Lancement du nouveau dispositif CLAP-ACP

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Le 24 juin au marché du film virtuel du festival de Cannes 2020 dans le cadre du Pavillon des cinémas du monde de l’Institut français et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), celle-ci a annoncé les derniers lauréats du Fonds Image de la Francophonie et a ensuite lancé le nouveau dispositif CLAP-ACP qui regroupe l’OIF et le FONSIC (Fonds de soutien à l’industrie cinématographique de Côte d’Ivoire). Ce dispositif a été désigné après l’appel d’offres d’ Organisation des pays ACP pour attribuer des bonus européens à ses propres lauréats, tout comme les deux autres dispositifs retenus qui ont fait l’objet d’une autre table-ronde virtuelle au Pavillon des cinémas d’Afrique (cf. retranscription ici). On trouvera ci-après un résumé de cette session virtuelle qui peut être entièrement visionnée sur youtube. Elle réunissait pour le dispositif CLAP-ACP Giorgio Ficcarelli (Union européenne), Aya Kasasa (Organisation des Etat ACP) et Mamidou Coulibaly Diakité (FONSIC) sous la modération d’Enrico Chiesa qui pilote CLAP-ACP et avec une introduction de Pierre Barrot, spécialiste de programme chargé de l’audiovisuel à l’OIF.

Émilie Boucheteil, directrice du département cinéma à l’Institut français, a accueilli la conférence en insistant sur le partenariat de longue date entre l’IF et l’OIF et sur le maintien – en virtuel cette année du fait de la crise sanitaire – de la Fabrique cinéma (programme de repérage et de valorisation de la jeune création des pays du Sud et émergents) : 17 jeunes cinéastes et producteurs qui ont pitché leurs projets en ligne sur le marché du film, et qui ont des rendez-vous dans le cadre du marché en ligne pour trouver des partenaires pour leur projet.

Pierre Barrot, responsable du programme audiovisuel et du projet CLAP-ACP à l’OIF, a rappelé que l’OIF, créée à Niamey 1970, regroupe 54 pays du Nord et du Sud ayant en partage la langue française. C’est en 1988 que le Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud a débuté et a fonctionné durant 30 ans pour 37 pays éligibles. Le dispositif CLAP-ACP à destination des pays ACP, donc 30 sur les 37, permet d’ajouter des fonds européens aux enveloppes distribuées par le Fonds Image de la Francophonie. Il a insisté sur le fait que le dispositif CLAP-ACP ne générait pas une discrimination envers les pays non-éligibles et que tous les projets étaient traités de la même façon, mais que ce surplus va aux « projets des pays ACP dont on considère qu’ils ont plus de besoins de financement » du fait de la faiblesse de leur système d’aide nationale. Ce financement concerne exclusivement la coproduction. CLAP-ACP est mené en partenariat avec le FONSIC, un des rares fonds d’aide nationaux dans les pays membres de l’OIF, pour les projets rentreraient en coproduction avec la Côte d’Ivoire. Pierre Barrot rappelle que Atlantique de Mati Diop (grand prix du jury à Cannes 2019) a été coproduit par le Sénégal et la France avec des aides du FOPICA du Sénégal, du Fonds Image de l’OIF mais aussi du FONSIC et est ainsi un précurseur du dispositif CLAP-ACP.

Giorgio Ficcarelli (direction du Développement à l’Union Européenne et en charge du suivi du projet ACP Union Européenne Culture) : Au lieu de faire une sélection indépendante par le Secrétariat ACP comme précédemment dans les appels ACPCultures et ACPCultures+, on s’appuie sur les fonds existant lorsqu’ils financent des coproductions comportant au moins 2 pays ACP. Chacun de ces fonds fait ses choix selon ses règles. Cela multiplie les projets des pays ACP qui pourront profiter du financement de l’Union européenne et cela simplifie la vie des producteurs car dans le passé le calendrier était très différent des autres fonds et cela les obligeait à attendre l’année suivante pour compléter le financement. On a donc opté pour un financement de deux sources au même moment sur le même projet.

