Le réseau Zone Franche, un être vivant

Entretien de Samy Nja Kwa avec Philippe Gouttes

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Créé il y a une dizaine d’années, le réseau Zone Franche permet aux acteurs des musiques du monde de s’organiser et d’améliorer la qualité des spectacles. Comment est-il né ? Son évolution ? Le poids des musiques du monde ? Réponses de Philippe Gouttes, directeur du réseau.

Sous quelle forme juridique fonctionne le réseau Zone Franche ?
C’est une association française qui compte aujourd’hui à peu près 180 membres, dont une centaine en Europe et en Amérique du Nord, au Canada, et une quarantaine en Afrique. Nous commençons à avoir des implantations en Amérique latine, notamment des membres au Brésil. Il s’agit de tourneurs d’artistes, de festivals, de salles de spectacle, de labels de disques ainsi que de médias et autres intermédiaires.
Quel est l’objet du réseau ?
Son objet est surtout de créer des connexions. C’est déjà très important. Nombreux sont nos membres qui relèvent que le cercle de leurs rapports s’est élargi grâce au réseau. Chacun est libre d’en user pour ses propres fins, mais la règle principale demeure l’échange : on vient y chercher des choses mais on lui en apporte aussi. Ces rapports favorisent parfois le développement de projets parallèles. Au sein du réseau, le rapport entre les programmateurs de festivals et les promoteurs ou managers d’artistes par exemple se structurent et se fidélisent. On peut ainsi s’apercevoir qu’au fil des années, certains artistes ont accumulé au sein du réseau des relations un peu plus proches que si les rapports s’établissaient dans les règles du marché. Autour de ce rôle majeur se rajoute une série d’actions, comme les rencontres. Nous n’intervenons jamais dans un projet initié par nos membres, mais nous leur apportons, soit à leur demande soit en leur suggérant, ce qu’il ne peuvent pas complètement faire : nous pouvons intervenir aussi bien sur la promotion de leur projet, la communication, que sur la circulation des artistes entre le Sud et le Nord, en intervenant auprès des pouvoirs publics.
Y a-t-il des cas concrets sur lesquels vous êtes intervenus ?
Un exemple concret : un directeur de festival fait venir des artistes, et pour éviter d’avoir à affronter les difficultés en matière de législation, il les fait venir en contrat de touriste. Ce n’est pas en évitant les écueils qu’on affronte la réalité. C’est un cas assez typique. Depuis un certain nombre d’années, nous avons établi une charte qui n’est pas un document officiel, que nos membres ont volontairement signée. Bien évidemment cette charte est amenée à évoluer et à s’adapter aux différentes situations.
D’un autre côté nous intervenons aussi sur le fonctionnement de certains prestataires avec nos membres, les compagnies d’assurances par exemple, pour les risques de pluie, ou d’accident de technicien, de maladie d’un artiste du Sud…
Comment a évolué le réseau ?
Le réseau Zone Franche existe depuis 1990. Nous avons dans les premières années, fait un travail de prospection dans plus de 40 pays essentiellement francophones afin de repérer quels étaient les principaux acteurs des musiques du monde. Ce qui nous a amené à éditer un guide, Sans Visa, en 1991 que nous avons réédité en 1995. Ensuite, nos contacts nous ont amené à travailler au-delà de la francophonie, en Europe, notamment. Aujourd’hui, nous nous sommes ouverts au monde arabe (le Maghreb et le Moyen-Orient). L’expérience acquise depuis notre existence fait que nous savons où nous placer, nous avons des perspectives et des horizons.
Et comment se traduisent-ils ?
Il nous faut renforcer l’aspect communication, ce que nous faisons avec internet. Nous sommes reconnus par les pouvoirs publics, nous sommes de plus en plus intégrés aux activités de nos membres et il nous faut améliorer et adapter les services qui leur sont rendus.
Comment est organisé le réseau ?
Le bureau de Paris coordonne l’ensemble. C’est le lieu où l’information est déposée, structurée pour repartir vers nos membres. C’est un relais. Nous n’avons aucune volonté de définir une ligne de conduite pour notre membre qui est à Kinshasa. C’est à lui de développer son artiste dans les conditions locales. Il va d’une part nous informer (à nous de faire rebondir l’information vers les autres membres), puis il va entrer en relation directement avec un directeur de festival, qui peut se trouver à Montréal. Le réseau est un être vivant et ses membres sont comme ses cellules, elles inter-réagissent. Des projets peuvent se mettre en place sans que nous ne soyons au courant.
Vous avez produit une étude permettant de quantifier les musiques du monde, quel en est le but ?
Elle a été faite sur neuf mois, l’objectif étant d’apporter la preuve du développement des musiques du monde depuis une dizaine d’années, de montrer aux pouvoirs publics et à la presse que ces musiques ont une signification économique. Le concept de musiques du monde est évolutif et mouvant. Sur le disque, il est relativement aisé ; en revanche, sur le spectacle vivant, il n’y a aucune donnée statistique de base. Par conséquent, nous avons été obligés de mener une enquête qui nous a permis de produire cet outil d’analyse se rapprochant de la réalité. Les musique du monde se positionnent différemment selon que l’on parle de petites salles (de 50 à 200 places), de salles moyennes, ou de salles de grande capacité. Lorsqu’on s’attarde sur l’ensemble des festivals, les musiques du monde représentent 70 %. C’est un peu moins dans les petites salles (30 à 40%) et 20% dans les salles moyennes.

///Article N° : 2625

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