Fespaco 2017 : inégaux courts métrages

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En dehors de quelques rares bijoux, la compétition officielle des 26 courts métrages de la 25ème édition du Fespaco (25 février – 4 mars) de Ouagadougou fut décevante, à l’image de la compétition longs métrages envahie par de médiocres téléfilms (cf. article n°14012). On s’intéressera surtout dans ce tour d’horizon complet aux thématiques traitées.

Les gens francs

Dans la même dynamique que Félicité d’Alain Gomis, qui a remporté l’Etalon d’or des longs métrages, quelques courts s’intéressaient aux gens francs, pour reprendre l’expression de Djibril Diop Mambety, c’est-à-dire ceux qui dans leur vie quotidienne trouvent leur part d’énergie et de vérité.

L’un des plus beaux films nous vient d’Afrique du Sud : L’Homme à la bicyclette (The Bicycle Man, 28′), de Twiggy Matiwana, qui a reçu le Poulain d’argent. C’est une histoire sans tambour ni trompette, une histoire de problèmes ordinaires où la maladie vient rompre l’équilibre et les préjugés ambiants compliquer les choses. Dès qu’une personne est malade, on la soupçonne d’avoir le sida. C’est le cas du père, ce qui ruine sa relation avec son fils. C’est ce vertige et son contexte dans le township que saisit le film avec beaucoup de sensibilité. Il faudra de l’écoute et des gestes pour restaurer la confiance mutuelle et l’équilibre de la vie. Emouvant et d’une belle maîtrise cinématographique, ce court va ainsi bien au-delà de sa simple histoire.

Quand Noël arrive, les hommes essayent de vendre des poules ou une chèvre pour pouvoir offrir un cadeau à leurs enfants. C’est le cas du père de Marie-Laure, Christian, dans La Face cachée du père Noël de Laurent Pantaléon (La Réunion, 29′) : il descend vers la ville pour y vendre un coq et deux poules, occasion d’étonnantes rencontres. Christian, celui des hauteurs, se fait avoir mais n’est pas dupe, jusqu’à ruser pour arriver à ses fins ! Quiproquos et humour balisent un film inégal mais sympathique qui permet de percevoir la hiérarchie sociale et l’attitude des politiques.

LA FACE CACHÉE DU PÈRE NOËL – Bande-annonce VOST

Gerreta de Mantegaftot Sileshi Siyoun (Ethiopie, 7′) aurait pu convaincre s’il ne lorgnait pas sur l’esthétique des clips et des films d’action. C’est un film de rage, celle de voir comment on fait porter le fardeau de la responsabilité aux pauvres qui se battent pour survivre. Mais cela se résout dans une poursuite rythmée par la musique et la respiration sur des images sépia, allant même jusqu’à une marche arrière pour varier le scénario.

La recherche d’effets ruine également Coma de Ghada Ali (Egypte, 12′) où un homme et une femme égrènent longuement des souvenirs sur une musique dramatique en attendant le coup de fil de l’hôpital où leur mère est dans le coma.

Aux marges de la politique

Même problème avec Le Chemin de Mike Cofiz (Côte d’Ivoire, 12′) où un homme court interminablement en rase campagne puis dans une ville en chantier jusqu’à se retrouver face à un mur qu’il arrive à gravir. L’allégorie de la recherche de la voie et de l’accomplissement dans une société sans soutien ne suffit pas à donner une réelle consistance à ce film, même si la dominante ocre et l’absence de dialogues lui confèrent une certaine force dans l’expérimentation.

M-001 de Franck Adrien Relongouet Onouviet (Gabon, 16′) multiplie quant à lui les effets démonstratifs dans cette histoire de militant pour la libération de l’Afrique appelé à dénoncer une corruption et que l’on veut faire taire. Il ira jusqu’à donner les noms de grandes figures africaines lorsqu’on lui demande des noms sous la torture. Le film est dédié à la liberté des hommes qui ont lutté mais est si politiquement correct qu’il ne fait pas avancer grand-chose.

Quant à Mbamba de Nsunzu Michee (RDC, 23′), il dénonce l’expulsion de leur habitation de gens sans moyens par des gens de pouvoir qui arrivent même à inverser les décisions de justice. Le film n’est malheureusement pas convaincant non plus dans sa forme, à l’aune d’une programmation qui semble ne pas faire la différence entre les œuvres et les tentatives de cinéma.

