Avec la série Femme de combat/Combat de femme, Africultures vous propose des portraits choisis de femmes. Elles utilisent leur art ou tout simplement leur voix, pour parler, montrer, décrire la place de la femme dans la société. L’occasion pour Africultures de compléter la thématique de son magazine interculturel Afriscope, consacrée en janvier et février à la question du féminisme.
Laëtitia Guédon a plusieurs cordes à son arc : comédienne, metteure en scène et directrice artistique du Festival Au féminin. Elle s’est fait connaître en remportant le prix de la presse au festival d’Avignon en 2009 avec la pièce Bintou de Koffi Kwahulé. Depuis elle enchaîne divers projets pour l’éducation, l’émergence des compagnies et la promotion des arts du spectacle dans un environnement socio-économique très contraignant. Retour sur une brève et intense carrière qui force le respect.
Très peu de professionnels peuvent se targuer d’avoir un parcours aussi linéaire que celui de Laëtitia Guédon. Parcours qui est lié aux lieux bien précis que sont la Chapelle du Verbe Incarné en Avignon, le Théâtre de la Commune à Aubervilliers et le Lavoir Moderne Parisien où elle s’est toujours sentie bien entourée. C’est en 2003, au Festival d’Avignon que Laëtitia Guédon fait sa première expérience de comédienne sous la direction de la metteure en scène guyanaise, Odile Pedro Léal, dans La Maison de Bernarda Alba, un texte de Federico Garcia Lorca. Dans cette « distribution de haut vol » qui, selon Sylvie Chalaye, était « bien plus qu’une affaire de femmes », « la toute jeune Laetitia Guédon » interprète « le rôle sensuel d’Adéla. » Par la suite, faisant les choses à contre-courant, elle entame une formation professionnelle à l’École du Studio d’Asnières et à l’unité de mise en scène du Conservatoire national d’Art dramatique. Elle effectue sa première mise en scène en montant Barbe-Bleue espoir des femmes de Dea Loher en 2006. La pièce est d’abord jouée au Théo-Théatre avant d’être programmée au Lavoir Moderne Parisien, dans le cadre du festival dont elle assure aujourd’hui la direction artistique. Pendant deux ans, de 2006-2008, elle évolue en tant qu’assistante à la mise en scène aux côtés d’Antoine Bourseiller, une expérience qui sera déterminante pour sa carrière.
À l’issue de cette collaboration, Laëtitia Guédon fonde la Compagnie 0,10 avec laquelle elle met en chantier le texte Bintou de Koffi Kwahulé. Contre toute attente et défiant les lois du milieu qui contraignent les compagnies (a fortiori les plus jeunes) à restreindre les équipes au maximum, le projet est porté à la scène avec seize acteurs, une gageure ! Christophe Rauk ouvre le premier les portes du Théâtre Gérard Philippe à la jeune compagnie pour une résidence d’une semaine. Laëtitia Guédon met à profit ce temps pour monter le spectacle en entier et le présenter aux professionnels. Parmi ceux-ci, Marie-Pierre Bousquet et Greg Germain se montrent particulièrement enthousiastes au point de parrainer l’ambitieux projet. Non seulement ils offrent leur aide à la recherche de financements mais aussi programment le spectacle à la Chapelle du Verbe Incarnée en 2009. Le pari est payant puisque la troupe remporte le prix de la Presse au Festival Off d’Avignon. Auréolée de ce succès, la compagnie entame une tournée qui durera deux ans avec plusieurs étapes dont la Martinique.
Parallèlement à son travail de mise en scène et de directrice de compagnie, Laëtitia Guédon s’intéresse aussi à la formation et au spectacle jeune public. Avec le Théâtre de la Commune, elle dirige des ateliers en milieu scolaire notamment au Lycée le Corbusier au sein duquel elle est en résidence dans un ambitieux projet intitulé Du pays d’Argos à Aubervilliers. L’idée de départ est alors de revisiter avec les élèves sept mythes de la Grèce antique et de les présenter au Lycée sous forme d’happening dans des endroits insolites (la cantine, le bureau du proviseur, le gymnase, etc.)
Moins d’un an après le succès de Bintou au Festival d’Avignon, Khalid Tamer, le directeur de la Compagnie Graines du Soleil, et par ailleurs coproducteur de Bintou, confie la direction artistique du Festival au Féminin à Laëtitia Guédon. Après six éditions, l’événement né en 2003 entrait dans une phase de maturation. Conçu au départ comme un temps d’échange autour des pratiques artistiques de femmes africaines à Paris, ce qui n’était qu’un atelier sur quelques jours s’est peu à peu développé pour devenir une semaine pleine d’activités pluridisciplinaires se déroulant chaque année du 1er au 8 mars (Journée international de la femme), dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris.
La nouvelle directrice artistique a carte blanche. Elle introduit sur le festival l’idée d’une thématique à chaque édition. En 2010, elle rassemble les festivaliers sous le thème de « l’émergence » et fait honneur aux jeunes compagnies qui n’ont pas souvent l’occasion de présenter leur travail dans des lieux reconnus. Les années suivantes, l’accent a été davantage mis sur le territoire de la Goutte d’Or en sortant les spectacles des lieux conventionnels et dédiés comme le Lavoir Moderne Parisien (théâtre) ou le Centre Barbara Fleury (musique). Pour aller à la rencontre des habitants du quartier, la Compagnie Graines du Soleil (CGS) entend déplacer les objets culturels dans des lieux qui ne le sont pas du tout. Il y eut dans ce sens le spectacle Porteur d’histoire à l’église Saint Bernard ; des performances dans des ateliers de couture, etc. Cette année, pour les dix ans, la CGS s’associe à la Mairie du 18e non seulement pour marquer le coup mais aussi pour poursuivre la décentralisation et mettre en lumière tous les lieux de création de l’arrondissement ainsi que les artisans qui les font vivre.
Fidèle à son engagement pour une expression artistique plurielle et métissée, le festival milite pour un art au féminin sans distinction de genres.
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