Les hasards des programmations permettent de découvrir simultanément à Paris l’uvre de Wifredo Lam au Musée Dapper et celle de sa femme à la Maison de l’Amérique latine. C’est en 1955 que Lam rencontre une jeune artiste suédoise de 20 ans, Lou Laurin, qu’il épousera en 1960 et qui lui donnera trois enfants. Son grand-père était un critique d’art reconnu et son père historien d’art. Ils voyageront beaucoup en Amérique latine et centrale avant de se partager entre Paris et Albisola en Italie.
Comment Wifredo voyait-il votre travail ?
Il me disait souvent qu’il était heureux que je ne fasse pas du Wifredo Lam ! « Tu es Nordique, tu as ta jungle à toi ! », disait-il. Il me laissait libre. Nous avions un échange permanent, des discussions sans fin avec nos amis écrivains et poètes, nous parlions beaucoup politique, c’était l’époque qui le voulait.
Votre travail est d’une inspiration latino-américaine baroque, exubérant, colorée, pleine d’humour
Cet humour nous rapprochait beaucoup mais aussi la passion de la vie, des idées, des hommes. Bien sûr, c’était un homme de réflexion, profond, secret, mais c’était aussi un homme d’échange et de partage. Il aimait le travail en commun, l’amitié. La relation à Aimé Césaire en est l’illustration.
Ces rencontres vous ont permis de faire ces portraits à la fois tendres et ironiques de vos amis Neruda, Garcia Marquez, Césaire, Kundera.
Oui, même si certains n’ont pas apprécié mon bestiaire, à part Leiris qui a bien aimé être en petit singe !
Il y a aussi vos hôtels, vos allégories comme celle de la Révolution.
J’aime bien raconter des choses graves, importantes, avec de petits riens, résumer une vie avec de petits objets folkloriques comme ceux qu’on trouve au Mexique, si chargés de mémoire et à la fois drôles et colorés, toutes ces traces qui disent la vie sans en avoir l’air.
Votre uvre est très inspirée par le Mexique. Est-ce lié à votre rencontre avec Frida Khalo à qui vous rendez un hommage appuyé ?
Sans doute, car Frida est une formidable artiste, qui a su exister malgré et grâce à Diego, son « Frog Prince ». Elle avait en plus cette recherche profonde de ses racines, comme Wifredo. Ce n’est pas toujours simple d’exister à côté d’un maître, et dans une société où il y a beaucoup de mépris, l’humour aide !
Est-ce Frida qui a orienté le métissage de votre uvre ?
Pas seulement. Je crois que j’ai toujours été métisse dans l’âme. J’ai toujours eu le goût de l’autre et des autres mondes. C’est en devenant européen que Wifredo a pu exprimer son âme caraïbe et pour ma part, c’est en rencontrant l’Amérique latine que j’ai trouvé le mode d’expression qui me correspondait le mieux.
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