat. Mais les ciné-clubs n’ont jamais parlé d’esthétique sans parler de message. Selon une logique culturelle, on ne saurait oublier les liens de l’esthétique, qui est du reste une notion récente, avec l’idéal classique. Civilisationnel en même temps que socioculturel, l’habitus en question se situe donc au confluent du goût hérité du système des Beaux-arts… et de l’esprit des Lumières. L’esthétique est, enfin, un concept occidental. Ce n’est pas par hasard que la critique occidentale avertie, et à sa suite le public occidental averti, a promu des cinéastes en dépit, voir au déni, des cinématographies de leurs pays. Elle les a promus parce qu’elle s’y est reconnue, parce qu’elle a projeté sur ces personnalités ce qui allait dans le sens, non seulement de son goût, mais de son esprit, de sa culture, de sa conception de la civilisation. Si occidentalo-centrisme il y a eu, il a fonctionné à ce niveau, beaucoup plus philosophique qu’idéologique. Il relève donc plus des mentalités que des préjugés, de réflexes de l’inconscient plus que de décisions intellectuelles.
La cinéphilie et l’universalisme se seront liés en un cercle vicieux. La cinéphilie aura été un filtre. Il y a beau temps en effet que s’est établie une vulgate selon laquelle le cinéma serait un art universel. Une vulgate pérenne bien que démentie par les faits. Liées à la culture de leurs pays, ne serait-ce que par l’ancrage des fictions dans leurs Histoires, les cinématographies sont en effet toutes codées. Codées et non cryptées – il importe de souligner la différence : toute cinématographie comporte un certain nombre de films visibles hors des frontières du pays. Mais le fait qu’ils soient visibles ne les rend pas forcément lisibles, ou entièrement lisibles. Il est, bien entendu, des films visibles ; ce sont ceux qu’on exporte. Il en est qui paraissent lisibles ; mais parce que leurs réalisateurs, peu ou prou influencés par les cinémas occidentaux, convaincus aussi de la nécessité d’un art universaliste, s’étant éloignés des codes de leur culture, les ont rendus tels.
Il en va ainsi de certains films africains. Je ne prendrai qu’un exemple : La Genèse de Cheick Oumar Sissoko (Mali, 1999). Le cas est emblématique : le réalisateur a transposé, dans des paysages de l’Afrique, dans une langue africaine et avec des acteurs africains, un extrait de la Bible. Entreprise intéressante, mais discutable : elle n’a de sens, et donc de pertinence, que si elle fait toucher du doigt un fonds anthropologique, et pas seulement des universaux littéraires ou philosophiques, communs. Elle est donc pour le moins hardie. Cette problématique n’ayant pas été mise en avant par la critique, la promotion d’un tel film d’auteur aura donné au public occidental – ce n’est pas le moindre de ses inconvénients – un fallacieux sentiment d’universalisme. Mais il n’en va pas ainsi d’autres films africains. Et qui ne sont pas des moindres. Il n’en va pas ainsi, pour prendre un exemple hautement significatif, de Yeelen (Souleymane Cissé, Mali, 1987), transposition, lui, d’un récit, ou plus exactement – différence non négligeable, on le verra – d’un rite d’initiation spécifiquement  » africain « . Il faut donc distinguer. Yeelen ne peut pas apparaître au premier niveau comme La Genèse, universaliste. Son scénario et sa forme demandent qu’on l’aborde autrement.
Mais la critique n’a pas fait ici les distinguos ou à tout le moins pris les précautions qui s’imposent. Rien de bien étonnant : peut-être parce qu’ils sont peu nombreux, et sont souvent produits grâce à des aides financières et techniques venues d’Europe, les films africains ont été tous considérés un peu de la même manière. Mais le cas de Yeelen est plus qu’emblématique : il est symbolique. Il a fallu attendre que des universitaires se penchent sur ce film pour que soient données à l’honnête homme des informations sur les éléments de la culture bambara qui en sont, au sens où l’entendait Umberto Eco dans Lector in fabula (2), le  » monde de référence « . La critique ne pouvait sans doute expliquer ces données. Mais elle eût pu informer du problème, dire qu’il y avait là des tenants et aboutissants particuliers. Faute de quoi, le film est apparu comme un récit d’éducation parmi d’autres, plus riche et fabuleux que d’autres (d’où sans doute, par l’effet de ce que l’on est obligé d’appeler de l’exotisme – j’y reviendrai -, son élection), surpassant ainsi beaucoup de films occidentaux, mais témoignant, dans cette perspective, d’un universel souci humaniste. Alors que, n’étant pas seulement codé, mettant en scène des données ésotériques – il a posé des problèmes en Afrique pour cette raison -, prenant pour sujet ses référents culturels eux-mêmes, un tel film a, sur le plan de la narration et de la représentation, des enjeux spécifiques et largement inédits.
Cette absence de souci informatif peut paraître surprenante. Mais n’est-ce pas ce que l’on appelle dans le langage de la psychanalyse un  » acte manqué  » ? L’universalisme aurait-il pu fonctionner ici s’il n’avait pas été dissimulé, si, en l’absence d’informations sur ses tenants et aboutissants, le film n’était pas apparu comme exotique ? Non que, à proprement parler, l’universalisme se soit avancé masqué ; mais on sait qu’il se vêt au fil du temps de divers oripeaux. L’exotisme serait un de ces oripeaux, et peut-être un des plus marquants.
L’exotisme n’est pas en effet, que l’on m’excuse de la rappeler, une donnée banale. C’est, au sens étymologique et littéral, le  » goût des mœurs, coutumes et formes artistiques des peuples lointains  » (3). Ces coutumes et formes artistiques étant  » souvent appréhendées de manière superficielle « , l’exotisme est, plus couramment, le goût de ce qui est étranger ; ce n’est plus que le plaisir du dépaysement. On ne doit pas cependant oublier que, avant d’être ainsi banalisé, l’exotisme a été une source non négligeable de renouvellement de l’art occidental. Il avait nourri ce que l’on a appelé l’orientalisme, un courant littéraire, artistique, voire philosophique, qui ne peut être réduit à l’exotisme. Mais l’orientalisme a lui-même vécu : altéré au cours de la colonisation, mort de toute façon avec la décolonisation, il a laissé le champ libre à l’exotisme. Plus ancien que l’orientalisme, n’ayant pas d’aussi rigoureuses coordonnées littéraires et artistiques, l’exotisme a en effet la vie plus dure ; il peut prendre différents visages ; on a vu, récemment, qu’il pouvait être récupéré par la publicité et le tourisme.
Ce n’est un secret pour personne : la perception du Maghreb a été marquée du sceau de l’orientalisme. On aurait tort de voir là un anachronisme : le Maghreb et le Machrek étaient peu ou prou associés dans l’imaginaire des occidentaux et, par définition, l’orientalisme n’a pas besoin d’un Orient réel pour fonctionner. Au contraire. La colonisation n’a donc pas été le seul filtre de la perception du Maghreb. L’orientalisme recristallisait ici l’exotisme.
