C’est une plongée. On les voit de dos converger dans la pénombre. On les distingue à peine dans la nuit, pliées en deux, sans lumière qui les signalent, à la merci des chauffards éméchés. Le jour se lève peu à peu et le film continue de capter leur sempiternel mouvement. Elles balaient. Nous sommes au centre de Ouaga, dans les grandes avenues qui convergent vers le rond point des Nations unies. Aucun commentaire : le film s’effacera devant leur parole. Les douces percussions du musicien burkinabè Tim Winsé accompagnent une caméra qui ose peu à peu se rapprocher.
La » brigade verte » rend la ville propre et belle. Pour un salaire de rien du tout. Et à point d’heure pour éviter les mobylettes. » Au début, il fallait gratter avec des pioches pour atteindre le goudron « . Misérables ? Non, ces femmes rient ensemble, sont déterminées à faire ce travail considéré comme humiliant par leur famille, leurs enfants. Leur parole s’élargit. Elle devient témoignage de la souffrance des femmes, pratiquement seules à l’écran. Le film balaie large comme ça sort, face à une réalisatrice qui joue le jeu de l’écoute, de l’empathie, sans chercher à trop cadrer le propos, et une équipe technique entièrement africaine. C’est du réel tout cru, honnête, sans rien de sensationnel, sans la tension d’une attente, d’une histoire, sans concession à la compassion. Le contraire du reportage télé. Et puis, parce que cette distance le permet, l’émotion est là, surtout quand une femme analphabète va elle-même chercher son salaire. Une victoire. Et puis, cette phrase de Thomas Sankara : » J’entends le vacarme de ce silence des femmes, je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur révolte. » Les mots pour le dire.
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