Durant l’été 2002, cinq écrivains nés en Algérie ont tenu un » journal intime » témoignant d’une histoire collective et personnelle. Maïssa Bey, Mohamed Kacimi, Nourredine Saadi, Boualem Sansal et Leïla Sebbar offrent leur regard d’écrivain sur le monde. A l’initiative de la revue Littera 05, ce projet d’écriture poussait à une réflexion ouverte sur le fonctionnement du journal intime, sur les possibilités de dire le politique en même temps que de se dire, et enfin sur l’Algérie quarante années après l’indépendance. Les textes viennent de paraître aux Editions de l’aube dans un recueil intitulé » Journal intime et politique, Algérie 40 ans après « .
Les cinq écrivains, dans la pluie française ou la chaleur algérienne, prennent leur plume d’août à octobre. Il est intéressant de remarquer que chaque récit, dans son originalité, vient enrichir les autres par un système d’échos. D’abord, chacun entretient un rapport particulier avec les modes d’information qu’il s’agisse de presse écrite ou de la radio. Le thème du journal ou du flash d’information radiophonique leur permet de rapprocher leur vie personnelle aux événements du monde. Ensuite, durant cette période de vacances, certains sont amenés à quitter leur domicile et à utiliser différents moyens de transports : le train, le bateau, la voiture. L’évocation de leurs déplacements les lie en même temps qu’elle les sépare : Boualem Sansal, vivant dans la région d’Alger, évoque le danger de la circulation automobile dans son pays tandis que Nourredine Saadi, exilé en France, vante les avantages de la rêverie dans les trains français.
Mohamed Kacimi, Nourredine Saadi, et Leïla Sebbar habitent en France et gardent un contact immédiat avec l’Algérie par la presse, ils côtoient l’actualité par procuration. A l’inverse, Maïssa Bey et Boualem Sansal vivent en direct cette actualité. L’approche du journal apparaît donc différemment pour les uns et les autres. Effectivement, les trois écrivains exilés voyagent dans leurs souvenirs et dans une nostalgie propre au temps estival tandis que le journal devient une chronique du temps présent – où l’intime est inévitablement lié plus fortement au politique – pour les deux autres. Les récits se complètent puisque sont mis en signes des fragments de vie d’intellectuels algériens d’un côté et de l’autre de la Méditerranée. Chaque écrivain entretient un rapport singulier par les souvenirs ou par le présent, en France ou en Algérie, avec ce pays qu’ils ont en commun. Un recueil symboliquement publié lors de l’année de l’Algérie en France où la problématique de » l’Algérie, 40 ans après » se dévoile dans une mosaïque de récits personnels.
Journal intime et politique, Algérie, 40 ans après, Maïssa Bey, Mohamed Kacimi, Nourredine Saadi, Boualem Sansal, Leïla Sebbar, Editions de l’Aube et Littera 05, 2003, 237 p., isbn 2-87678-837-3, 16 euros (104, 95 F).///Article N° : 2881