Le cœur des enfants léopards

De Wilfried N'Sondé

Le souffle du léopard
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On ne connaît pas son nom, juste les questions qui le hante : t’es qui toi ? tu viens d’où ? On ne sait pas pourquoi il est là, dans cette cellule qui pue le vomi et l’urine. Pour comprendre, il faut écouter le « je », le « jeune issu de » en garde à vue, attraper avec lui le fil de la mémoire, tirer jusqu’à la dérouler entièrement, démêler les nœuds et accepter de se perdre dans le dédale de ce long monologue : rêves d’évasion, amitiés d’enfance, premier amour et première déception. Et puis, on le devine plus qu’on ne le lit, l’irréparable. Pour comprendre, il faut écouter ces voix venues de loin qui prêchent encore pour la dignité et l’honneur, n’oublie pas mon fils, n’oublie pas l’histoire, d’où tu viens. Des mots qui sonnent creux, rien qu’un beau discours, nous dit-on. Car l’héritage d’un peuple noir uni et d’une Afrique sublimée s’est émietté quelque part entre les bancs d’école et le regard suspicieux de la boulangère, il est tombé en poussière à l’ombre des tours de la cité. Il ne reste plus que les questions qui poussent votre meilleur ami à la folie et vous suivent même en garde à vue. T’es qui toi ? Tu viens d’où ? Réflexion sur l’identité et les origines, le premier roman de Wilfried N’Sondé résonne comme un poème slamé dont l’écho hante le lecteur longtemps. Un petit livre coup de poing, ou coup de pied dans la fourmilière, c’est selon. A lire absolument !

Le cœur des enfants léopards, de Wilfried N’Sondé. 2007. Actes Sud. 138 pages. 15 euros.
Extraits :
« Tes questions, j’en veux plus, fini, elles n’arriveront plus jamais jusqu’à moi, tu peux toujours les envoyer, elles glisseront, un ricochet sur mon cerveau. Regarde, elles s’écrasent lamentablement sur le sol, aussi banales qu’un crachat, laid, insignifiant. Ça sèche et ça disparaît, il suffit d’un peu de temps. Tes questions, je les propulse dorénavant loin de moi, je t’envoie ça balader très bas, là où elles ne me trouveront plus. Si jamais elles ont le malheur de revenir quand même m’ennuyer, l’ombre d’une fraction de seconde, comme du pollen dans les narines, au printemps, alors je t’éternuerai tout ça dehors, sans effort ! » (p. 132)
« Drissa lutte pour se tenir simplement debout, tout désarticulé, il commence à réfléchir à côté de son cerveau. Tous ces points d’interrogation montent en lui comme un shoot fulgurant, de bas en haut, d’hier jusqu’à demain. Aujourd’hui est délaissé, laissé en suspens, un brasier. Sa tête et sa vie sont trop lourdes pour son cou. T’es pas un vrai, juste une petite ombre, une rubrique qui dérange les statistiques, pour peupler clandestinement le métro. On s’excuse vous n’étiez pas prévu dans le casting. » (p.49)///Article N° : 7081

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