Pionnière en Afrique de l’Ouest, la Fondation Zinsou a ouvert ses portes le 6 juin 2005 à Cotonou. Elle se propose d’offrir à l’art contemporain africain un lieu d’exposition, de rencontre et de partage en terre africaine. Après vingt mois d’existence, elle a accueilli plus de 400 000 visiteurs, preuve tangible que la Fondation a atteint une partie de ses objectifs au niveau local : promouvoir le partage de la culture vivante africaine. Preuve aussi qu’un tel lieu a sa place sur le continent africain et aussi qu’il existe un public désireux d’avoir accès à cette culture, à cette création contemporaine.
« Dans un Monde souffrant, inéquitable et contraint, il faut donner à voir ce qui est fier, ce qui est original, ce qui est ambitieux, ce qui est libre.[
] L’Art d’aujourd’hui est la plus belle métaphore de l’Afrique de demain. Rien n’est plus urgent que de le donner à voir. »
Marie-Cécile Zinsou
Présidente de la Fondation Zinsou
Depuis son ouverture, la Fondation a présenté quatre expositions. Ainsi, en juin 2005, c’est Romuald Hazoumé qui a inauguré le Musée de la Fondation Zinsou par une exposition éponyme, qui présentait en avant-première ses photographies, ainsi que deux installations créées pour l’événement, ses peintures inspirées du Fa et ses masques bidons, qui ont suscité l’enthousiasme du public béninois. Cette première exposition portait en elle l’essence même du projet de la Fondation : exposer en terre africaine un créateur africain majeur. Romuald Hazoumé jouit aujourd’hui d’une reconnaissance universelle ; ses uvres sont exposées dans les plus grands musées du monde. Il figure sans conteste au rang des plus grands artistes contemporains du moment. Il s’agissait donc, au travers de cette première exposition, de permettre au public d’avoir accès directement à la scène internationale de l’art contemporain. En cinq mois, l’exposition a accueilli plus de 12 000 visiteurs.
De décembre 2005 à mars 2006, la Fondation Zinsou a présenté Regards croisés
– Afrique d’aujourd’hui, de Jean-Dominique Burton. Ce photographe belge a proposé une uvre africaine contemporaine et un regard novateur sur un continent partagé entre une tradition millénaire et une modernité omniprésente. À travers cette exposition, la Fondation Zinsou a pu transmettre au public l’idée qu’un artiste africain contemporain n’est pas seulement un artiste africain, mais un artiste qui porte un regard sur l’Afrique. 25 000 visiteurs sont venus admirer ce regard. Puis de mai à octobre 2006, Cyprien Tokoudagba, artiste, vodunsi, à la fois traditionnel et ancré dans la modernité, nous a proposé avec l’exposition Dahomey, Rois et Dieux, de poser un regard sur deux piliers majeurs de l’identité béninoise : le pouvoir royal et le pouvoir religieux. Il nous y a livré le Dahomey avec ses histoires, ses mythes et ses traditions, et passé le flambeau à une génération pour que, forte de son histoire, elle s’invente un futur. Cette exposition a attiré 250 000 visiteurs. Enfin, depuis le 18 décembre 2006, la Fondation présente Béhanzin, Roi d’Abomey, une exposition réalisée en partenariat avec le Musée du quai Branly à l’occasion du centenaire de la mort du roi Béhanzin. Trente objets du Trésor royal de Béhanzin, issu des collections du Musée français, ont été prêtés au Bénin pour une durée de trois mois. La Fondation a choisi de confronter ces objets chargés d’histoire avec un regard moderne porté sur le passé, celui du peintre Cyprien Tokoudagba, qui a réalisé quinze toiles représentant différents emblèmes du Roi. Près de 150 000 visiteurs sont déjà venus retrouver ces objets, et avec eux tout un pan de leur histoire commune.
