Leïla Ferha

La doyenne des artistes peintres algériennes expose à Paris

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L’œuvre de Leïla Ferhat, doyenne des femmes peintres algériennes, vient d’être présentée au Centre Culturel Algérien de Paris (1) du 24 février au 8 mars 2011. Ce qui incite à revenir sur le parcours d’une artiste habitée et inspirée par le quotidien de son pays.

La peinture de Leila Ferhat est éclairante et sa vision du monde portée par un style tout en sobriété et d’une grande efficacité. L’artiste, d’une nature réservée et peu bavarde, devient intarissable lorsqu’il est question d’art pictural. Très vite, elle sort de sa coquille pour parler de ses émotions face à la toile, de ce qu’est pour elle la magie de la création. Ses premières esquisses, paysages marqués par une pointe de mélancolie et de naïveté figurative dans le trait, scènes de genres aux formes lumineuses denses et variées, ont vite laissé la place à des œuvres d’imagination qui puisent dans le quotidien. Délaissant la facture réaliste pour une évocation presque abstraite, l’artiste inscrit un premier tournant dans son art.
Au-delà de la diversité de ses styles, de ses techniques et des sujets qu’elle traite, les créations de Leila Ferhat, miroir d’une époque, témoignent d’une inspiration créatrice mûrie à la substance du vécu et du rêve.
Dès son plus jeune âge, Leïla Ferhat s’est aménagé un univers bien à elle pour traduire ses émotions, ses rêves, ses sentiments cachés. Elle se rappelle encore son professeur de Français, Mlle Leroy qui, constatant ses aptitudes à la création, lui demanda de reproduire « la fontaine »de Van Gogh. Dès l’école primaire, ses dessins ont retenu l’attention. Elle se sentait comme attirée par une force puissante et mystérieuse vers l’aventure picturale. D’année en année, cet amour de la peinture l’accompagne. Les livres d’art des grands maîtres, Van Gogh, Picasso, Magritte aiguisent sa curiosité. Elle collectionne des images, des cartes postales de tableaux, des timbres et savoure le bonheur de dessiner et de peindre d’abord sur papier, puis sur toutes sortes de supports. Devenu sa passion principale, l’art pictural finira par l’emporter sur d’autres plans de carrière et deviendra, en fin de compte, son sacerdoce. Elle quittera alors sa ville natale, Mascara, pour s’inscrire à l’École Nationale d’Architecture et des Beaux-arts d’Oran où elle obtiendra son CAFAS (Certificat d’Aptitude à la Formation Artistique) en juin 1969. Elle rejoindra ensuite l’École des Beaux-arts d’Alger pour suivre les enseignements de ses maîtres, Issiakhem, Mesli… En 1975, après quelques années d’enseignement des arts plastiques, elle décide de se consacrer entièrement à la création artistique. Ses premières toiles signées Leïla, vont très vite la démarquer de ses pairs lors des expositions collectives. Ses créations révèlent une personnalité audacieuse. La maîtrise d’exécution de ses toiles, la justesse des tons auxquels s’ajoutent des trouvailles subtiles, révèlent sa sensibilité d’artiste. L’adhésion immédiate du public à ses travaux, tant l’accessibilité à son langage est simple, va l’inciter à aller de l’avant, à parfaire ses connaissances esthétiques et son style, à définir sa technique, et à renouveler ses thèmes. Leïla ne délivre aucun message à proprement parler mais de l’empathie pour ses sujets.
Observatrice attentive et créatrice besogneuse, Leïla Ferhat plonge dans la matière même de la peinture et en remonte avec des visions singulières.
Refusant la facilité, L’artiste revient sans cesse sur l’ouvrage. Certaines de ses toiles ont vu le jour quasiment au forceps, nécessitant un long temps de maturation. D’autres, ont été réalisées d’un seul trait. « Les moments qui me stimulent, ce sont les épreuves que je surmonte… ce qui m’inspire, c’est ce qui me touche dans le quotidien. Je gribouille des croquis, soit des personnages, soit des têtes, durant une longue période de gestation, et puis tout d’un coup, les idées se bousculent et l’expression éclate… »confie l’artiste et de poursuivre « Le reste est simplement formulation d’imagination, c’est-à-dire la faculté de traduire les sensations en coloration ».