Rien de tel dans la perception de l’Afrique noire. Continent considéré (faussement) comme vierge ou sans épaisseur historique, elle était radicalement autre là où le Proche-Orient et le Maghreb avaient derechef une aura d’étrangeté. Non qu’il n’y ait pas eu de filtres, mais ils ont été plus tardifs. Il a fallu attendre, au début du 20ème siècle, les effets rétroactifs de la colonisation. On sait, notamment, ce que le cubisme et d’autres avant-gardes artistiques ont pris à un art dit  » nègre  » promu comme emblématique de ce que l’on a appelé depuis les  » arts premiers « . Le phénomène n’a pas moins été fort : il y a eu en ce sens un véritable africanisme, homologue, toutes proportions gardées, de l’orientalisme, et qui n’a pas, non plus, eu besoin de l’Afrique pour fonctionner. L’exotisme a été plus long à trouver là des foyers de cristallisation, mais il en a trouvé.
L’orientalisme et l’africanisme ne sont pas des phénomènes univoques. Mais, la logique de l’exotisme est là, ce sont des modes d’imprégnation des perceptions, et des productions, occidentales, plus que des modes de lecture des productions orientales et africaines, tant qu’il s’est agi de littérature et d’art tout du moins. Avec le cinéma, invention occidentale, il en est allé autrement. Le point de vue a été plus univoque ; la réception et la lecture des cinémas africains et maghrébins en ont été marquées.
L’africanisme, surtout, a joué dans la réception et la lecture des cinémas africains. S’il a pu s’introduire, il faut le dire, c’est – – que certains aspects de ces cinémas l’encourageaient : au premier chef, le fait que, quoique posant des questions sociales et nés au même moment qu’eux, les cinémas africains n’ont jamais été tiers-mondistes comme les cinémas sud-américains. Cinémas nouveaux, et non de rupture, reflets de sociétés brutalement confrontées à la modernité, ils ont reflété – cela a été maintes fois souligné – un conflit entre modernité et tradition. D’où le sous-titre, emblématique, d’un des livres publiés dans les années 1980 en France sur le cinéma africain :  » l’espace-miroir  » (4). Le structuralisme aidant, cette question a été appréhendée comme une opposition quasi-paradigmatique, au détriment de ses paramètres historiques. Reçue comme plus civilisationnelle que politique, elle autorisait une lecture universaliste, même lorsque les films la fondaient sur la représentation de situations très actuelles et très concrètes. De quoi et de qui, donc, le cinéma africain était-il le miroir ? Objet perverti par sa réception, n’était-il pas en fait un miroir du spectateur occidental ? À un second degré bien sûr. Par pure métaphore : un miroir de la crise culturelle autant que politique, que traversait (et que traverse encore) le monde occidental. C’est la thèse, implicite, d’Olivier Barlet (5). On peut même en avoir une démonstration par l’absurde dans le glissement de la cinéphilie, dans les années 1990, de l’Afrique vers l’Asie :  » Les cinéphiles occidentaux, à la recherche d’un miroir de leur propre crise, se retournent vers un cinéma asiatique qui sait trouver dans ses recherches formelles l’expression des brisures  » identitaires «   » (6). J’adhère personnellement à cette idée. À ceci près que, à la différence d’Olivier Barlet, je ne suis pas du tout sûr que  » la recherche de l’exotisme  » n’était  » plus de mise « . Je ne crois pas que le glissement en question s’explique, ou tout du moins ait été facilité, par une disparition de l’exotisme. Que le monde ait été  » en explosion « , certes. Mais rien ne prouve qu’une telle  » explosion  » fasse disparaître l’exotisme, qu’elle soit propre à déraciner un besoin si ancré dans la psyché. On aurait même des raisons de penser le contraire.
L’orientalisme n’a pas joué ainsi dans la réception et la lecture des cinémas maghrébins. Parce qu’ils sont d’une facture différente, parce que, à la différence d’un nombre non négligeable de films africains, ils n’empruntent pratiquement rien aux cultures populaires (7). Sauf exceptions, qui ont trouvé un écho dans la critique (et même chez certains universitaires). Emblématique est à cet égard l’œuvre de Nacer Khemir – avec des films comme Les baliseurs du désert, 1984 ; Le collier perdu de la colombe, 1990 ; À la recherche des mille et une nuits, 1991 – d’autant que celle-ci ne traite pas de l’arabité, tout du moins comme concept problématique, porteuse de débats politiques, d’un possible horizon historique, mais qu’elle renvoie à un âge d’or, au mythe de l’Andalousie. La critique occidentale n’a pas renchéri par hasard sur le propos du cinéaste ; il n’y a pas eu par hasard convergence du discours de la critique et du discours des films de Nacer Khemir. Le cinéma de Nacer Khemir n’est pas orientaliste, mais quelque chose dans son discours l’encourage ou le ravive dans l’âme des spectateurs et des critiques occidentaux. Il suffit qu’un cinéaste maghrébin aille – ou paraisse aller – au-devant de la demande, larvée ou latente, de la critique occidentale pour que l’orientalisme fonctionne, et avec lui l’exotisme (8).
Mais il s’agit, encore une fois, d’exceptions. L’orientalisme n’a pas fonctionné ici comme a fonctionné ailleurs l’africanisme. Parce que les cinémas maghrébins, et au premier chef le cinéma algérien, ont été infiniment plus sociaux, plus réalistes que les cinémas africains. Le cinéma algérien n’a pas hésité, même, à suivre les leçons du réalisme socialiste, le modèle du cinéma soviétique. Cela, qui le fait apparaître aujourd’hui anachronique, était à l’époque un argument pour la fraction politisée de la critique, la plus militante, voire dissidente, nourrie du tiers-mondisme, conçu comme une alternative à la faillite de l’internationalisme prolétarien. C’est peu de dire que la critique engagée, qui a pris ainsi en compte les cinémas maghrébins, voire africains, engagés, n’a pas donné, elle, dans l’exotisme ou dans l’orientalisme. Elle n’a, assurément, pas recherché la culture de l’autre. Mais elle ne s’en est pas moins reconnue, ou tout du moins projetée, dans le cinéma maghrébin. Autant, sinon davantage, que la critique classique, néo-orientaliste. Elle militait en effet pour la création d’un cinéma nouveau, issu des ex-pays colonisés et de pays occidentaux sous-développés, notamment sud-américains. Elle préconisait un cinéma de rupture, une nouvelle forme, une praxis inédite, ce que l’on a parfois appelé le  » Troisième cinéma  » (9), destiné à faire pièce aussi bien à l’orthodoxie marxiste qu’au capital.
Elle a ainsi, aux antipodes de ces représentations anhistoriques, modes de réception de productions artistiques, de mœurs et de cultures, que sont l’orientalisme et l’africanisme, fait passer les cinémas maghrébins et africains par le filtre du tiers-mondisme, idéologie historiciste, grille de lecture des phénomènes économico-sociaux. Corollaire d’un retour critique sur le cinéma occidental, cette démarche ne s’en inscrit pas moins dans une continuité : l’Occident ayant développé une philosophie de l’Histoire, notion qu’il a du reste créée, le tiers-mondisme n’est pas seulement, si on le dépouille de ses oripeaux historicistes pour le mettre en perspective, une idéologie. C’est une actualisation de l’esprit des Lumières, un avatar de son universalisme
Le troisième cinéma et la théorie marxiste de l’art comme reflet : un serpent qui se mord la queue
Ces Lumières ayant toutefois été revisitées par Marx, l’art y est considéré sous un angle nouveau ; d’où un écart radical entre la critique tiers-mondiste et la critique classique. La critique classique se nourrit peu ou prou de l’esthétique classique, née au 18ème siècle mais enracinée dans le17ème siècle, quitte à la renouveler ou à en déplacer les termes – on se rappellera que l’exotisme est né aussi au 18ème siècle. Elle voit dans l’art l’expression ou la projection d’un idéal où se joint l’aspiration au beau et à l’humain. La critique tiers-mondiste applique la théorie marxiste qui veut que l’œuvre d’art soit un reflet de l’état d’une société, de mentalités qui traduisent une superstructure socio-économique. D’où un éventail – et une hiérarchie – des œuvres. De la  » conscience réelle  » à la  » conscience possible  » d’une classe sociale. La première est toujours en deçà de la seconde, car elle n’est que le  » maximum d’adéquation à la réalité  » dont sa conscience est capable. La  » conscience possible  » reste dans la réalité socio-économique une utopie, mais elle peut être atteinte dans l’art. C’est même la fonction des grandes œuvres, dont les auteurs mettent en évidence, à travers des personnages emblématiques, les contradictions d’une classe ou, mieux, d’un système de valeurs.