La Fondation garde toujours à l’esprit la nécessité d’accompagner son public dans la découverte de l’espace du musée et des expositions qu’il abrite. Pour satisfaire à cet objectif, des guides sont à la disposition du public, proposant une visite guidée systématique. Avant leur entrée en fonction, ils bénéficient d’une formation intégrant des matières aussi diverses que l’histoire de l’art, la médiation culturelle et la sécurité. Des formations plus spécifiques précèdent et ponctuent chaque nouvelle exposition, destinées à transmettre aux guides la nouvelle matière mise à leur disposition, à répondre à leurs interrogations, à les accompagner dans leurs relations avec le public afin qu’ils puissent toujours mieux répondre à ses exigences. L’exposition actuellement en cours, Béhanzin, Roi d’Abomey, a nécessité l’organisation de séances de formation complémentaires, qui sont intervenues à mi-parcours, sur la demande des guides eux-mêmes. Très portée sur l’histoire, et sujette à de lourdes polémiques, cette exposition a drainé un nouveau public vers l’espace du musée de la Fondation : un public d’adultes, d’intellectuels, intéressé par la découverte de ces objets du trésor royal de Béhanzin, et à leur retour exceptionnel dans leur pays d’origine. Un public très exigeant aussi, très réactif, dont les visites s’accompagnaient de beaucoup d’émotions et de réactions nouvelles, auxquelles les guides n’étaient pas toujours préparés. Ces séances de formation furent l’occasion de prendre du recul par rapport à la matière exposée pour aborder des thèmes plus transversaux et plus complexes. L’un d’eux, certainement le plus couramment abordé par les visiteurs, concerne la raison du retour en France d’objets qui appartiennent au Bénin, à son histoire, à son patrimoine.
La Fondation est aussi soucieuse de rendre ses expositions accessibles aux jeunes, qui constituent plus des deux-tiers de ses visiteurs. Elle estime essentiel de contribuer à développer chez les jeunes un goût et une connaissance de l’art et de susciter de nouveaux talents. Depuis l’exposition Rois et Dieux, la Fondation met à disposition de son jeune public un matériel pédagogique sous forme de cahiers de jeux. Ces cahiers leurs permettent d’apprendre à regarder une uvre et à la comprendre à travers différentes optiques, selon leur âge et leur intérêt. Ils doivent répondre à des questionnaires, se concentrer sur ses détails, parcourir l’exposition de manière construite, afin de rentrer dans l’univers de l’artiste et comprendre son travail en profondeur. Ces cahiers sont distribués à tous les enfants visitant l’exposition et nos guides sont chargés de leur expliquer les principes des différents jeux. L’ensemble des jeux a pour vocation d’apprendre aux enfants à regarder une uvre d’art et à en décrypter les messages. Leur but est aussi d’offrir à tous ces enfants un cahier de jeux tout en couleur qui les réjouit et les marque. La Fondation a également créé l’atelier des Petits pinceaux, qui se réunit tous les mercredis, jeudis et samedis de 14 à 16 heures pour les 3-6 ans et de 16 à 18 heures pour les 7-12 ans. Par l’intermédiaire d’activités créatrices, les enfants s’initient à l’art ainsi qu’à la vie de l’artiste et à son uvre. Grâce aux animatrices des ateliers, et à la qualité du matériel qu’elles mettent à leur disposition, ils développent leur imagination et découvrent leurs talents. L’accompagnement de la jeunesse ne pouvait se faire sans sensibiliser ses enseignants. La Fondation met à leur disposition lors des séances de formation des dossiers intitulés Rendez-vous pédagogiques, qui suggèrent différentes pistes d’études aux professeurs, instituteurs, éducateurs et parents pour intégrer au mieux au cursus scolaire les questions abordées par nos expositions.
