Na Cidade Vazia suit au sens propre du terme les pas de N’dala, un enfant qui s’enfuit à Luanda après que la guerre ait tué sa famille. Son destin sera celui du pays : l’Angola sort de trente années de guerre où la lutte de libération marquée par le discours révolutionnaire anticolonialiste des débuts a finalement laissé la place à partir des années 80 à une confusion où les jeux d’intérêt et la perpétuation de la violence à tous niveaux ont primé sur le rêve de départ.
Dans le film, qui se situe à la fin des années 80, cette ambiguité du discours politique est représentée par la relation entre N’dala et Zé, un enfant qui à l’école répète le personnage de Ngunga dans une pièce du célèbre écrivain angolais Pepetela : Les Aventures de N’gunga, enfant-soldat héros de la guerre de libération, conscient de la nécessité de changer le monde et la conscience des adultes. Zé voit en N’dala une incarnation du héros bien que ce dernier ne soit qu’une victime de la guerre : à l’image du rapport imaginaire entretenu avec les forces de libération, Zé mythifie ce qui n’était en fait qu’une lutte pour la survie.
Les perversités et violences issues de la guerre sont incarnées dans le scénario par une série de personnages qui ont chacun pour charge d’en représenter une facette : la prostitution avec Rosita qui accepte de loger N’dala s’il se met à son service, les trafics et la délinquance meurtrière avec Joka, truand au grand cur qui utilisera N’dala pour faire un casse.
De même, le personnage du pêcheur qui accueille N’dala sur la plage incarne les valeurs anciennes positives que la guerre a refoulées mais qui pourraient resurgir à la faveur d’une nouvelle société.
N’dala évolue ainsi dans un monde décadent où chacun tente de survivre, où les bandes d’enfants des rues font la loi sur les territoires de la débrouille. Ces enfants des rues sont emblématiques d’une société à la dérive aujourd’hui encore terriblement marquée par la guerre comme en témoignaient les remarquables documentaires d’Abderrahmane Sissako (Rostov-Luanda) ou Anne-Laure Folly (Les Oubliées).
Le problème de Na cidade vazia (qui profite d’un cadre et d’une lumière certes classique mais bien maîtrisés) n’est pas sa casi-absence de rebondissements dans le scénario : on pourrait s’attacher à cet enfant errant qui retrouve dans une peinture les masques des fêtes de son village et que les vieux démons qui agitent son pays entraîneront dans un destin tragique. Mais on y sent trop la fonction représentative de chaque personnage qui finalement agit comme stéréotype. Cela serait amoindri si la caméra ne se voulait pas si démonstrative : quand N’dala pénètre dans la chambre où l’attend un message important glissé sous la porte, elle s’attache à son regard qui le manque, puis au bout de papier rejetté par la porte, pour y revenir encore quand il ressort
Le spectateur est ainsi mis face à une intention qui tue son libre-arbitre, sa propre capacité d’entrer dans le sujet parce qu’on mobiliserait plutôt qu’on ne canaliserait ses sens.
Na cidade vazia est ainsi un beau film en prise avec son temps, mais malheureusement plus dans ses potentialités que dans son résultat.
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