La volonté de rupture de la critique tiers-mondiste, comme de toute la critique de gauche du reste, se nourrit de cette idée, théorisée par Lucien Goldmann (10). Mais elle lui sert à extrapoler la réalité. Elle anticipe sur le mouvement possible de l’Histoire, d’où la radicalité, au début des années 1980, des zélateurs du  » Troisième cinéma « . Réactivant la volonté de rupture, ils affirment la nécessité de dépasser le cinéma d’auteur,  » Second cinéma  » avec lequel il s’agit de rompre, aussi bien qu’avec le  » Premier cinéma « , le cinéma-spectacle hollywoodien. Foin des auteurs, donc. La critique classique, qui n’a fait que hiérarchiser les productions africaines et maghrébines comme les productions cinématographiques européennes et américaines, ne dénie pas la notion d’auteur. L’exotisme qui guide sa lecture l’habille d’une autre manière, mais il ne l’évite pas. La critique engagée tend par contre, elle, à jeter aux orties cette notion, et la notion concomitante d’œuvre.
Il faut cependant y regarder de près. La critique tiers-mondiste a beau jeu de militer pour une autre production. Elle a beau jeu de vouloir que les cinématographies émergentes de l’Afrique noire et du Maghreb soient une expression du maximum de conscience possible des problèmes sociopolitiques et socio-économiques, et de n’y voir rien d’autre. Elle est en phase avec une donnée objective : les pays du continent africain n’ayant – à l’exception notoire, encore une fois, l’Égypte – pas eu de production avant leurs indépendances, l’Afrique cinématographique est, structurellement parlant, une terre vierge : on n’y produit pas, en l’absence d’industrie le permettant, de films de grande consommation. Quant au statut du cinéaste, il n’y est pas assis comme en Occident, où, même si cela a dû être conquis de haute lutte, on admet qu’il puisse être un artiste et, par voie de conséquence, un auteur.
Il y a loin, cependant, de l’idée aux faits. Institutionnellement et structurellement parlant d’abord : hormis peut-être l’Algérie, où la production cinématographique étatisée, a été une courroie de transmission de l’idéologie du régime, il n’est aucun pays du continent où la production cinématographique ait épousé cette visée. La visée est une chose, la réalité en est une autre. Le cinéma algérien lui-même en témoigne, du reste. La production du cinéma tunisien et du cinéma marocain, nés des ciné-clubs – la Fédération des Ciné-clubs Marocains aura été, au début des années 1980, la plus puissante d’Afrique – et non de l’idéologie d’un parti ou d’un pouvoir, est a fortiori beaucoup plus diverse. La critique va devoir vite en prendre acte. Les rédacteurs de la livraison de CinémAction, une revue née par et pour le tiers-mondisme, consacrée en 1981 aux cinémas du Maghreb (11) discerne au sein du cinéma marocain quatre voies (12), parmi lesquelles une tendance qualifiée d' » intellectualiste « . Ils pointent de même dans le cinéma algérien, en termes plus flous mais néanmoins significatifs, une  » tendance  » qualifiée de  » cinéma de recherche « .
L’expression  » cinéma d’auteur  » n’est, certes, pas employée : on ne trouvera pas dans ce dossier, qui ne ressemble pas à ceux qu’auraient pu publier Les Cahiers du cinéma ou Positif, d’articles consacrés à des cinéastes. Mais, la parole étant donnée, par le biais d’entretiens, à de nombreux cinéastes, il y est fait largement état de leurs interrogations quant au choix de la forme, quant à l’esthétique. La question de l’auteur est donc sous-jacente. Elle est même, bien que l’expression  » cinéma d’auteur  » ne soit pas employée, une des pierres d’achoppement du dossier. Moins radicaux que les théoriciens du Troisième cinéma, prenant acte des limites du cinéma militant, les critiques engagés ne rejettent donc pas forcément, pas totalement, pas aussi aisément qu’ils le disent, la notion d’auteur. Elle resterait d’une certaine façon dans leur subconscient. Elle ne resurgira donc pas par hasard, une fois certains excès dépassés. En accord, en symbiose même, avec la naissance d’un nouveau cinéma de fiction, un cinéma fictionnel d’intervention, dont le meilleur représentant aura été, en France, Costa-Gavras (13). La critique engagée composera alors avec la notion d’auteur, en ce sens qu’elle demandera aux auteurs d’être engagés ; et ils ne pourront, à ses yeux, être qu’engagés.
Il y a loin de l’idée aux faits. Pas seulement dans les structures…, mais dans les formes elles-mêmes, dans ce qu’il faut tout de même bien appeler l’esthétique. La conscience possible est une chose, les moyens de la conscience en sont une autre. Premier dossier où l’on voit se rompre le concert de louanges qui entourait le cinéma algérien, le numéro de CinémAction mentionné précédemment est aussi le premier qui prenne, de facto, acte des paradoxes, voire des failles, des ambiguïtés d’un cinéma du tiers-monde : les rédacteurs pointent, en effet, dans le cinéma algérien, un  » conformisme  » ( » Un cinéma limité par le conformisme  » par Abderrahmane Djelfaoui) et une rhétorique ( » Une rhétorique trop souvent codée  » par Réda Bensmaïa). Une distinction, non affichée dans tous les chapitres mais néanmoins transversale – elle est appliquée au premier chef au cinéma algérien, mais elle s’applique aussi au cinéma marocain -, est faite entre une  » tendance spectaculaire  » ou  » commerciale « , et une  » tendance sociologique  » et  » tendance  » cinéma de recherche  »  » ou  » intellectualiste « .
