Nous avons demandé à Bibish Mumbu son expérience de journaliste culturelle femme à Kinshasa. Même question à Simone Madeleine Mbuyi, femme photographe. Réponses.
« Sois belle et tais-toi ! » Il y a chez moi un a priori certain contre le jeune et surtout la femme. Moi j’ai le malheur d’être les deux, alors la galère !
Comment voguer à Kin en tant que journaliste culturelle ? Correspondante d’Africultures qui me renvoie toutes les demandes de renseignements et les prises de contact, et souvent présente à la Halle de la Gombe, CCF de Kin, pour ses différentes activités, j’ai finalement eu accès aux manifestations culturelles de la capitale.
La suite d’embargo économiques, pillages, guerres, révolutions et libérations qu’a connu Kinshasa n’ont pas fait d’elle une ville ouverte. On a beau se fringuer dernier cri chez les grands couturiers, il y a bon nombre de choses qui coincent ici ! Surtout chez les filles. Peu d’ambitions, peu d’initiatives, pas de goût pour l’aventure, les découvertes. C’est barbies et coquetterie pour les filles, foot et sueur pour les garçons
« Sois belle et tais-toi ! » Pourtant le truc pour ouvrir une boîte de conserve sans se casser un ongle existe ! On a tendance à s’arrêter longtemps sur une femme qui bosse. Ne serait-ce pas une promotion canapé ? Journaliste ? Photographe ? Oui, mais
C’est un métier d’homme. On ne laisse tranquille que les danseuses de la World Music
Ma mère voulait me voir faire de la couture, j’ai fait littéraire, option latin-philo. Mon père me voyait faire le droit à l’université, j’ai choisi le journalisme… Mais deux bobos m’ont glacé à vie. Le premier est d’avoir reçu une invitation nominative de l’ambassade de France qui recevait Papa Wemba et d’en avoir tiré un scoop pour mon canard. Le deuxième est que la coopération française m’a aidé, dans le cadre de son aide à la création et à la formation, à participer en tant que journaliste de mon pays au Masa d’Abidjan. La question sous cape était : « Pourquoi elle, une fille, si jeune
? » Et hop, la réponse était toute trouvée.
« Sois belle et tais-toi ! » Il a fallu qu’Africultures – merci d’avoir cru en moi – se mette à parler de moi à tous les Congolais croisés pour que les choses changent, sourires condescendants, visages penauds, regards interrogateurs.
« Sois belle et tais toi ! » Apparemment les filles kinoises ont bien assimilé le dicton. Et c’est tout à fait naturel d’être avec un type et tout attendre de lui : amour, fringues, produits de beauté, repas, frais de santé, resto etc. Mariée ou pas, c’est tout comme !
« Sois belle et tais-toi ! » C’est le truc qui marche. Pour preuve, chaque pub qui se fait à Kin ne se vend bien que lorsqu’il y a une femme qui se contorsionne. Boisson, cigarette ou carburant, il faut une croupe bien faite et des cheveux empruntés.
C’est difficile de parler de soi, je te jure ! Je sens que je vais buguer, alors salut.
Les femmes aussi pratiquent la photo, mais pour les êtres dits de sexe faible, on la pratique en amateur dans bon nombre de foyers : anniversaire, première communion, naissance, etc.
Elles ont aussi accès à la photo de studios comme le confirme une enquête réalisée par l’association nationale des photographes du Congo Anaphoco, section de la commune de N’djili où je vis. Madame Nsuka Kitoko tient ainsi le studio The Best au quartier 9 à N’djili. Moi même, j’évolue au studio Photo Conseil sur l’avenue Croix Rouge n° 81, Commune de Kinshasa, et je me défend bien, je peux le dire !
Dans la photographie de reportage, Maman José Kapinga fait des interventions ponctuelles en sous-traitance pour l’Unicef section de Kinshasa. Et celle qu’on appelle La dame de fer, l’inégalable José Makula, a prouvé ses réflexes de photo journaliste durant plus de quinze ans dans la presse présidentielle.
Cas de situation précaire, Marie Cécile Okito émerge tant bien que mal dans la photographie de l’habitat, qui est un document témoin ou vérité de certains faubourgs de la ville de Kinshasa.
Quant à moi, mon approche de la photographie est une photo de recherche, comme le montre mon auto-portrait.
Ainsi, la femme est présente dans cette profession ! Mais il manque une structure tant nationale qu’internationale qui soutienne notre émergence dans les assises socioculturelles et artistiques du monde visuel.
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