Haminiaina Ratovoarivony est connu pour son excellent long métrage Légendes de Madagascar (Malagazy Mankany, cf. article n°11767). Son court Antananarivo Tiako Ianao (15′), met en parallèle la censure à laquelle son film est confronté et la sanglante manifestation du 7 février 2009, en une sorte de docu-fiction pour les deux situations. Il n’hésite en outre pas à incarner un homme ambigu, tiraillé entre son devoir envers sa femme et son fils et ses aventures amoureuses. Les trois niveaux ne trouvent cependant que difficilement leur articulation dans ce film intéressant mais décousu.

Silence d’Amog Lemra (Congo, 15′) met en scène des recruteurs blancs orchestrant des entretiens de candidats pour des pays riches en matières premières (pétrole, or, cobalt, diamant) qui s’avèrent être un jeu de massacre des grandes figures africaines du combat pour la liberté. Le film en noir et blanc et passablement manichéen joue sur le mystère de la situation pour ne révéler que peu à peu la cruauté du dispositif.

Le chef-d’œuvre dans cette approche de la politique reste On est bien comme ça (Khallina Hakka Khir) de Mehdi M. Barsaoui (Tunisie, 19′) dont nous avions déjà souligné la qualité (cf. article n°13967) et qui a reçu le Poulain de bronze. Cette incursion dans l’intime d’une famille sous la coupe d’un vieil homme apparemment atteint d’Alzheimer est une plongée symbolique sur les contradictions du pays après la révolution, ce que le cinéma fait de mieux lorsqu’il arrive à exprimer et faire ressentir la complexité sans devoir la dire.

Incursions dans la question migratoire

La question des migrants n’est l’objet que de deux courts de la compétition, de fort différente façon.

Jusqu’à Tours (Daymane Tours) de Pepiang Toufdy (Tchad, 23′) suit les pas d’Achta, une jeune Soudanaise de 21 ans (qui dans le film parle le français sans accent…), dont les parents ont été victimes de la guerre au Darfour. On la trouve dans le train pour Tours où elle a un contact imprécis et cherche un foyer pour dormir. Une jeune femme l’introduit dans sa famille, ce qui rend le père furieux, bourré de préjugés et occasionne des discussions didactiques. Le grand père en prend le contre-pied, se souvenant de ses années en Afrique… Pesant et lacrymogène, le film ne décline malheureusement que de bons sentiments.

Lodgers d’Ogunlola Keni (Nigeria, 21′), sur un tout autre mode, serait à comparer à The Good Son de Tomisin Adepeju, sélectionné à la Nollywoodweek de Paris. C’est un cinéma burlesque de situation : un couple de Nigérians hautement qualifiés émigre en Angleterre pour s’enrichir. Cela commence par le contrôle de leurs valises à l’aéroport et porte ensuite sur leur recherche d’emploi et les entretiens correspondants. Ils s’insurgent contre les préjugés et le manque de confiance dans leurs capacités. L’homme s’emporte facilement et se voit jeté dehors. C’est un peu redondant et surjoué mais assez drôle, l’humour sur soi étant assez féroce.

LODGERS TEASER from ecinemalive on Vimeo.

Du côté des femmes

Le Poulain d’or, Hyménée de Violaine Maryam Blanche Belet (Maroc, 22′) une coproduction franco-marocaine, est assurément un beau film qui reste en mémoire. Il réussit la gageure de renouveler le sujet de la nuit de noce et de la défloration. La chorégraphie subtile et pleine d’humour du couple réjouit, d’autant plus que le film évite tout dialogue et que le jeu d’agression/retrait ouvre à la sensualité. Le traitement se joue également de la tradition du sang sur le drap, non seulement pour en montrer l’inanité mais pour la détourner à des fins de récit, si bien que le déroulement est parfaitement inattendu. La maîtrise des lumières et des ombres concourt également à la réussite d’un film qui finalement fait du rituel détourné un acte de connivence et d’amour.

Chebet d’Anthony Koros (Kenya, 12′) est également marquant par la beauté de sa prise de vues, son humour et la profondeur dans son évocation. Une femme enceinte est confrontée à un mari alcoolique. Elle le mate mais doit aussi se coltiner le patriarcat tout autour. Le film est fait de petites touches fines qui résonnent entre elles comme un écho. Avec un minimum de dialogues et beaucoup de sensibilité, une belle méditation sur la condition féminine.

Dans Le Voyage de Keltoum, Anis Djaad (Algérie, 23′) développe elle aussi une écriture distanciée, mais plus froide, factuelle, presque sèche, comme pour marquer le poids de l’Histoire. Keltoum est infirmière et a du mal à assumer un fils qui se drogue et un mari infidèle. Chacun a ses raisons… Keltoum, elle, voudrait respecter la dernière volonté de sa sœur qui veut aller sur la tombe de leur mère à Alger. Le film fait référence au vécu douloureux des Harkis.