Aya Kasasa : La dernière réunion des ministres de la Culture qui s’est tenue à Niamey en octobre 2019 a rappelé l’importance du rôle de la culture comme facteur de croissance économique et du développement humain durable comme vecteur de paix de cohésion sociale. Les industries culturelles créent des emplois, et le secteur audiovisuel et le cinéma en particulier. Nous cherchons à assurer qu’une majorité d’opérateurs culturels originaires des pays ACP puisse se voir octroyer des subventions, et de préférence au même niveau que les opérateurs de l’Union européenne. Les décideurs politiques ACP ont insisté pour que soient mis sur pied des programmes efficients d’accompagnement et de renforcement des capacités. Ce dispositif rend les capacités au terrain avec trois grands fonds de coproduction : le World Cinema Fund de la Berlinale, le CNC et l’OIF avec son partenaire FONSIC. Un deuxième appel à propositions intitulé « soutien aux secteurs de la culture et de la création dans les pays ACP » est actuellement en phase d’évaluation. Il est doté d’un budget de 26 millions au total, et couvre tous les domaines culturels y compris le cinéma et l’audiovisuel à nouveau. Il vise notamment l’accroissement des recettes économiques du secteur créatif, la création d’emplois ainsi qu’une meilleure accessibilité, reconnaissance et valorisation des artistes et de leurs œuvres. Un troisième appel à propositions consacré à nouveau au soutien de la coproduction audiovisuelle sera lancé au début de l’année 2021. Toute l’information est sur acp-eu-culture.eu, ainsi que la nouvelle plateforme cultureexchange.eu qui permet aux opérateurs culturels des pays ACP et aux autres pays partenaires de l’UE de se mettre en contact, de lancer des collaborations, échanger des expériences, des informations, etc.

Enrico Chiesa, qui pilote le dispositif CLAP-ACP : Tout d’abord une petite analyse financière et statistique :

Le bonus CLAP ACP nous permet d’augmenter d’à peu près 60 % notre aide, sachant que notre fonds est souvent le seul pour des pays qui n’ont pas de fonds nationaux. Avec l’apport de l’Union européenne on arrive à avoir un impact beaucoup plus important.

Les autres projets apparaissent moins bien lotis mais il s’agit pour beaucoup d’aide au développement et d’aide à la finition. Un exemple : le film mauricien Regardez les étoiles reçoit 90 000 €, c’est le montant qui va déclencher l’entrée en préproduction du film, lequel commence donc à exister grâce à cette subvention de déclenchement. C’est le socle et le pilier qui va permettre d’aller compléter leur financement ailleurs.

En termes de pays, le noir représente l’Afrique subsaharienne, alors qu’en couleurs sont des pays à forte capacité (tradition filmique, outils, financements, écoles, financements panarabes ou asiatiques, etc.). Chaque projet CLAP ACP a été conduit en coproduction. Dans notre exemple du projet mauricien, il est en coproduction avec le Mozambique qui va lui assurer une vie sur l’Afrique lusophone, un des projets maliens est en coproduction avec l’Afrique du Sud avec ainsi une porte sur le monde anglophone, etc. Pour la Côte d’Ivoire, le FONSIC administre une partie du budget européen dès lors que les projets une collaboration avec la Côte d’Ivoire.

Mamidou Z.C. Diakité, directeur du FONSIC : Le FONSIC dépend du Ministère de la culture et de la Francophonie. Il a été créé en 2008 et est devenu opérationnel en 2011. En moyenne chaque année nous soutenons de 5 à 8 projets, avec des budgets variables dépendant des dotations budgétaires liées à l’environnement global de l’économie du cinéma et son écosystème. La signature du FONSIC est maintenant reconnue par des financeurs privés et de plus en plus de banques. CLAP ACP nous permet, à travers la relation avec l’OIF, de progresser sur la pratique et la façon de gérer les projets. Nous avons développé très tôt la coproduction avec les pays africains, notamment le Sénégal puisque nous avons participé au financement d’Atlantique, mais aussi avec le Burkina Faso, que ce soit des séries, des longs métrages ou des documentaires. Nous avons fait ce choix dès le départ, parce que nous étions convaincus que seuls nous n’avions pas la capacité d’aller très loin, et qu’il fallait partager à la fois les bonnes pratiques, le savoir-faire, les méthodes, mais également les financements et favoriser le voyage des acteurs, des techniciens du cinéma et de l’audiovisuel à travers toute l’Afrique si possible, ou au moins à travers la zone francophone. Pour le premier appel à projets, nous avons reçu 25 projets de 12 pays différents. Avec l’OIF, nous travaillons sur une politique d’accompagnement et d’encadrement complémentaire avec des acteurs nationaux ou africains. Nous espérons générer un processus qui autonomise le financement pour que le secteur privé et notamment les banques puissent prendre le relais et renforcer la qualité et la quantité des films qui vont être produits.