Soucieuse de son public, la Fondation l’est aussi parce qu’il incarne le vecteur dynamique de la promotion culturelle dans le pays. Pour mieux se mettre au service de ce thème, la Fondation organise des expositions itinérantes depuis Regards croisés – Afrique d’aujourd’hui. Celles-ci représentent un pendant important aux expositions fixes qui restent dans les murs de la Fondation. Elles sont un moyen efficace d’aller au-devant des populations, et attirent systématiquement de très nombreux visiteurs. La Fondation a ainsi aujourd’hui à son actif l’organisation de trois expositions itinérantes. La première, qui s’inscrivait dans le cadre de Regards croisés – Afrique d’aujourd’hui, a fait circuler dans la ville de Cotonou, L’Allée des Rois, une série de portraits des rois du Burkina Faso, témoins de l’importance de la chefferie traditionnelle dans l’Afrique contemporaine. L’image de l’Afrique contemporaine qu’elle véhiculait était croisée avec celle d’une Afrique industrielle et moderne, portée par une autre série de photographies intitulée De Terre, de Mer, d’Air et d’Acier, exposée dans l’enceinte du musée de la Fondation. La deuxième, Univers Tokoudagba, s’est déplacée dans la ville lors de l’exposition Dahomey, Rois et Dieux. Elle proposait aux visiteurs de découvrir l’artiste dont les toiles étaient exposées à la Fondation, à travers des photographies et des statues monumentales des principaux personnages du Dahomey. La troisième, Il y a 100 ans, Béhanzin
, se déplace actuellement à une échelle plus vaste : celle du pays tout entier. Les objets prêtés par le Musée du quai Branly ne peuvent se déplacer dans le pays pour des raisons techniques évidentes. Insatisfaite de ne pouvoir en faire bénéficier plus de visiteurs, la Fondation a pris le parti d’en faire circuler des photos. Ainsi cette exposition se présente-t-elle sous la forme d’une synthèse de Béhanzin, Roi d’Abomey, dont elle extrait trente-six fragments regroupés autour de neuf thèmes, supportés par neuf cubes. Après être restée à Cotonou pendant un mois, l’exposition fait actuellement escale à Porto-Novo, avant de partir pour les villes de Ouidah, Abomey et Parakou. Par ces expositions, la Fondation assied son action sur un territoire. En se basant dans le centre ville, elle atteste de sa volonté de s’inscrire dans une ville en plein essor, et de sa foi en son développement futur. Par ailleurs, elle affiche sa volonté de participer à ce développement en employant à ce jour 56 personnes en équivalent temps plein et en travaillant en priorité avec des ateliers et entreprises locales sur les chantiers de ses expositions. L’espace de sa boutique est dédié à la promotion de l’excellence de l’artisanat béninois, en présentant de nombreuses lignes d’objets dérivés conçu par des ateliers locaux. La Fondation trouve ici un répondant à la réflexion sur le rayonnement de ses activités à travers sa démarche pour impliquer des sponsors.
Créée à l’initiative d’une famille, la Fondation Zinsou est née grâce à une donation de ses membres fondateurs. À terme, elle vise à se détacher intégralement de cette source de financement. C’est la raison pour laquelle elle a pris la forme d’une association de droit béninois, indépendante, apolitique, sans but lucratif, dont les statuts sont déposés à Cotonou et qui est ouverte à tous ceux qui veulent la soutenir. Elle sollicite le concours financier de divers sponsors ou mécènes, et avance actuellement vers un nouvel équilibre. Sa première action a consisté à impliquer les acteurs au niveau local. Leur engagement permet d’asseoir la Fondation dans son contexte géographique, et de les intégrer à une dynamique culturelle profitable au pays. Ainsi, de nombreuses entreprises locales ont su apporter leur soutien à l’exposition Béhanzin. Son partenariat avec la Financial Bank lors de l’exposition Regards croisés – Afrique d’aujourd’hui reflétait la même volonté. De Terre, de Mer, d’Air et d’Acier, présentée à la Fondation Zinsou, est une commande de la Financial Bank au photographe Jean-Dominique Burton. Cette exposition, réalisée en 2005, était extrêmement novatrice car elle a été financée par une grande institution financière africaine qui a ainsi réalisé le premier acte de mécénat culturel important au Bénin. À moyen terme, la Fondation Zinsou souhaite compléter cet apport local en impliquant des sponsors ou mécènes extérieurs. Une Fondation est en cours de création à Paris, sous le droit français, pour faciliter la réunion de concours financiers internationaux. La Fondation se veut un tremplin vers une diffusion populaire et une reconnaissance universelle de l’art contemporain africain. Pour ce faire, elle est soucieuse de se tenir aux standards internationaux en matière de gestion de son espace d’exposition et de diffusion artistique, de manière à rayonner au-delà même des frontières du continent. Au service de cette conviction, elle a créé un espace, un musée dont elle souhaite à terme qu’il s’inscrive sur une scène artistique internationale. Une voie qu’elle ne suit pas seule ; en témoigne l’importance qu’elle porte à son public et à tous ces ateliers d’artisans avec l’aide desquels elle avance chaque jour.
Anne Chaperon travaille au sein du département communication de la Fondation Zinsou.///Article N° : 6744