Dans La Promesse de Fatou Touré (Sénégal, 14′), un film plus parlé qu’évoqué, une femme apprend que son mari vient de prendre une deuxième épouse contrairement à ce qu’il avait promis. D’abord mortifiée, elle reprend le dessus en écoutant les conseils d’une amie et change de look radicalement, comme libérée, prête elle-même à séduire. Dont acte !

Le fantastique et le conte comme recours

La faiblesse des moyens et le déficit de formation font que le recours a des effets spéciaux et des récits fantastiques conduit rarement à des films percutants.

Pacte de Joël M’Maka Tchedre (Togo, 17′) serait un de ceux qui s’en tirent le mieux, grâce à sa mise en place progressive de la tension et sa cohérence globale. Aimée, la petite amie décédée de Préféré (noms prédestinés !), l’obsède jour et nuit en marquant en tous sens sa maison de sa présence, et l’invite à venir la rejoindre, invoquant le pacte de sang qu’ils avaient lié. Tchedre joue sur la surprise et les perspectives pour renforcer le trouble et impliquer le spectateur.

Dans le même registre d’un appel au fantastique sans prise sociale, c’est-à-dire comme exercice de style, Le Pantalon rouge d’Hervé Djossou (Bénin, 10′) met en scène un jeune styliste qui fait des rêves prémonitoires et cherche à sauver d’un accident une femme au pantalon rouge. Il l’aborde maladroitement avec une robe rouge mais le film est trop faible pour convaincre, y compris dans ce qui aurait pu être drôle, jusqu’à sa résolution bien pensante.

La bonne intention et l’édification du spectateur pour l’attendrir sont également au programme de Les Mains d’or de Samba de Hawa Aliou N’Diaye (Mali, 28′) : le film n’est pas dénué d’une certaine douceur de caméra mais trop pauvre en mise en scène, jeu et montage pour marquer. Un enfant confié à une école coranique est battu lorsqu’il ne ramène pas le produit de sa quête. Il est cependant doté du pouvoir de guérir en apposant les mains (on voit un rayon comme effet spécial…) mais absorbe dès lors la maladie qu’il guérit. Hébergé par une jeune femme riche mais malade de drépanocytose, il est sauvé de son maître mais va se sacrifier pour elle avant un apaisant épilogue… Dédié « à tous les enfants », cet éloge de la générosité du plus pauvre peut-il avoir une quelconque incidence sociale ?

Même question pour l’appel à la tolérance qu’est Normalium de Sam Marley (Côte d’Ivoire, 19′), qui se passe dans un monde inversé, où l’homosexualité est la norme et l’hétérosexualité une déviance réprimée. Un couple est ainsi poursuivi et un rituel convoqué pour ramener la femme dans le droit chemin. L’hyperbole est générale : effets sur les images, poursuite en forêt de nuit, pesanteur de la musique, du jeu, de la mise en scène…

S’il n’y a pas un minimum de cinéma, non au sens d’une seule maîtrise technique mais d’une possibilité pour le spectateur d’atteindre une émotion qui ne soit pas sentimentale (car alors elle émeut un moment mais ne mobilise en rien), le film reste lettre morte. C’est le problème de bon nombre de courts de cette compétition, ce qui repose une fois de plus la question des choix opérés alors que d’autres films autrement plus porteurs et maîtrisés existent.

Le recours au conte ne résout pas davantage la donne que le fantastique. Folo, il était une fois… de Loci Hermann Kwene (Burkina Faso) est si faible à tous niveaux que même le grand Hamadoun Kassogué y apparaît comme un mauvais figurant. Nous sommes là dans un monde où les humains ont des totems animaux : si l’on convoite la même femme malgré la clarté de son choix, il faudra tuer le poisson silure gardien de l’âme du rival pour l’empêcher de nuire. Cette histoire de poursuite magique s’étire sur 25 longues minutes.

Yaa d’Esi Yamoah (Ghana, 11′), qui a le mérite de n’avoir aucun dialogue et donc de faire confiance au récit et à l’image, suit deux belles jeunes femmes qui recueillent des feuilles dans une forêt pour préparer une mixture soporifique. L’une est enlevée comme esclave mais l’autre saura la délivrer à l’aide de la mixture, ce qui lui permettra d’intégrer le cercle des femmes mûres. Musique prenante et ralentis accompagnent l’action de ce conte bucolique qui ne conduit pas à grand-chose.