Le cinéma algérien n’est pas dénié. Il est simplement montré comme étant  » limité  » (le terme dit bien ce qu’il veut dire) par un conformisme et un excès de rhétorique. Qui plus est : le conformisme – la fiction comme support d’un discours trop convenu – et la codification – qui tient au contraire au fait que les schémas narratifs sont trop archétypaux – ne sont pas des arguments contre le principe du cinéma-spectacle et du cinéma d’art. La tendance artistique (dirai-je pour résumer et pour simplifier la formulation) n’est pas tant, au bout du compte, stigmatisée que pointée comme une alternative, un moyen de rivaliser avec le cinéma hollywoodien.  » Je ne vois pas pourquoi, à priori, cette qualité [il parle de la  » valeur esthétique de ses films « ], serait l’apanage de la bourgeoisie « , dit explicitement Mohamed Lakhdar-Hamina (14). Dénoncer une rhétorique, ce n’est pas, d’un autre côté, mettre en cause le principe du cinéma de recherche ; Réda Bensmaïa en pointe simplement le manque de prégnance. Le conformisme et la codification sont moins présentés, en résumé, comme des excès que comme la marque d’insuffisances. L’art et le spectacle ne sont pas rejetés ; ils servent simplement mal, ou pas assez, la tendance sociologique, la visée sociopolitique. Pour preuve, les propos du tunisien Brahim Babaï :  » J’ai d’abord été néo-réaliste. Je crois maintenant qu’il faut aussi donner du spectacle.  » (15). La tripartition transversale est comme la contre-figure, le négatif en somme, d’une dialectique. Les tendances spectaculaire et artistique sont les termes d’une dialectique latente.
Concession pour certains cinéastes ( » Sans grand public, il n’y a pas de cinéma….  » (16)) ou nécessité ( » Je veux toucher le grand public ; je dois tenir compte de sa culture et de ses goûts, qui se sont façonnés tout le long de l’histoire du cinéma  » (17)), la  » tendance spectaculaire  » est revendiquée par d’autres. Mais le modèle hollywoodien est, quels qu’en soient les avatars, toujours récusé – le seul véritable écueil est là. J’en verrai une preuve dans la stigmatisation du cinéma égyptien. Ferid Boughedir dit, que le marocain Ahmed Mesnaoui (réalisateur de Vaincre pour vivre, 1968, avec Mohamed Abderrhaman Tazi) applique  » la recette des films musicaux égyptiens  » (18). Quelque justifiée que puisse être la critique de certains films, parce qu’ils font des concessions à la facilité, il y a en conséquence de véritables anathèmes. Le même Ferid Boughedir pointe, avec une ironie renouvelée, le fait que,  » tenant bon envers et contre tous « , un autre marocain, Abdallah Mesbahi, continue à faire du  » goût du public  » son  » critère numéro un « .
Contradiction ? Le dossier de CinémAction en question reste, en dépit de sa volonté de faire une description objective de la situation, nourri de l’idéologie du tiers-cinéma. S’ils ne rejettent pas nécessairement le spectacle, les cinéastes qui prennent – ou qui ont – ici la parole privilégient clairement, en termes de fiction, les nouveaux cinémas :  » Notre cinéma pourrait se situer quelque part entre le cinéma japonais, le cinéma brésilien et le cinéma cubain « , dit explicitement, et de manière emblématique, Mohamed Bouamari (19).
Si auteurs il y a, si auteurs il doit y avoir, il n’est toutefois pas question qu’ils s’inspirent du cinéma classique, qu’ils fassent des films de genre. Le Troisième cinéma se doit de construire un public qui, devant accéder au maximum de conscience possible, doit s’élever au-dessus des goûts communs, voire rompre avec eux. La critique tiers-mondiste et la critique engagée mettent toujours en œuvre, en dépit de leur rupture avec la critique classique, ce paradigme qui veut que l’on distingue – et hiérarchise – cinéma d’art et / ou d’auteur et cinéma de grande consommation. Ce paradigme commun – c’est celui de toute la critique éclairée, politisée ou non – s’est renforcé depuis, comme on le sait, au point de fleurir comme jamais.
Les rédacteurs du dossier ne vont certes pas, on l’a vu, jusqu’à évacuer ou éluder, comme les praticiens du cinéma expérimental, le public. Mais, dans la mesure où ils en construisent un possible ou idéal, ils occultent le public réel. Ils tiennent un discours dans lequel leur conscience possible de théoriciens et de critiques occulte le réel. La conscience possible est, encore une fois, une chose ; la conscience réelle en est un autre ; la réalité en est encore une autre. Il n’y a pas seulement des goûts, il y a des films.
Des films grand public, et parfois des films de genre, sont, encore une fois, consommés en Afrique. Et il en est tout de même – il en sera tout de même – produit. Les stigmatiser, c’est repousser dans l’ombre les questions qu’ils posent, c’est faire l’économie de la  » question du public « . Les écarts entre les deux niveaux de production étant, aussi bien sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif, énormes, la critique engagée s’est sentie autorisée à en faire abstraction. Qu’il y ait, sur ces deux plans, des différences importantes entre les cinémas africains et les cinémas asiatiques, on ne peut qu’en prendre acte. Que les films restent souvent, en Afrique, artisanaux, certes. Que la production ne se soit pas structurée comme elle a pu l’être un temps en Égypte, dont acte. Mais la production est une chose, la réception en est une autre. Ceci n’explique pas cela. La critique engagée a pu ainsi prétendre avoir résolu la question du public avant même de l’avoir examinée.
La critique classique, qui a pu finalement considérer des genres  » étrangers « , par exemple le film karaté, aura tenu davantage compte de la production. La critique d’aujourd’hui s’accommode mieux de cette réalité, mais, pour autant, elle ne pose pas mieux la question du public. Elle a pris en compte les films de karaté parce qu’identifiable en tant que cinéma d’action pouvant faire l’objet d’une analyse formelle et structurale. Les mélodrames et comédies musicales de Bollywood retiennent son attention parce que la notion de genre, qui a repris du poids, autorise a fortiori des rapprochements structurels. Mais, en permettant d’éviter le fond ou en occultant la question des codes culturels, ces analyses formalistes sont un nouvel et paradoxal aliment de l’exotisme.
La critique engagée n’a pas vraiment modifié sa position sur ce point. Elle a sans doute pris des distances avec son tiers-mondisme. L’un des chapitres d’une livraison postérieure de CinémAction, consacrée aux cinémas noirs d’Afrique (20), s’intitule significativement  » Quels cinémas pour quels publics ? « . On voit paraître Tradition orale et nouveaux médias en 1989, un autre ouvrage collectif (21). Son titre, où sont conjugués le passé et le présent, qui met en regard deux modes de communication, pour ne pas dire de culture, induit un retour critique sur l’idée d’un Troisième cinéma. Il annonce une lecture moins univoque des cinémas africains. La nouvelle contribution de Ferid Boughedir atteste du chemin parcouru. Travaillant à synthétiser, à travers une étude du thème de l’identité culturelle (22), les différentes étapes historiques du cinéma africain, Ferid Boughedir est en effet obligé de poser les questions du cinéaste-auteur, de l’universalisme, et de la culture populaire. Il distingue, après une première phase, où le cinéaste,  » intellectuel colonisé  » qui  » tente de s’assimiler à la culture du colonisateur « , produit des  » œuvres universalistes « , une phase de  » retour aux sources « , soit à la culture populaire (qui n’est malheureusement que du  » folklore sclérosé « ), puis une phase d’écoute  » lucide  » de cette culture populaire. J’ai déjà pointé, dans l’analyse que j’ai faite de cet article (23), la rigidité de cette lecture qui veut que le cinéma africain soit passé de l’universalisme occidental à la culture populaire africaine. Cette lecture est rigide parce que, décalquant peu ou prou les thèses de Frantz Fanon, elle veut faire rentrer la réalité dans un schéma que, nécessairement, elle déborde. Le tableau de l’évolution du cinéma africain que présentera quelques années plus tard Bruno Tackels sera quelque peu différent mais pas nécessairement plus fin (24).
