L’artiste par lui-même

Koko Komégné, 51 ans, peintre et sculpteur, Cameroun : Comar, jeune peintre togolais :

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« Toute société qui ne le croit pas et n’accorde pas de rôle à l’artiste est sclérosée. Il est dommage que quarante années après les Indépendances, les artistes en soient encore réduits à la survie et n’aient ni statut social, ni considération, ni même un ministère digne de ce nom. C’est pourquoi nos génies sont condamnés à mourir en exil. Faut-il toujours, pour bâtir une route, se servir du cadavre de ses concitoyens ? Comment expliquer que, dans une société qui se dit responsable, la cleptomanie, l’impunité, la dépravation des mœurs, la haine tribale, la dépersonnalisation de l’être et le reniement de certaines valeurs soient érigées en règle ?
Etre artiste chez nous c’est accepter de mourir, c’est la descente en enfer, c’est la vie et demi. L’artiste n’est pas un veilleur de nuit, ni un objecteur des consciences, c’est quelqu’un qui doit toujours tirer la sonnette d’alarme. Son art doit interroger, susciter, remettre en question et pour jouer pleinement ce rôle, il doit être un homme libre, pas prisonnier d’un système politique, d’un lobby, d’un clan ou d’une obédience quelconque. Tel un sphinx, l’artiste doit être au-dessus des contingences, planer au-dessus de la société tout en ayant un ancrage avec le sol. En résumé, je dirais qu’être artiste c’est choisir soi-même sa liberté. Pour ce qui me concerne, il serait étonnant qu’après m’être libéré du joug de la femme, je devienne l’esclave d’un homme. »


« Au début, je donnais l’impression à tout le monde que je ne voulais rien faire, même à mes copains. Je faisais du n’importe quoi. Même maintenant, ça ne veut pas dire grand chose pour eux, mais ils m’acceptent comme ça parce que j’ai commencé un peu à en vivre. Ma mère a la même réaction, parce qu’elle voit que son fils a une voiture, qu’il a une maison et qu’il lui donne du fric de temps en temps. Elle ne se pose pas d’autre question. Dans les moments pécuniairement difficiles, on peut me conseiller de changer de boulot, d’aller compter des sacs de cacao au port, mais tant que ça va de ce coté, il n’y a pas de problème.
Dans la vie de tous les jours, inconsciemment ou peut-être consciemment, je n’arrivais pas à me présenter comme peintre ou artiste. Parce qu’on m’a appris que ce n’était pas un boulot. Maintenant, quand on me demande ma profession, j’ai un choc et puis après j’assume ça et je dis que je suis artiste, je suis peintre. »

///Article N° : 2230

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