L’énergie nécessaire à la création, elle la puise dans l’actualité quotidienne nationale – son pays inspirant l’essentiel de ses toiles. Hors de ses frontières, la guerre imposée à l’Irak ne l’a pas laissée indifférente, tout comme le drame de la famille sahraouie vivant depuis des décennies sous la tente. Pas moins de quarante œuvres (toiles et aquarelles) mises en vente au Palais de la culture à Alger, au profit de l’Irak témoignent de ses préoccupations, de ses émotions et de ses ressentiments. À travers des couleurs vives, elle exprime les désastres et les massacres en laissant pointer l’espoir et la vie. « La Fatat de Baghdad », « Les Bords de l’Euphrate », « Le Musicien solitaire », « La Colombe » et « Le Rescapé » ne montrent pas la guerre, mais plutôt le désir de paix. L’artiste extériorise ses pensées profondes et exprime sa solidarité au peuple en lutte contre les puissances de la coalition. Point de déluge de feu, point de bombe, mais plutôt le feu de la vie à travers le regard paisible de l’enfant, du musicien et du citoyen tranquille.
Couronnée par diverses distinctions (2) l’œuvre de Leïla Ferhat a été présentée dans de nombreux pays au Maghreb, en Europe, en Asie, dans les Emirats arabes, en Amérique du Nord et Latine, …). Bien que « venus d’ailleurs » les fragments d’existence que reflète sa création picturale rencontrent les faveurs du public.
« Mon sujet préféré reste la femme, femme au travail, femme libre, femme auprès de l’homme… ».Les aquarelles de Leïla Ferhat, traduisent le poids des siècles d’écrasement, de contraintes, de détresse, mais toujours dans une expression qui souligne la dignité et qui possède une résonance féminine très marquée.
La lumière n’est jamais loin. Dans son œuvre majeure « A travers la lumière » traduit sa préférence à Van Gogh, le peintre de la lumière. Miroir d’une époque, l’œuvre de Leïla Ferhat, comme celle de Baya, de Martinez, de Belbahar, de Yelles ou, d’Ali Khodja a tracé un sillon. Leïla peint pour s’apaiser mais aussi et surtout pour militer à sa manière du côté des exclus et des humbles qui luttent pour leur reconnaissance et leur émancipation.
Elle ne se prive pas pour dénoncer l’état de déliquescence avancé de toute l’expression artistique en Algérie. Solidaire avec la jeune génération d’artistes, elle n’hésite pas à exposer à leurs côtés. Sa fille Raja, également artiste, se distingue déjà par une sensibilité très particulière dans ses peintures sur soie. Souhaitons vivement que la lumière qui pénètre les toiles de Leïla Ferhat pénètre aussi les volets clos du ministère et des multiples directions de la culture.

1. Au Centre culturel algérien de Paris, du 1er au 8 mars, « La femme algérienne à l’honneur« . Au programme, une exposition picturale, une soirée musicale, des rencontres littéraires, des lectures de poésie et des projections de films.
CCA – 171 Rue de la Croix Nivers -75 015 Paris – Tel/Fax : 01 44 26 30 90

2. Diplômée de l’École nationale des beaux-arts d’Alger (option décoration) en 1971, Leïla Ferhat a reçu plusieurs distinctions dont le premier prix de peinture obtenu au vernissage organisé par le Comité des fêtes de la ville d’Alger, en 1977, la médaille d’Or au Salon international de Riom (France 1980) et la médaille d’Or à Puy-en-Velay (France 1982). Ses travaux ont été exposés au Maghreb, en Europe, dans les pays du Golfe, en Amérique latine, au Canada.///Article N° : 9985

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© Mohamed Bensalah
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Leïla FERHAT © Mohamed Bensalah
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