Le Baiser des louves

De la Cie Yun Chane (Réunion)

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Cette sixième création de la compagnie est une oeuvre magistrale où l’on retrouve tout le vocabulaire chorégraphique de Yun Chane. On se rappelle ce voyage aérien et cosmogonique où nous entraînaient En chevauchant les nuages, la précédente création présentée en 2000 en Avignon (Africultures n°30). Yun Chane a aujourd’hui la parfaite maîtrise de ce langage exigeant qu’elle a inventé et qui puise au sources des influences culturelles multiples qui traversent l’histoire de son île et son histoire intime aussi. Yun Chane travaille sur l’onde, l’élasticité du mouvement, mais elle explore aussi la rencontre du geste et de la matière, comme le geste et son prolongement acoustique et ondulatoire. Dans l’esthétique de Yun Chane la danse ne conquiert pas l’espace, elle ne l’occupe pas non plus, elle prend appui sur lui, comme sur la musique ou la lumière et le geste se nourrit de l’énergie que l’espace lui renvoie.
Ce sont d’abord trois ballerines comme échappées de leur boîte à musique qui traversent le plateau, trois danseuses les genoux bandés et le corps couvert de gaze blanche comme des poupées de chiffons et de porcelaine qui auraient perdu leurs atours, des poupées désarticulées qui cherchent à se reconstruire qui s’observent aussi et cherchent une image d’elles-mêmes. On est saisi par l’harmonie acoustique et la rencontre de la musique avec le geste, par cet univers en blanc aussi qui peut avoir par moment les connotations d’un monde cotonneux et larvaire, un monde arachnéen où se tissent les relations. Du déploiement articulaire au corps fuseau dans sa gaine de gaze, les trois danseuses finissent par rencontrer trois punching-ball de couleur vive, bleu, rouge et vert descendus des cintres et suspendus au dessus du plateau comme des mobiles de Kalder, taches de couleur dans cet univers de coton, ailes du papillon qu’elles ne parviennent pas à devenir, atours de la poupée qui a perdu ses armatures et son gonflant, impossible d’attacher à leur taille cette crinoline qui est suspendue au sac de couleur. Entre poupées qui cherchent à reconstruire une figure et harnachement des lutteurs de kendo dont elles manipulent les bâtons, Le Baiser des louves fonctionne sur le principe de l’oxymore, sur la rencontre paradoxale, douceur cruelle, blancheur obscure, raideur élastique, dureté moelleuse… un spectacle où l’on va de surprise en surprise et qui ne peut que réveiller nos sens comme une aiguille dans un oreiller de plumes.

chorégraphie : Yun Chane
Musiques originales : Mansuy, Rémy Decrouy, Mathieu Cornu
Lumières : Pascale Bongiovanni
Scénographie et costumes : Florence Drachsler
avec Catherine Veissiaire, Aurélie Manonviller et Yun Chane.///Article N° : 2397

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