Cet ouvrage collectif marque sans doute une étape importante : la critique, qui théorise cette fois la question, restée implicite, de l’universalisme, travaille sur son propre discours. Mais, que Ferid Boughedir voit le réalisateur passer du statut d’intellectuel colonisé, et tenté de s’assimiler, à celui d’intellectuel décolonisé et  » décomplexé « , ou que Bruno Tackels s’interroge sur son éventuel métissage, la personne du cinéaste est toujours au premier plan ; l’auteur (re)vient au premier plan. Le cinéma africain n’est toujours pas désigné comme un cinéma d’auteur, mais il est de facto examiné à l’aune de cette conception – que Marx n’avait fait qu’acclimater – qui fait de l’auteur d’une œuvre d’art un sujet réflexif (25).
Un cinéma interrogé dans ses formes plus que dans ses référents : deux grands absents, l’esthétique de la réception et l’anthropologie culturelle
Le dossier est certes important aussi, en ceci que, nourri d’articles sur la  » griologie  » – la place des griots et la présence de la tradition orale dans les films africains, les problèmes d’adaptation du conte… -, il ouvre un questionnement sur la relation entre la place de l’oralité dans la culture et les médias, d’un côté, la thématique et l’esthétique des films africains, de l’autre (26). Il est même franchement novateur, marquant incontestablement un tournant. L’idée d’auteur reste en filigrane. Mais, s’il faut parler d’auteur, on ne peut l’assimiler à l’artiste occidental ; il ne correspond pas, ou plus, à cette définition. Quant à la question de l’universalisme, elle est mise sous le boisseau, ou tout du moins, en sommeil. Dont acte.
Mais il y a là plus d’hypothèses que de démonstrations. Écart avec ce qui est annoncé : les  » études  » de la troisième partie ne sont pas toutes  » concrètes « . Il faut certes tenir compte de la dimension universitaire de l’ouvrage, le fait qu’il s’agisse d’une transcription pure et simple des actes d’un colloque. Mais ceci n’explique pas cela. En plus d’être relativement  » abstraites « , les analyses portent rarement sur le cinéma lui-même. Les mass-médias conservant même dans cette partie la préséance, le cinéma reste la portion congrue. On cherche en vain, qui plus est, une référence aux films de genre ; alors qu’est traité le cas des films missionnaires ! Le seul cinéaste auquel est consacré un article étant Sembene Ousmane, on procède encore par élection. L’exception occulte la recherche d’éventuelles règles. Rien ne dit que les paradigmes de la critique occidentale aient été revisités ; rien ne dit, en particulier, que la distinction entre  » cinéma d’art  » et  » cinéma de grande consommation  » soit revisitée.
Rien d’étonnant, donc, à ce que la critique continue à se mordre la queue, que, comme je l’ai dit plus haut, elle continue à pointer des cinéastes et / ou des thèmes sans s’interroger sur la dialectique dans laquelle ils fonctionnent. Elle est toujours en phase avec les habitus du public occidental, qui peut voir davantage de films africains et maghrébins, qui en a, éventuellement, davantage le goût, mais qui les promeut toujours de la même manière. Les distributeurs, le public, et la critique se sont liés ici dans un cercle vicieux.
On compte sans doute plus, aujourd’hui, de films africains et maghrébins de grande consommation diffusés sur la rive nord. Mais, pour ne prendre que cet exemple parmi les genres existants, la comédie est un parent pauvre. Il en a toujours été ainsi : les comédies du Camerounais Daniel Kamwa, du Béninois Jean Odoutan, n’ont, sauf erreur de ma part, pas été diffusées. Certaines comédies de l’Ivoirien Désiré Ecaré ne l’ont été qu’à la télévision. Une comédie ayant remporté au Maroc un immense succès comme A la recherche du mari de ma femme (Abderrahmane Tazi, 1993) n’a elle aussi été diffusée dans l’hexagone qu’à la télévision, dans le cadre de l’année du Maroc. Et peut-être parce que ce film était l’œuvre d’un cinéaste reconnu sur la rive nord, qui effectuait un virage vers la comédie. Mais on attend toujours Lalla Hoby (1996), qui en est la suite. Œuvre d’un cinéaste prolifique et apprécié dans son pays mais ignoré sur la rive nord, Elle est diabétique et hypertendue et elle refuse de crever (Hakim Noury, 2000) n’a, significativement, pas été non plus diffusée. Réalisé par une vedette des médias marocains, acteur de cinéma passé depuis plusieurs années derrière la caméra, Les Bandits (Saïd Naciri, 2004) n’a fait l’objet que d’une sortie confidentielle. Abdou chez les Almohades (2006) du même Saïd Naciri, attend encore un distributeur.
La critique n’a pas pointé, l’exemple est significatif, le développement d’une veine comique dans le cinéma marocain – une grande nouveauté dans une cinématographie plutôt austère. La qualité de ces films est peut-être, dans le détail, discutable. Il se peut qu’ils ne fassent guère qu’égratigner les abus et les travers de la société marocaine. Mais le principe est là : relançant la question de l’utilisation des codes du cinéma de grande consommation, le phénomène mérite une analyse, que la critique n’a pas tentée. Il y a bien, de nouveau, un serpent qui se mord la queue : comment, s’ils ne sont pas pris en compte par la critique, les films de genre africains et maghrébins peuvent-ils être diffusés ? Comment les spectateurs occidentaux peuvent-ils vaincre les préjugés qu’ils ont peut-être à leur égard ?
Si le tiers-mondisme a, institutionnellement, disparu, il est clair que la perception des cinémas africains qu’il a induite continue à faire ses effets. Elle est peut-être même plus prégnante que jamais : j’en veux pour preuve la manière dont la critique a rendu compte de Moolaadé (Sembène Ousmane, Sénégal, 2004). Le film a été mis en valeur pour son sujet : il traitait de l’excision. Mais, outre qu’on ne l’a pas mis en perspective de ce point de vue dans le cinéma africain (on n’a même pas cité les films qui avaient déjà traité de cette question), cette prise en compte thématique a fait l’économie d’une analyse esthétique. On n’a, qui plus est, rien dit de l’œuvre antérieure du réalisateur, déjà longue et riche. On n’a pas dit qu’il y avait là un auteur – c’est tout juste si on a donné son nom -, alors que c’est un des pionniers et un des piliers du cinéma africain.
On pourrait comprendre ce paradoxe en considérant que l’humanisme l’a emporté sur le tiers-mondisme. Accommodation qui n’a rien de bénin sans doute. Mais, qu’elle soit  » humaniste  » ou  » universaliste « , quelque justifié que soit l’humanisme, la critique cinématographique ne saurait se réduire à cela ; elle ne peut s’appuyer seulement sur des finalités morales ou philosophiques. Le pointage exclusif de la question de l’excision atteste sa volonté d’être un vecteur du processus civilisationnel de l’Occident, qui a tenté et tente encore de s’imposer à l’ensemble de la planète. Il montre que le paradigme est toujours le même.
