Chant d’Encre : Slamer contre l’oubli

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Säb, Nëggus, Apkass, Edgar Sekloka et Gaël Faye, ont tôt fait le choix des arts, le choix des mots, comme armes miraculeuses pour dire, décrire l’indicible. Ensemble ils forment le collectif de slam Chant d’Encre, à la suite de leur communion dans une pièce de théâtre montée pour commémorer les dix ans du génocide des Tutsi au Rwanda, L’Eclipse des 100 jours : « il est des voix pour qui parler au nom des autres est un devoir », tonnait Nëggus. Leurs voix rebelles résonnent, elles appellent à la mémoire en partage, invitant au dialogue des langues, des imaginaires et des peuples, et au refus de l’indifférence. Alors il s’agira toujours d’écrire et dire, contre l’oubli, écrire encore et toujours. Et dire aussi. En souvenir du futur. Ecrire pour entretenir la flamme de nos âmes, accorder son chant à l’espoir qui se rêvait déjà au-dessus des champs de canne et de coton. L’espoir qui s’élevait, au-dessus des camps de béton. L’espoir qui se rêve et s’élève encore. Et toujours. Là-haut, près du soleil. Des indépendances. Ibuka.
Offert en partage deux textes du collectif, signés Säb.
ROSE DE SANG
« Agenouillée cette petite fille ne sait plus prier. Pour demander que le temps s’arrête.
Le paysage est noirci par une brume noire de cendre. Le chant des machettes.
Un bouquet d’âme par terre décimé par la furie humaine. Pour une suprématie.
Les armes ont tranché dans le vif. Imposé la haine.
Ne m’offre plus de roses (…)
Mon coeur a peur de sa couleur (…)
Ne m’offre plus de roses
Je rêve de vivre encore et encore
On m’a offert des roses de sang. En provenance de Paris Cadeau empoisonné. Saupoudré de diplomatie.
La terre est souillée. Et les regrets ne sont même pas d’actualité. Honte à ceux qui nous oublient.
Le temps n’effacera pas les maux de ce pays.
Ô Rwanda. Tu es devenue une égérie. Pour ceux qui luttent contre l’oubli.
Agenouillée cette petite fille ne sait plus prier. Elle a fermé les yeux pour ne plus penser.
La mort a fait son chemin et l’ONU c’est juste laver les mains.
Elle est comme ce papillon qui ne sait plus voler. Un ange s’en ait allé. (…) Je rêve de vivre encore et encore. » « SäB » 2014.
LA FUGITIVE
« Je cours depuis de longs jours, comme on court en sursis.
Le sang, tout autour a changé le décor.
Ma douleur infinie s’est forgée dans le drame, les larmes n’arrivent plus couler. (…)
Je sens la sueur couler le long de mes joues.
Le long de mes jours impossibles à venir. (…)
Être tutsi, c’est être née à contre-jour et survivre sous le regard de la lune.
Je ne sais où mes pas me mènent, je ne sais si demain le sang coulera encore dans mes veines, mais je cours, je cours… je cours indéfiniment en surveillant les alentours.
Je traverse des charniers où des corps sans âges sont entassés les uns sur les autres,
Je vois d’autres rescapés qui se faufilent de part et d’autre.
Cherchant leur lendemain ou pleurant les leurs.
Moi, je ne peux pas pleurer les larmes, ma douleur infinie s’est forgée dans le drame.
Non, moi je ne peux pas pleurer les larmes, ma douleur infinie s’est forgée dans le drame.
Les larmes n’arrivent plus à couler, les anges se sont écartés. » « SäB » 2014.

Où et quand ?

Le collectif Chant d’Encre remonte sur scène avec des textes inédits le 11 avril prochain lors du spectacle Les hommes debout.

18h30, Le hangar : 3-5, rue Raspail 94200 Ivry-sur-Seine / 01 72 04 64 25 / www.lehangar94.fr / 10 €

Leurs textes sont publiés sur africultures.com à partir du 7 avril.///Article N° : 12385

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