Notting Hill 2002, ambiance et sécurité au rendez-vous

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Parades colorées à perte de vue, sound systems plein les oreilles, danse à s’en casser les reins. Plus d’un million de personnes réunies à Londres pour assister au plus grand carnaval black d’Europe. Rendez-vous des inconditionnels de la fête, le 38ème carnaval de Notting Hill a encore une fois illustré l’effervescence musicale propre à Londres. Le tout, dans une ambiance sécurisante.

Une organisation remise en cause

Pourtant, rien n’était gagné d’avance. Au lendemain de l’édition 2001, l’insécurité était devenue telle que l’avenir du carnaval en était presque compromis. En effet, au fil des ans, il est devenu synonyme de violence, de drogue et de dégradation matérielle. Sans parler de cette foule, toujours grandissante, évoluant dans un étroit périmètre. Pendant un moment, il a même été question de le déplacer à Hyde Park. Ce qui aurait remis en cause sa raison d’être.
L’avant-carnaval a donc été marqué par une polémique quant à la gestion financière et logistique d’un événement dont l’ampleur a dépassé ses organisateurs. Un nom est incessamment revenu dans la presse : Claire Holder, alors à la tête du Notting Hill Carnival Trust.
Holder est entrée dans les coulisses du carnaval en 1973. À l’époque, elle faisait des costumes pour le fameux steel band Ebony, un groupe de calypso. Avocate de formation, elle a été nommée officiellement administratrice du Trust en 1989 et a accompagné l’équipe qui a donné à ce carnaval une renommée internationale, au point qu’il est considéré aujourd’hui comme le plus grand du monde, après celui de Rio. Remerciée sur fond de scandale, elle s’est vue remplacée par le Professeur Chris Mullard, consultant engagé depuis de nombreuses années dans divers projets multiculturels. Il a aussi collaboré à la réalisation d’une campagne contre la discrimination raciale.
Si pour tous, le carnaval signifie festivité, il est pour les organisateurs un véritable casse-tête. On a dénombré 1,3 million de participants, 40 sound systems et 340 étalages. 10 000 policiers assuraient la sécurité des riverains et participants, et l’on ne compte que des arrestations pour délits mineurs. Aucun cambriolage, ni agression. Pour une première, c’est une vraie réussite.
En poste jusqu’à novembre 2002, date à laquelle aura lieu l’officialisation du nouvel administrateur, le Professeur Mullard doit redorer l’image du carnaval. Il a pour mission de constituer un nouveau comité, promouvoir la créativité artistique et favoriser un retour aux racines du carnaval.

Les origines du carnaval

Pour beaucoup, le nom de Notting Hill évoque le film d’amour dans lequel se rencontrent les personnages interprétés par Julia Roberts et Hugh Grant. Mais, dans les années 50, c’était loin d’être un lieu romantique. Peuplé par une forte communauté caribéenne, venant notamment de Trinidad et de Grenade, ce quartier a été la scène de nombreuses attaques racistes. À l’époque, c’est un certain Sir Oswald Mosley (1896-1980) qui prêchait la haine raciale. Ses partisans, aussi zélés que peuvent l’être de jeunes nationalistes, semaient la terreur dans le quartier. Armés de chaînes de vélo, ces Teddy Boys se déplaçaient en groupe pour terroriser la communauté. La peur était telle que beaucoup n’osaient plus sortir de chez eux.
On dit souvent que le carnaval a été créé dans les années soixante en réponse à ces violences. Qu’il avait pour but d’affirmer une identité culturelle, tout en revendiquant une place légitime dans la société britannique.
Mais il est important de rappeler que la communauté noire de Notting Hill avait formé une sorte de milice locale. Dans Forbidden Britain (La Grande-Bretagne Interdite), reportage de Steve Humphries diffusé par la BBC en 1994, Baker Baron, d’origine jamaïcaine raconte comment en cas de menace, les femmes préparaient des marmites d’eau bouillante. Quant aux hommes, ils étaient équipés d’armes blanches, pistolets et cocktails Molotov. À la fin des années cinquante, les Teddy Boys ont reçu une leçon telle que s’en fut la fin de la terreur.
Ou presque puisqu’en 1976, en plein carnaval, éclate une autre émeute qui oppose cette fois jeunes Noirs et policiers blancs. Omniprésence policière, arrestations arbitraires, de quoi enflammer une jeunesse déjà victime au quotidien du harcèlement et de la brutalité des forces de l’ordre.

D’une identité caribéenne au multiculturalisme londonien

Aujourd’hui, le carnaval de Notting Hill n’est plus la seule affaire d’une diaspora. Il fait totalement partie de la culture londonienne et à ce titre, il reflète la variété qui caractérise la capitale. Il a non seulement rendu à une communauté sa dignité, mais en plus il réussit à fusionner, le temps des festivités, des populations d’origines différentes. La musique en est témoin. On ne défile plus uniquement sur du calypso. Soca, samba, reggae, hip-hop et R’n’B côtoient de la house et du garage.
Réparti sur une période de six semaines, de juillet à fin août (le carnaval ayant lieu le dernier week-end du mois d’août) cet événement est aussi un tremplin artistique qui permet à de jeunes musiciens et danseurs de se révéler. De même qu’il donne aux plasticiens l’occasion de rivaliser d’originalité. Chaque année a lieu l’élection des meilleurs mascarades et steel band.
Véritable aubaine touristique, il fait partie intégrante de la politique culturelle d’un pays qui mise sur sa diversité ethnique. Il est d’ailleurs en partie financé par des institutions telles que London Arts ou le Art Council of England.
Certains nostalgiques disent que l’esprit original du carnaval a été perdu, qu’il est devenu trop commercial. Mais, nul n’est à l’abri de contraintes financières et la recherche de profit, nécessaire à son existence, n’enlève rien à la magie de cette réjouissance. De plus, il profite aussi aux ‘rois de la débrouille’qui y trouvent une bonne occasion de vendre leur ‘jerk chicken’fait maison, des cassettes audio, des accessoires rasta et même d’offrir des toilettes chez l’habitant pour la modique somme d’une livre sterling…

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Les images de l'article
Jamaican Style, Notting Hill Carnival 2002 © M-C. Eyene





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