Des films de conscientisation

Que dire des films-constat, faits pour dénoncer une situation avec le doux espoir de changer les choses ? Atteindront-ils les populations auxquelles ils sont destinés ? La Rue n’est pas ma mère de Jérôme Nabonswendé Yaméogo (Burkina Faso, 26′) dénonce la brutalité des imams des écoles coraniques et l’inconscience des parents qui leur confient leurs enfants. Alidou s’en échappe, devient enfant des rues où il sniffe de la dissolution et commet des larcins pour survivre, ce qui lui attire encore plus de coups. L’ONG qui le suit ne peut le sauver à temps…

S’appuyant sur une conviction, untel film alerte est davantage rhétorique que langage artistique. Dénoncer vient du latin denunciare qui signifie « faire savoir » mais s’applique à quelque chose de répréhensible. On dénonce toujours un coupable pour l’accuser. Si bien qu’on débouche souvent sur des récits dramatiques assez caricaturaux mettant en scène une dualité bons-mauvais avec des personnages stéréotypés, au mépris de la complexité de la vie.

L’espoir est de changer les mentalités en faisant jouer la fibre humaine. Lorsque Jean Richard Niyongabo (Burundi) réalise Les Gros cailloux (15′), il veut insister sur les préjugés des pères qui veulent forcer leurs enfants à se concentrer uniquement sur leurs études alors que certains voudraient développer une voie artistique, comme David, 14 ans, avec le dessin. Rien ne pousse sur des cailloux : s’il n’y a pas d’écoute et de cœur, il n’y a pas d’éducation. Certes, mais comment le suggérer sans forcer le trait pour que le spectateur le découvre par lui-même ?

C’est ce à quoi parvient Ashia de Françoise Ellong (Cameroun, 20′) qui semble dire qu’on ne donne pas assez la parole aux enfants quand ils vivent des choses qui les perturbent. Mouna, 10 ans, a perdu sa mère dans un accident de voiture et vit avec son père Richard. Il a beau être psychologue pour enfants, il ne parvient pas à gérer son trouble et l’amène à son collègue et ami Francis. Leur dialogue inclut Ashia, la poupée de Mouna, et révèle une dérangeante vérité que Richard ignore… Ce retournement bien amené qui adopte le point de vue de l’enfant conduit à une féconde réflexion.

Une place pour moi (A Place for myself) de Marie-Clémentine Dusabejambo (Rwanda, 21′) le fait à travers une histoire simple pour s’élever contre la discrimination des albinos. Elikia a 5 ans et voudrait trouver sa place à l’école primaire mais se heurte aux préjugés des parents et des enfants. Sa mère et son enseignante vont se liguer pour changer leur regard. Emouvant et bien mené bien qu’un peu trop polissé dans sa croyance en l’empathie, le film s’est imposé après les tueries d’albinos en Tanzanie.

Et de l’humour pour la fin !

En séance spéciale, la chorégraphe Irène Tassembedo a montré Ça tourne à Ouaga, une comédie de 26′ sur un tournage imaginaire au Burkina alliant pétulance des dialogues, sens des formules, récit burlesque en cascade et clins d’œil en tous genres. Cette parodie déclenche une franche rigolade et aurait pu être en sélection si la réalisatrice n’avait pas été au jury. On l’a compris, cela aurait détendu vu que le niveau général de la programmation des courts métrages était cette année encore d’une grande faiblesse à tous points de vue…

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2 commentaires

  1. Je trouve l’analyse et la critique trop faibles pour ce qui est de la programmation et de la qualité esthétique et thématique des films.
    Dire que la programmation est à un niveau bas signifie quoi ? Le FESPACO est une tribune qui donne à voir l’état du cinéma Africain du moment. C’est donc dire selon l »analyste que le cinéma Africain n’a pas évolué? Je me refuse ce pessimisme à vision basse. En qualité thématique, technique, et esthétique, le cinéma Africain a évolué et fait son petit bout de chemin avec les moyens techniques humains et financiers dont il dispose.

  2. Merci M. Kaboré. C’est vrai qu’il faudrait aller plus à fond dans l’analyse, mais sur 26 films c’est un très gros travail. Les articles globaux de ce type sont notamment à destination des professionnels (festivals, etc.) pour les aider à repérer les films. Mais c’est aussi, comme celui sur les longs métrages, une alerte : il y a un véritable problème de programmation au Fespaco. Je vois beaucoup de films et je peux dire qu’il y a de nombreuses perles oubliées ou mises de côté ou tout simplement que l’on est pas allé chercher. Si le Fespaco veut être une vitrine des cinémas d’Afrique, il faut qu’il fasse ce travail de recherche de l’excellence, sinon il sera la vitrine de la médiocrité. Les cinémas d’Afrique ne sont pas en cause, c’est le Fespaco ! Nous aimons trop ce festival pour ne pas le dire bien haut pour que la barre soit remise dans la bonne direction, celle d’une véritable promotion des richesses de ces cinématographies.

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