Jaz

De Koffi Kwahulé

Simplement jazz
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 » Une femme.
Le crâne rasé peut-être.
Nue peut-être. Un revolver.
Des balles.
Une ardoise.
Un jazz (un seul instrument)
qui, de temps à autre,
troue / est troué,
enlace / est enlacé
par la voix de la femme. « 

Un texte musical conçu comme un opéra-jazz pour une voix et un musicien. La voix est celle de Paya Bruneau, admirable comédienne dont la beauté métisse nimbe le plateau, le musicien est Eric Vinceno qui fait jaillir les notes de sa contrebasse, des notes rauques qui répondent au timbre de la comédienne et inventent un dialogue d’une rare harmonie.
Jouant le jeu musical jusqu’au bout, Serge Tranvouez a convoqué l’univers du jazz pour mettre en scène ce long poème tragique qui dit comment toute une vie peut voler en éclats, un dimanche matin, dans une sanisette, qui dit comment un dimanche matin, place Bleu de Chine, Jaz a été  » chassée de l’arc-en-ciel  » par  » l’inquisiteur au regard de Christ « , l’homme qui a enfoncé sa chair dans sa chair. Serge Tranvouez n’a pas travaillé sur la reconstitution de cette cité dont les rues ont des noms de couleur, il n’a pas cherché à évoquer l’immeuble dégoulinant de merde où vit Jaz, ni la sanisette, il n’a pas imaginé un comissariat où Jaz viendrait faire une déposition après le meurtre de son violeur, où une prison où elle purgerait une peine à perpétuité pour meurtre avec préméditation… Non. Rien de tout cela, il a placé l’énonciation dans l’espace de la création musicale, cette création qui a été capable de transcender la souffrance de tout un peuple, métamorphosant blessures et sanglots en blues et faisant naître le jazz au creux d’un sourire, sur une montagne d’immondices. Serge Tranvouez a convoqué l’histoire du jazz, avec ses musiciens en frac, avec leurs queues-de-pie et leurs plastrons blancs. Costume trop grand pour Jaz. Mais qui est Jaz sous ce masque blanc qui cache d’abord son visage ? L’esprit du jazz, peut-être. L’âme brisée d’une musique née d’un viol, qui erre comme une couleur chassée de l’arc-en-ciel et qui, chaque soir, s’incarne dans les musiciens au moment où ils jouent pour dire la fracture qui hante encore tout un peuple.
 » Jaz.
Oui jaz.
On l’a toujours appelée Jaz.
Jaz.
Elle ne sait plus.
Simplement Jaz. « 

Jaz, de Koffi Kwahulé au Lavoir Moderne Parisien – mise en scène : Serge Tranvouez – lumières : Pierre Stoeber – avec Paya Bruneau et Eric Vinceno
Lire sur africultures.com l’entretien de Sylvie Chalaye avec la comédienne Paya Bruneau///Article N° : 3161

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