Benjamin Biayenda, peintre-dessinateur franco-congolais résidant à Paris, à 19 ans, démontre un talent précoce régi par une sensibilité profonde. Le 10 juin prochain, la Natural Hair Academy expose certains de ses travaux.
Fraîchement admis aux arts Décoratifs et aux beaux-arts de paris pour la rentrée de septembre, benjamin Biayenda n’en est pas, malgré son jeune âge, aux premières réussites artistiques de sa vie. Après avoir travaillé avec un styliste sur des motifs vestimentaires, il a récemment reçu la proposition d’illustrer un livre pour un public d’enfants soudanais, et de collaborer au projet d’un film d’animation. Si, à l’annonce de sa double admission dans les écoles d’art citées, plusieurs personnalités du monde culturel afrodiasporique se sont félicitées sur le mur facebook du jeune artiste, c’est du fait de ses créations : « Je choisis de représenter la femme noire, j’y vois beaucoup de choses, et je pense que le thème est loin d’être épuisé. Ce sera toujours le pilier de mon travail », affirme-t-il en nous montrant des reproductions de ses dessins d’un air à la fois timide et déterminé. Benjamin, dont le nom d’artiste est Benbiayenda, se questionne effectivement sur la façon de représenter les femmes noires dans la société française. À ses débuts, il suivait simplement son élan, puis, celui, qui est cité comme un des « Illustrateurs féministes à suivre »(1), s’est rendu compte de la portée politique de ses choix artistiques : « J’ai toujours inclus des femmes noires dans mes dessins mais, à partir du lycée, j’ai compris le besoin, pour la femme noire, de se sentir représenter. et pour moi d’exprimer ma propre féminité. »
La sororité des huis-clos
Né en Namibie, de père congolais et mère normande, Benbiayenda a vécu, en France, une enfance riche en visites culturelles, musées et expositions. Impressionné par Henri Rousseau aussi bien que par Matisse, il s’intéresse plus tard aux créations photographiques de Malick Sidibé et cinématographiques d’Ousmane Sembène, avec un oeil particulièrement fasciné par les figures féminines. Au point d’adopter, parmi ses premières icônes de référence, l’artiste ex-mannequin Grace Jones. Dans ses peintures, réalisées souvent à l’acrylique et ses dessins au crayon, feutre ou au pastel à l’huile, certaines femmes peuvent, effectivement, avoir un air de famille avec la chanteuse jamaïcaine : cheveux court, voire rasés, visages androgynes, vêtements moulants. mais ce n’est qu’une partie de ses représentations. Benbiayenda adopte une vision caléidoscopique : en foulard et jeans, aux cheveux tressés ou avec une coupe afro, les corps fins ou voluptueux, piercings ou tatouages, souffrant d’albinisme ou de vitiligo, noires ou métisses, les femmes de ses oeuvres font des selfies dans la salle de bain, tiennent des skates sous le bras, se mettent du vernis, téléphonent, dînent avec des repas emportés, mais surtout se relaxent à l’intérieur de leurs appartements, ces huis-clos rassurants, privés. « Je pense que j’aime bien représenter la sororité, dans des pièces où on la ressent bien. À la maison elles peuvent davantage se laisser aller dans des positions lascives… C’est comme s’il y avait une petite caméra qui entrait dans l’intime. »
Dans les créations du jeune peintre on trouve des tissus wax, des statuettes en bois, des batiks, des plantes et des couleurs renvoyant à un environnement afro. Mais aussi des disques et des livres qui se réfèrent à l’histoire des Afrodescendants. « J’aime bien les intégrer dans mes illustrations comme des petits rappels, des hommages. J’ai besoin de faire connaitre tout ça, de le rendre populaire ». Ayant une volonté de redécouverte et de partage, il a aussi réalisé un parallèle original entre les coiffes normandes et congolaises de l’époque coloniale, lors d’un projet de juxtaposition photographique, Micronation mixed. Et celle qu’il appelle « la beauté noire » va également être mise en avant lors de la 6e édition de la natural Hair academy, où, en collaboration avec Nothing but the wax, Benbiayenda exposera ses travaux et s’occupera de la décoration d’une série d’installations. Des vidéos concernant son cheminement sont prévues afin de nourrir la réflexion autour de la représentation de la femme noire en France.
1.Par intothechic.com, site d’actualité « Pour la femme noire, citadine cosmopolite, Contemporaine, et avec un oeil sur le monde ! » Porté par le groupe Jeune Afrique.