Autre exemple récent et encore plus évident : la réception de Bamako d’Abderrahmane Sissako (Mali, 2006). La critique a, davantage parlé cette fois d’Abderrahmane Sissako, bien qu’il soit beaucoup plus jeune qu’Ousmane Sembene. C’est que, s’il n’a pas réalisé encore beaucoup de films, il s’est fait remarquer en tant que cinéaste d’intervention. C’est d’ailleurs ce qui explique l’audience d’un film accusant – au sens le plus propre du mot : Bamako est la représentation d’un procès contre les responsables du phénomène – la mondialisation. Mais la critique n’a pas davantage analysé la mise en scène, la forme du film ; alors que, articulant les procédures du documentaire et celles de la fiction, Bamako appelle un certain nombre de questions. On s’est satisfait du principe, on n’a même pas examiné le scénario. Le sujet suffisait : arrivé à point nommé dans le débat politique actuel, le film servait à illustrer une question, à étayer une cause.
Excision, mondialisation…, des questions d’ordre tout à fait différent, mais qui mettent en jeu, chacune à leur manière et à leur niveau, les droits de l’homme, qui interpellent la conscience du citoyen. Si le tiers-mondisme s’est, politiquement et idéologiquement estompé, le paradigme des Lumières qu’il avait, à sa façon, cristallisé, n’en continue pas moins à déterminer la réception et la lecture des films qui nous viennent d’Afrique. Il le fait même davantage : mis à nu, débarrassé de certains oripeaux politiques, ce tiers-mondisme est devenu encore plus prégnant. Les Lumières et l’universalisme n’ont, pourrait-on dire, plus besoin du masque du tiers-mondisme, qui n’est plus celui de l’exotisme, de l’esthétique ou de l’art. D’où la disparition, chez les critiques, de toute analyse de la forme. Cohérence : la lecture des films africains s’aligne sur celle que la critique fait maintenant des films occidentaux, considérés davantage dans leur fond que dans leur forme, pour ce qu’ils proclament que pour ce qu’ils disent, pour ce qu’ils font que ce qu’ils sont. Sauf quand ils affichent leur forme, quand les intentions artistiques sont manifestes, revendiquées par les auteurs.
La critique faisait plus à l’époque de Yeelen, mais pas forcément mieux. La critique avait salué le film pour sa forme, pour ses qualités artistiques, aussi bien que pour son fond. Mais elle ne s’était pas soucié, j’ai déjà pointé le fait (27), de faire connaître au public les référents culturels d’un film pourtant manifestement hors norme. Elle n’en avait donc pas formulé les véritables enjeux. Le récit et la représentation étant aux antipodes du néoréalisme qui caractérisait alors encore une partie de la production africaine, et surtout d’une très grande partie de la production maghrébine où exotisme avait eu beau jeu. L’écart, qui aurait dû interpeller, avait encouragé le contre-sens. Le particularisme étant passé au filtre de l’exotisme, le film avait été de facto récupéré, engagé sous la bannière de l’universalisme. Lequel avait eu, comme l’exotisme, le dos un peu large. Il avait été tout du moins le masque ou l’alibi d’une méconnaissance.
On pourrait, à leur décharge, dire que les critiques avaient été encouragés par certaines déclarations du cinéaste. Mais ces déclarations n’auraient peut-être pas eu cet effet – le cercle vicieux n’aurait pas si bien fonctionné – si la critique avertie, engagée, les avait abordées de front, si elle avait engagé le débat à leur sujet. Est-ce parce que, attachée au néoréalisme, souscrivant au cinéma d’intervention, elle était, au fond, restée indifférente à ce film ? Mais elle ne l’a pas non plus critiqué au sens qu’il convient de donner à ce terme. Les raisons sont donc complexes. Il reste qu’elle n’a pas voulu ou n’a pas été capable de déconstruire le discours universaliste qui était acquis à la cause du film. Primé à Cannes, sur des arguments purement artistiques ou vaguement humanistes, Yeelen a donné au cinéma africain ce que l’on appelle des lettres de noblesse. La critique politique aurait alors, d’une certaine façon rendu les armes face à l’évènement ; elle a baissé le pavillon devant le triomphe, ou prétendu triomphe, de l’art. La critique politique ou dite  » engagée  » et la critique humaniste classique se seraient ainsi neutralisées. Dans le sillage de Yeelen, on pourrait dire que la critique humaniste et universaliste a été gagnée à la cause du cinéma africain – le mot  » cause  » ne devant pas du tout être pris dans un sens politique – -, à sa reconnaissance, et à la nécessité de sa promotion. Mais la critique humaniste et universaliste ne s’est pas attachée davantage que la critique politique aux référents et aux enjeux culturels de ce nouveau cinéma.
Que la critique politique ne se soit pas intéressée à ces enjeux culturels se comprend : on en était, dans l’élan du cinéma d’intervention, à la théorie du  » Troisième cinéma « . Or, comme l’a très bien dit Samuel Lelièvre, la culture passe pour cette théorie  » après la politique  » (28). La critique politique n’a pas été ici – il importe de le souligner – à la hauteur de la philosophie marxiste. Elle avait peut-être intégré les leçons de Pierre Macherey, le théoricien de la  » production littéraire  » (29), mais pas celles de Hans Robert Jauss : une véritable analyse marxiste aurait dû tenir compte des écarts entre les productions et les horizons d’attente du public, tels qu’ils se reflétaient dans ses choix et ses modes de consommation. La critique politique prenait bien en compte, comme jamais auparavant, les paramètres et les contraintes économiques structurelles de cet art industriel qu’est le cinéma. Mais, cela, c’est l’amont, la production. Quid de l’aval, de la réception ? Plus idéologique que philosophique, elle ne tenait pas compte, encore une fois, de ce que les publics d’Afrique et du Maghreb consommaient en matière de cinéma, de l’écart ci-dessus désigné. Non qu’elle ne l’ait pas connu. Mais parce que s’agissant de films de genre occidentaux, asiatiques, indiens, cette consommation ne pouvait être à ses yeux qu’un signe d’aliénation ! Comme si les cinémas occidentaux se résumaient eux-mêmes à cela ! En admettant que l’art puisse être promu contre l’industrie, comment peut-il fonctionner s’il dénie les horizons d’attente culturels ? Quelque intérêt qu’elle ait eu pour les questions de forme, la critique politique a fait une impasse dommageable sur les travaux de Jauss et sur l’esthétique de la réception. Jauss a démontré, je le rappelle rapidement, que, vraie fausse question, la question des goûts du public n’est pas tant celle de la forme que celle de l’effet de la forme, de l’effet qu’ont encore dans le présent des formes du passé, et des écarts qui, sociologie des publics oblige, existent à toute époque entre les formes, entre les genres.
On sait que, s’ils consomment des films occidentaux, les publics africain et maghrébin, qui sont pour l’essentiel des publics populaires, n’en reçoivent pas tous les genres. Les films d’action sont préférés aux films d’observation ou d’analyse, les mélodrames et les films musicaux aux films romanesques (les films inspirés du roman occidental classique tout du moins). D’où le goût, aussi, des publics africains et maghrébins pour certains genres du cinéma indien.
