Le quatrième roman de Wilfried N’Sondé raconte la jeunesse et ses
désillusions à l’heure de la chute du mur de Berlin au début des années 1990. Plongée au cur d’une Europe réconciliée et de ses défis avec Berlinoise.
B e r l i n, 1989. Le « mur de la honte » vient de tomber. La frontière militarisée depuis 28 ans, séparant l’Allemagne libérale de l’Allemagne communiste, s’effondre dans la liesse générale, mettant fin à la Guerre froide. Sur ce mur en morceaux, semble de nouveau se dessiner le chemin vers un monde pacifié. C’est toute l’Europe qui renaît, toute une jeunesse qui espère et se promet un bel avenir de solidarité. L’Europe, tout un symbole, s’incarne berlinoise. « Qu’adviennent des temps nouveaux ici, ailleurs, partout, et surtout que l’on s’aime« .
Berlin ressuscité
Maya et Stan, héros du nouveau roman Berlinoise de Wilfried N’Sondé se rencontrent au pied de ce mur en décomposition, marteau à la main, euphorie au cur. Ils s’aiment avec toute la spontanéité, la folie, l’espoir et les promesses permis par cette nuit où une Europe sans frontières se fait jour. « Berlin l’exubérante ressuscitait » et toute une jeunesse européenne avec elle, se libérant des carcans individuels : Maya, issue de la partie communiste de l’Allemagne, vivant sous angoisse permanente auprès de son père, combattant cubain, victime du racisme dans cette Europe fascisante ; Stan, installé en banlieue parisienne « par conformisme et convention » ; Pascal, à l’étroit dans son costard de banquier ; Clémentine, emprisonnée par son éducation catho. Tous se retrouvent au pied du mur, qu’ils détruisent et enjambent pour bâtir une vie d’adulte à la saveur des concerts, de
l’art comme expression, des engagements antifascistes, de la vie en communauté. C’est l’Allemagne de Goethe et de Shiller qui revit. Elle y croit Maya, la Berlinoise de Wilfried N’Sondé ; l’artiste tourmentée par une identité métisse qui dérange toujours dans cette Europe nouvellement réconciliée. En effet Berlin, dès 1990, est le théâtre d’une Europe qui se morcelle à nouveau sous les coups mortels d’extrémistes racistes et xénophobes. « Jamais je n’aurais pu imaginer que la flamme du renouveau née à Berlin, ville en ébullition, vacillerait sous les assauts de la haine de l’autre devenue violence et rejet […] jusqu’à l’assassinat sauvage de Agostinho Comboio par des skinheads enragés« . Comment entretenir la flamme des rêves et espérances assouvis à la chute du mur? Comment reprendre le combat que l’on croyait gagné face à l’obscurantisme, le rejet de l’autre et l’intolérance ? Comment faire vivre toujours l’amour et sa déraison face à la réalité froide et violente ? Berlinoise explore ces questionnements existentiels à travers des personnages qui cherchent chacun une voix dans un monde chamboulé et tentent de faire face à leurs désillusions. Rappelant alors que les certitudes sont vaines et les combats permanents pour faire triompher l’amour, la solidarité et le vivre-ensemble.
Amour et art pour armes
Wilfried N’Sondé, avec ce quatrième roman, plante le décor de Berlin qu’il a lui même rejoint après la chute du mur, croyant en cette « illusion d’un rendez vous du monde entier sur la scène de l’Histoire« . Né au Congo, ayant grandi en France, ce musicien, chanteur et écrivain a vécu ces espoirs déçus d’un monde contemporain en lutte face aux relents xénophobes. Dans ce roman poétique, il invite à combattre pour l’amour et l’art, force et puissance créatrices en tout temps et en tous lieux. En commençant par les mots d’Aragon « je vous souhaite d’être un jour follement aimé« , il termine par une certitude : « nous enjamberons les périls, les obstacles, nos folies et nos délices reprendront de plus belle pour ne plus s’arrêter« . Un chant d’espoir !
Berlinoise de Wilfried N’Sondé. Actes Sud. Janvier 2015.
Coup de Cur : Toute d’étincelles vêtue de Tanella Boni
« Sa vie fleurit aux frontières de nulle part / Toute d’étincelles vêtue / Nomade est le métier qui lui colle à la peau« . Auteure d’une trentaine d’ouvrages, parmi lesquels des recueils de poésie, des romans, des livres jeunesse, Tanella Boni publie chez Vents d’Ailleurs Toute d’étincelles vêtue. Au coeur de l’humain, de ses ego, ses jeux de pouvoir, ses violences. Avec aussi l’amour et la Beauté aux mots.
Editions Vents D’ailleurs, Nov. 2014.
<small »>Article paru sur le magazine Afriscope 39 – janvier- février///Article N° : 12681