« Il est né avant nous, le plus vieux peintre du monde : le plus jeune »*. Le plus vieux parce que son uvre semble porter en elle les traces immémoriales de la mémoire du monde. Le plus jeune parce ses toiles tissent des passerelles entre différentes cultures réalisant l’utopie d’un métissage absolu qui fait écho à celui de nos sociétés d’aujourd’hui. Wifredo Lam, né à Cuba en 1902, décédé à Paris quatre vingt deux ans plus tard, laisse en héritage aux générations futures une uvre magistrale, salvatrice dont une partie est présentée actuellement à Paris au Musée Dapper. V.A.
L’exposition Lam témoigne de la volonté de la directrice du Musée Dapper, Christiane Falgayrette-Levreau, de mieux faire connaître les uvres des diasporas africaines. Les textes de jacques Dubanton, Jean-Louis Paudrat, Julia Herzberg ainsi que du poète-ami Edouard Glissant soulignent dans le catalogue l’actualité d’une uvre qui de façon quasi prémonitoire a su donner une forme esthétique forte et universelle à cette culture du métissage devenue aujourd’hui la nôtre mais qui était loin de l’être à l’époque de Wifredo Lam, disparu il y a bientôt 20 ans.
On connaît les racines éclatées de Wifredo Lam, né à Cuba en 1902 d’un père chinois et d’une mère hispano-africaine. Il sut faire la synthèse de ses origines et enrichir son uvre de ses multiples rencontres et sources d’inspiration.
Entré très tôt en art, après une enfance sous l’influence de sa marraine prêtresse du culte lucuni, Mantonica Wilson va étudier à la Havane puis parfaire sa formation en Europe. En Espagne d’abord à Madrid, Cuenca et Barcelone où il vivra de 1924 à 1937, puis à Paris où il arrive en 1938. Il y rencontre Picasso. Ses uvres de l’époque sont d’inspiration cubiste comme « Madame Lumumba » (au titre plus tardif) qui montre déjà l’influence de l’art nègre. De visite chez Picasso, il avait admiré le masque goliglin baoulé visible dans l’exposition. Leiris lui « apprendra l’art nègre » en l’entraînant au Musée de l’Homme qui vient d’ouvrir ou dans les galeries parisiennes spécialisées.
Ce sera cependant à son retour à la Havane en 1941 que Lam trouve son style et peaufine sa vision du monde.
Le cubisme et le surréalisme l’ont libéré de la figuration traditionnelle et lui ont ouvert la porte de ses racines. Retrouvant la culture afro-cubaine, il l’approfondit pour l’universaliser. Lié à un groupe d’intellectuels cubains d’avant-garde par le biais de son amitié avec l’ethnographe et folkloriste Lydia Cabrera et le journaliste et critique Alejo Carpentier, il vont mener de nombreux projets comme cette illustration du « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire, rencontré en 1941 grâce à Breton.
L’uvre de Lam aura ouvert à la reconnaissance des artistes latino-américains et panaméricains d’ascendance africaine. Il est ainsi resté le maître incontesté de la modernité latino-américaine. La mise en perspective opérée par le Musée Dapper des tableaux de Lam et de pièces africaines éclaire remarquablement les échos et connivences s’établissant entre les masques et les portraits.
* Louis Althusser, philosophe français, catalogue de l’exposition Wifredo Lam, Musée d’Art moderne de la Ville, 1983.Exposition Lam Métis, jusqu’au 20 janvier 2002
Musée Dapper, 35, rue Paul Valéry, 75016 Paris – Tél. 01 45 00 01 50
Visite guidée le mercredi à 19 h sur réservation.
Catalogue 260 p. broché, 170 F. 2ème tome à paraître en janvier 2002.
8 nov : rencontre-débat avec approche des religions afro-cubaines ; 22 nov. : la relation poétique entre Césaire et Lam par Daniel Maximin ; 17 janv. : rencontre avec Jacques Leenhardt et Alain Jouffroy autour des univers pluriels de Lam : internationalisme, cosmopolitisme, universalisme.///Article N° : 43