Leur monde de référence étant pour l’essentiel dans la littérature orale, et non dans la littérature écrite, le dossier de l’OCIC mentionné précédemment était, dans le principe, apte à prendre en compte cette question de la réception. Mais, même s’ils n’y sont pas étrangers, les habitus de ces publics populaires n’entretiennent pas des rapports directs, simples, avec les traditions culturelles de leurs pays. S’il en allait ainsi, un film comme Yeelen aurait eu en Afrique plus d’audience. Faut-il en conclure que les horizons d’attente cinématographiques de ces publics ne sont pas alignés sur leurs horizons d’attente littéraires ? Faudrait-il encore pour cela qu’ils aient des  » horizons d’attente littéraires « . Quelques rapports qu’ils entretiennent encore avec la littérature orale de leurs pays, et avec ceux qui continuent tant bien que mal à la diffuser, la parole (des conteurs, des griots etc.) est une chose, le cinéma en est une autre. Il faut certainement – c’est une piste de travail – prendre acte des écarts. Ces publics ne se reconnaissent pas forcément plus dans les films africains et maghrébins qui cherchent à reproduire la pragmatique du conte qu’ils ne se reconnaissaient dans les récits d’éducation du cinéma classique occidental. À l’exception des comédies, peu ou prou théâtrales, dont l’oralité est, au détriment parfois de l’image, l’axe pragmatique essentiel. Est-ce que ce ne sont pas les plus intellectuels des cinéastes africains qui se réfèrent à la tradition du conte et au rôle des griots ? Ne construisent-ils pas un public idéal et un cinéma idéal ? On pourrait penser ici à ce qui s’est passé en France en littérature avec Mistral et consorts.
Le dossier de l’OCIC n’allait pas jusqu’au bout du travail que doit faire la critique. Prenant en compte des éléments qui relèvent de la sociologie, de l’ethnologie, rattachant le cinéma à d’autres pratiques audiovisuelles, le définissant implicitement comme pratique et pas seulement comme art, se démarquant de la critique occidentale nourrie des critères de l’esthétique classique, il allait dans le sens de l’esthétique de la réception. Mais dans le sens seulement. Le problème n’est pas qu’il n’ait pas fait référence à Jauss : dossier de vulgarisation, il n’avait pas nécessairement à le faire. Il ne posait pas concrètement et de manière directe la question des publics ; il faisait état d’écarts esthétiques mais pas des écarts de réception.
Les coordinateurs du dossier de CinémAction de 1981 avaient déjà pris en compte la diversité des démarches des cinéastes africains et maghrébins. Davantage même : ils rapportaient les propos de certains cinéastes attentifs à des formes de narration et de représentation issues de la culture de leurs pays, outre les nécessités de la narration, de la dramaturgie, et de la représentation. Mais, en présentant le plus objectivement possible un éventail de démarches, ils ne faisaient guère que prendre acte de divergences existantes. Ferid Boughedir s’interroge plus avant, dans le dossier de l’OCIC, sur l’intégration de procédés et de procédures qui relèvent de la tradition orale et du conte africain. Faisant, je l’ai déjà pointé (30), le départ entre traits modernistes, qui ne font qu' » un placage systématique et mécaniste  » de ces procédés et procédures, et signes intégrés aux images  » appartenant à la culture et donc à l’identité du spectateur d’aujourd’hui « , Boughedir ne les considère pas en soi comme des causes de la désaffection du public.
Mais n’est-on pas resté à une pétition de principe ? Au moment de tirer les conclusions de ce pertinent distinguo, Ferid Boughedir se contente d’ailleurs de céder la parole à Sembene Ousmane. Rapportant des propos que lui a tenus ce dernier, il met en avant l’idée que, puisqu’il n’y a pas dans les pays africains de culture nationale, mais seulement  » des cultures fondées sur les ethnies et sur les langues  » (31), et que ces  » anciennes cultures  » se désagrègent,  » le cinéma sera à la fois un vecteur et un reflet de l’identité culturelle de chaque pays africain quand il témoignera de façon lucide et critique de l’héritage culturel de ce pays à travers des formes, un rythme, et des signes issus de cet héritage « . Le cinéma sera  » comme la nouvelle culture qui se crée tous les jours à travers la confrontation de l’ancien et du nouveau dans ces sociétés en mutation « . Du métissage au syncrétisme, le cinéma est un catalyseur et même le lieu d’une alchimie ! La question de la diversité des publics et des réceptions est ici allégrement transcendée.
Ferid Boughedir, qui ne fait au fond qu’enrichir, par une tentative de dépassement dialectique, la thèse de Frantz Fanon, et induire une hypothèse sur le cinéma à venir, fait de la prospective plus que de l’analyse ; il ne fait pas un travail de critique. Non que son hypothèse sur l’avenir du cinéma africain soit invraisemblable – il ne manque pas de films qui l’étayent, du moins, à l’heure où il écrivait. Mais force est de constater que, si l’on met à part des films comme Hyènes (Djibril Diop-Mambety, Sénégal, 1972), l’évolution du cinéma africain, voire maghrébin (32), ne l’a pas vérifiée. Ni Wend Kûuni (Gaston Kaboré, Burkina Faso, 1982), que Ferid Boughedir cite pourtant lui-même, ni a fortiori Yeelen, qu’il se garde de citer, n’allaient dans le sens de cette hypothèse.
Mais pour voir cela, il fallait une analyse qui, poussant jusqu’à leurs ultimes conséquences les leçons de l’esthétique de la réception, aille dans le sens de l’anthropologie culturelle. Il fallait pointer le fait que Yeelen est un film hors normes, qui sort du champ du conte lui-même, qui ne se réfère pas plus à la littérature orale qu’à la littérature écrite. Ce n’est même pas un récit initiatique, mais le filmage (représentation et non reconstitution) d’un rituel, d’un processus, initiatique (33). Il échappe donc à toutes les catégories de l’esthétique, même s’il peut être abordé en termes esthétiques. Il échappe de même aux catégories de la narratologie, laquelle pourrait néanmoins être un point de départ : elle permet en effet de pointer le fait que, tenant davantage du récit initiatique que du drame ou de la chronique, à la différence de l’énorme majorité des films occidentaux (34). Yeelen renvoie, par-delà un cinéma classique héritier de la littérature classique, à une forme paralittéraire de représentation, à un statut de la représentation dont il n’y a pas eu d’équivalent au cinéma. Ne relevant pas plus des catégories de la fiction que de celles du documentaire, sortant des cadres de l’imaginaire cinématographique aussi bien que de la visée du cinéma du réel, Yeelen est de ces films qui posent la question de la fonction de l’art, en ébranlent les fondements. Non que Yeelen ne soit pas une œuvre artistique. Non qu’il ne relève pas de l’art. Mais il nous rappelle les immémoriaux enjeux anthropologiques d’une pratique que nous nommons depuis deux siècles tout juste art.
Il ne s’agit pas davantage, avec un tel film, de la philosophie universaliste des Lumières que de l’esthétique universaliste qui s’érige sur le particularisme. Ni l’une ni l’autre de ces catégories ne peut, ou ne suffit à rendre compte de sa visée. C’est donc bien l’anthropologie culturelle qu’il faut ici convoquer. Quelque exceptionnel que soit Yeelen, il n’en faut pas moins lire à sa lumière des films comme La Genèse ou Hyènes, des films dans lesquels la question des rituels n’est pas absente et qui prennent pour sujet la question on ne peut plus anthropologique de la violence. (35) La critique doit toutefois éviter de construire une nouvelle entité : après l’exotisme, l’anthropologie culturelle ; une spécificité en remplacerait seulement une autre. Elle ne serait pas inutile à la critique qui se penche plus volontiers aujourd’hui, on l’a vu, sur le cinéma de genre. Les genres du cinéma occidental lui-même (le fantastique, le film-catastrophe, le film de science-fiction, le film d’horreur, le film gore…), pourraient en être éclairés (36).
