Marley

De Kevin McDonald

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Marley est à la fois véritablement passionnant et terriblement frustrant. On commence par quoi ? Allez, passionnant ! Oui, parce que le personnage de Bob Marley résume toutes les contradictions à l’œuvre dans cette seconde moitié de siècle qu’il a seulement effleuré puisque, parti de la misère de Trenchtown, sur les hauteurs de Kingston, il est mort à 36 ans d’un cancer en 1981 à Miami. Voici donc un jeune métis plutôt timide soumis au rejet de par sa couleur de peau et qui retravaillera cette blessure tout au long de sa vie. Il en développera l’énergie de réussir à force de boulot mais aussi de compromis pour s’imposer à l’international au détriment de la radicalité du message. Comme il s’est assez peu exprimé, Kevin McDonald (1) est allé voir ceux qui l’ont côtoyé : ses musiciens, ses producteurs, ses femmes et ses enfants (il en eut 11 de 7 femmes différentes). Au-delà de la fascination générale se glissent le père absent, le machisme illuminé, la souffrance des femmes mais leur dévouement inaltéré, la difficulté de l’ancrage de cet éternel exilé. Un portrait rigoureusement chronologique se dessine qui permet de cerner l’extraordinaire alchimie de cet homme qui sut mettre en transe la terre entière autour de ses appels à la tolérance et à la résistance à l’oppression. C’est en cela que la vision de ce film est passionnante.
Frustrante aussi parce que durant ces 2h24 de film, la musique est présente mais l’émotion absente. Jamais le temps ! Comme la plupart des documentaires anglo-saxons, les témoignages sont hachés pour servir un récit didactique et les concerts de même. Quel dommage ainsi de ne pas laisser la totalité pourtant assez courte du jamming halluciné de Marley alors qu’il obligeait les deux ennemis jurés qui mettaient à feu et à sang la Jamaïque, Edward Seaga (JLP, pro-américain) et le Premier Ministre Michael Manley (PNP, communiste), à monter sur la scène du One Love Peace Concert du 22 avril 1978 à Kingston ! On aurait pu partager l’émotion de cette scène incroyable : les deux politiciens plantés sur scène, mal à l’aise et les bras ballants, avant que Marley ne prenne leur main dans la sienne en appelant à la paix. Seulement voilà, cette fragmentation style reportage, dont la crainte semble être d’ennuyer une seconde un spectateur infantilisé, casse l’énergie même du sujet.
Au final, la légende reste intacte et nous en saurons plus sur le parcours que sur l’homme. De même, nous verrons comment le reggae est sorti presque par accident du ska sans que ses évolutions musicales ne soient ensuite abordées. Le film rend bien compte de la difficulté qu’avait Marley dans sa démarche de conquête du public international de connecter avec les diasporas africaines et les Africains-Américains, son audience restant désespérément blanche. Ainsi que du succès en Afrique et dans les Caraïbes de son combat contre l’oppression. Mais si le récit est conforté par la richesse des archives, Marley dépasse rarement la biographie de sa carrière et les risques de son messianisme engagé (il s’étend longuement sur l’attentat de 1976) : il peine à faire passer la puissance musicale et spirituelle de celui qui orne encore les t-shirts des rebelles du monde entier.

1. L’Ecossais Kevin McDonald est connu pour avoir réalisé Le Dernier roi d’Ecosse, une fiction à succès où il invente un personnage de médecin personnel et premier conseiller écossais auprès du terrifiant Idi Amin Dada, puisque dans le cinéma occidental, l’Afrique n’est perceptible que par le truchement de l’explorateur. Il échappera in extremis à la mort et pourra s’échapper pour avertir le monde des exactions en cours, contrairement à la réalité historique puisque le régime Amin Dada est tombé lorsqu’il a attaqué la Tanzanie en 1978, et que celle-ci riposta, forçant le maréchal à vie à s’enfuir.///Article N° : 10861

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Les images de l'article
© Wild Side Films / Le Pacte
© Wild Side Films / Le Pacte
© Wild Side Films / Le Pacte
Son père, le capitaine Norval Marley © Wild Side Films / Le Pacte
Sa femme Rita Marley © © Wild Side Films / Le Pacte
© Wild Side Films / Le Pacte





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