L’Adieu

Téléfilm de François Luciani

Diffusion France 2 les 28 et 29 avril 2003
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François Luciani avait déjà réalisé L’Algérie des chimères, un téléfilm en deux parties sur la période où les colons républicains prennent possession de l’Algérie malgré la décision de Napoléon III de faire de la colonie un royaume arabe. Il y mettait en scène le rêve saint-simonien d’un mariage entre le progrès scientifique occidental et les valeurs spirituelles musulmanes (cf critique sur le site).
L’Adieu lui fait écho avec le même dispositif : un héros gonflé d’idéal républicain (faire profiter l’Algérie de la civilisation) sera confronté à la constellation de pouvoirs et sensibilités qui font la carte algérienne durant la guerre de libération. Son point de vue reste de même du côté français : L’Adieu se situe comme une introspection de ce triste morceau d’Histoire française, une analyse des contradictions et des enjeux tant humains que politiques, où le FLN est peu présent et en tout cas jamais montré de l’intérieur. On lave son linge sale en famille et c’est tant mieux : il y a de quoi faire et c’est là que ce téléfilm passant en prime time sur France 2 trouve son sens et sa nécessité. Voici enfin sur un média grand public une vision non-épurée des tourments et tourmentes du conflit algérien.
Comme dans L’Algérie des chimères, Luciani a choisi d’excellents acteurs et sait les diriger. Son film a du rythme, de la densité et captive de bout en bout. On retrouve certes cette construction classique où le téléfilm rejoint le théâtre, posant des caractères représentant chacun à lui seul un groupe d’intérêt, le tout enveloppé dans une histoire d’amour destinée à mobiliser l’émotion. Mais le procédé est efficace parce que bien mené. Et ce qui est dit est fort face au tabou qui continue de peser sur la mémoire : sur la trace des Vautier et autres Pontecorvo, il y a dans L’Adieu la dénonciation réelle d’une armée cruelle et raciste.
Le sujet est encore brûlant et il aura fallu cinq années au producteur David Kodsi pour dépasser les réticences, jusqu’à sa rencontre avec Laurence Bachman et Cécile Roger-Machart. Saluons ainsi le courage de la direction de la Fiction de France 2 et son esprit d’à-propos en pleine Djazaïr, année de l’Algérie.
Mais si le sujet est brûlant, L’Adieu ne tombe pas dans l’accablante démonstration. Partant du regard d’un personnage central, tout sera évoqué avec justesse, malgré la complexité : la torture comme le chapeau idéologique, mais aussi les contradictions des uns et des autres, pieds noirs, harkis, « patos » (Français de la métropole). C’est ce que permet le romanesque : l’expression des tripes de chacun. Cela permet d’éviter aussi une inopérante culpabilité : les jeunes générations pourront y saisir la dimension humaine d’un conflit si peu ou si mal abordé. L’Adieu est comme une lettre d’un militaire à ses parents, à l’image du livre et spectacle « Chers parents » de Serge Pauthe (L’Harmattan) : le témoignage d’un vertige et d’une quête de repères. Dramatiques à souhait, les deux soirées nous emmènent loin et restent gravées dans nos mémoires. Au service de la mémoire, ce qui n’est pas rien.

2 x 90 min, avec Thomas Jouannet, Mélanie Doutey, Catherine Jacob, Gilles Lellouche, Jean Benguigui, Saïda Jawad, Jérémie Covillault, Jalil Naciri, Cécile Cassel, Alexis Tomassian, Marc Citti et Vincent Winterhalter. Coprod. K’ien Productions (Expand Images) –Goldvision, France 2, TV5 Monde et Festival.///Article N° : 2884

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