Ce ne sont pas seulement, donc, les idéologies tiers-mondiste ou universaliste qui limitent la portée du discours de la critique occidentale sur les cinémas africains. Elles n’ont été que des filtres. Si la critique occidentale est idéologique, c’est qu’elle est captive des paradigmes littéraires et philosophiques de la culture occidentale. Réceptive (même s’ils ne lui parviennent que par le biais de la vulgarisation) aux apports de la recherche qui entretiennent ou font évoluer ces paradigmes, elle est sourde en effet à ceux qui les bouleversent. Alors que ce sont peut-être les plus originaux et novateurs. Alors que, non contents d’aider à mieux cerner les enjeux des cinémas africains, ils incitent à revisiter le cinéma occidental lui-même.

1.Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1972.
2. Umberto Eco, Lector in fabula ou La coopération interprétative dans les textes narratifs, Paris, Grasset, 1985.
3. Comme le précise, dans une parenthèse, le dictionnaire Robert, auquel j’ai repris cette définition.
4. André Gardies, Cinéma d’Afrique noire francophone. L’espace miroir, Paris, L’harmattan, 1989.
5. Voir Olivier Barlet,  » La critique occidentale des images d’Afrique « , Africultures, no. 1, octobre 1997 p 5-11 et  » Cinémas d’Afrique noire : le nouveau malentendu « , Cinémathèque, no. 14, automne 1998, p 107-116.
6. Olivier Barlet,  » Les nouveaux films d’Afrique sont-ils africains ? « , Cinémas africains, une oasis dans le désert ? CinémAction, no. 106, 2003.
7. Ils n’empruntent rien non plus, alors que les régimes politiques de ces pays promouvaient l’arabité, aux canons du cinéma égyptien J’ai dit ailleurs quel paradoxe il y avait là dans ces cinémas : Michel Serceau,  » Le cinéma africain aux sources et aux frontières du récit « , in Cinémas africains, une oasis dans le désert ?, op. cit.
8. Il en va ici du cinéma comme de la littérature ; plus qu’emblématique est ici l’œuvre de Tahar Ben Jelloun.
9. Démarche encouragée par le fait que l’idéologie en question était partagée par certains cinéastes des pays non-occidentaux. Un autre serpent se mordait ici la queue.
10. Lucien Goldmann,  » Conscience réelle et conscience possible, conscience adéquate et fausse conscience « , in Marxisme et sciences humaines, Paris, Gallimard, 1970, p. 127.
11. Cinémas du Maghreb, CinémAction, no. 14, printemps 1981.
12.  » Les quatre voies du cinéma marocain « , par Ferid Boughedir. op. cit.
13. Il marquera, par rétroaction, la critique. J’ai parlé récemment, dans un autre article, de cet  » effet Costa-Gavras  » : Michel Serceau,  » Le cinéma, document ou art ? « , in Cause commune, no. 2, octobre 2007.
14.  » Écouter l’Histoire aux portes de la légende « , entretien avec Mohamed Lakhdar-Hamina, op. cit., p 70.
15. C’est le titre même de l’entretien, op. cit., p. 174.
16. C’est aussi le titre de l’entretien avec Ahmed Rachedi, op. cit., p. 72.
17.  » Sensibiliser un large public « , entretien avec Slim Riad, op. cit., p. 74.
18. Ferid Boughedir,  » Les quatre voies du cinéma marocain « , op. cit., p. 208.
19.  » Une esthétique de la frustration « , entretien avec Mohamed Bouamari, op. cit., p 99.
20. Cinémas noirs d’Afrique, Jacques Binet, Ferid Boughedir, et Victor Bachy (dir.), CinémAction, no. 26, juin 1983.
21.  » Tradition orale et nouveaux médias « , Cinémas d’Afrique noire, OCIC, 1989.
22. D’où le titre de son article,  » Le thème de l’identité culturelle dans le cinéma africain « , qui ne rend cependant pas compte de sa dimension historique.
23. Michel Serceau,  » Le cinéma africain aux sources et aux frontières du récit « , in Cinémas africains, une oasis dans le désert, op. cit.
24. Bruno Tackels,  » Où va le métis ? « , in Nouveaux cours du cinéma africain, Frank N. Ukadike (dir.), Iris, no. 18, Paris / Iowa City, 1995.
25. Pour ne prendre que cet exemple, Ferid Boughedir écrit que  » bien des premiers films africains  » ne sont  » que le reflet de leur auteur en quête d’identité « , op. cit., p. 131. On ne peut être plus explicite.
26. L’un des articles, signé par André Gardies, s’intitule  » Oralité et esthétique filmique « .
27. Michel Serceau,  » Le cinéma africain aux sources et aux frontières du récit « , op. cit.
28. Samuel Lelièvre,  » Du  » troisième cinéma  » à Gilles Deleuze « , in Cinémas africains, une oasis dans le désert ?, op. cit.
29. Pierre Macherey, Pour une théorie de la production littéraire, Paris, Maspero, 1966.
30. Michel Serceau, op. cit.
31. Ferid Boughedir, op. cit., p. 133.
32. Où, comme le montre Olivier Barlet, fait retour la question du métissage et où resurgit un questionnement identitaire. op. cit. Il montre que ces nouveaux cinéastes privilégient l’individuel et l’intime  » pour échapper à l’enfermement dans la différence « .
33. Si la littérature n’a pas ignoré le récit initiatique, elle l’a transformé : le roman d’éducation, qu’a relayé le cinéma classique, en est la laïcisation.
34. On a toujours intérêt ici à se référer aux travaux de René Girard, de La violence et le sacré à Des choses cachées depuis la fondation du monde en passant par Le bouc émissaire.
35. C’est sans aucun doute plus vrai du cinéma africain que du cinéma maghrébin, resté plus social encore une fois.
36.Je m’efforce de contribuer à cette tâche dans mon ouvrage Le mythe, le miroir, et le divan. Pour lire le cinéma, Presse Universitaire du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2009.

Filmographie

Cissé Souleymane, Yeelen, 1987, Mali.
Diop-Mambety Djibril, Hyènes, 1972, Sénégal.
Kaboré Gaston, Wend Kûuni, 1982, Burkina-Faso.
Khemir Nacer, Les baliseurs du désert, 1984, Tunisie.
Khemir Nacer, Le collier perdu de la colombe, 1990, Tunisie.
Khemir Nacer, A la recherche des mille et une nuits, 1991, Tunisie.
Mesnaoui Ahmed et Tazi, Mohamed Abderrahmane, Vaincre pour vivre, 1968, Maroc.
Naciri Saïd, Les Bandits, 2004, Maroc.
Naciri Saïd, Abdou chez les Almohades, 2006, Maroc.
Noury Hakim, Elle est diabétique et hypertendue et elle refuse de crever, 2000, Maroc.
Sembene Ousmane, Moolaadé, 2005, Sénégal.
Sissako Abderrahmane, Bamako, 2006, Mali.
Sissoko Cheick Oumar, La Genèse, 1999, Mali.
Tazi Mohamed Abderrahmane, A la recherche du mari de ma femme, 1993, Maroc.
Tazi Mohamed Abderrahmane, Lalla Hoby, 1996, Maroc.
///Article N° : 9329

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