Enrico chiesa : Le volet d’accompagnement est la nouveauté de ce projet CLAP ACP.

Pour le diagnostic de projets, nous avons sélectionné des partenaires visibles ici. Chaque projet est lu par deux personnes qui l’examinent au niveau artistique pour envisager les pistes d’écriture permettant au film d’être plus conforme à son idée et à son projet, et au niveau financier et de la production pour pouvoir faire une analyse de risque, en vue d’apporter des soutiens pouvant réduire ces risques.

Nous avons profité du confinement pour développer des ressources en ligne pour les producteurs et les réalisateurs en phase de d’apprentissage des règles du marché international. En juillet sera lancé en collaboration avec LAFAAAC, un nouvel opérateur de formation à distance, un parcours de 3h, trois fois 1h, de formation à la production, ses pièges, ses clés, ses règles. Nous avons généralisé pour tous les lauréats CLAP une formation pitch, d’autant plus importante que les voyages dans les festivals vont être plus compliqués, et qu’il faut donc apprendre à pitcher tout seul devant un ordinateur. En juillet également, une boîte à outils avec des contrats de production mais aussi les contrats d’auteurs, le respect des auteurs étant une question primordiale dans les pays concernés. Il y aura aussi des listes de distributeurs, des listes de festivals, de tutoriels etc.

Nous collaborons avec le DISCOP, le principal marché de programmes en Afrique, et Paper to Film, une plateforme de scénarios qui fonctionne bien en France. Le but est de présenter des projets visuellement, en texte mais aussi en pitch vidéo, afin d’obtenir éventuellement des rendez-vous avec des producteurs et des coproducteurs, et au DISCOP de façon assez intéressante avec des annonceurs. Les diffuseurs ne pouvant pas investir beaucoup, aller chercher de grandes marques ou des ONG peut contribuer aux productions de séries ou de documentaires militants !

L’accompagnement professionnel de CLAP ACP va mobiliser 20 à 30 experts dans tous les domaines, de la consultance en réécriture au montage juridique. On a sondé les 15 premiers projets sur leurs besoins, et 90 % de ces projets ont mis en avant la recherche de financement, le juridique et la diffusion.

Nos commissions sont composées au 3/4 de professionnels du cinéma originaires du Sud, et nous sommes associés au plus actifs des fonds de soutien du cinéma national qui est le FONCIF. Nous avons souhaité faire participer les 8 fonds nationaux qui sont à l’écran : le Burkina Faso, le Gabon, Madagascar, le Mali, la République Centrafricaine, le Rwanda, le Sénégal et le Togo, afin qu’ils soient vraiment impliqués dans le processus qui est en route d’encouragement des coproductions.

L’idée c’est que plus on arrivera à les impliquer en amont, plus on arrivera à constituer à distance des ateliers de projets qui vont non pas forcer mais favoriser les mariages entre des producteurs et des réalisateurs de différents pays africains, qui viendront eux-mêmes à leur tour avec les fonds de leur pays.

CLAP ACP encourage la coproduction pour la mise en commun de ressources de financement mais aussi de débouchés de diffusion. Le critère est donc d’impliquer au minimum 3 sociétés venant d’au moins 2 pays ACP.

Pierre Barrot :  Un 2e appel à projets est déjà en cours au niveau du Fonds image de la francophonie, avec sessions en septembre. Les financements européens vont concerner les années 2021 et 2022. Les actions d’accompagnement interviennent sur les projets aidés, mais aussi en amont pour aider à ce que les coproductions soient solides, puis ensuite jusqu’à l’aide à la diffusion ou la distribution.

Merci à Amal El Moutaouakil pour son aide à la transcription

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