Présenté dans le cadre de la Semaine de la critique du festival de Locarno après avoir été montré à celui de Lindz, Libya Hurra offre un regard subjectif et passionnant sur les semaines qui ont précédé la chute de Khadafi.
Début août 2011 : l’Autrichien Fritz Ofner, qui a étudié le journalisme et l’ethnologie, et réalise des documentaires, décide avec deux amis qu’il retrouve au festival de Locarno de se rendre en Libye dont ils suivent les échos dans les médias. Fin août 2011 : trois semaines avant la chute du régime Khadafi, les voilà sur place, sans aucun repérage, sans aucune préparation, caméra au poing. Pas question dans un tel contexte de faire de grands discours, ni même une enquête : rien n’est vérifiable. Ce film n’explique pas une guerre, ne donne aucun commentaire, ne précise même aucun contexte : c’est un journal de voyage d’Est en Ouest à travers un pays en guerre. Il évite soigneusement les images de combats car le regard d’Ofner se veut ethnologique : il cherche à comprendre ce qui se passe, c’est-à-dire comment les gens s’auto-organisent pour fixer les armes sur les pick-up, pour enterrer leurs morts, pour marquer leur détermination ou bien fêter leur victoire. « Cette guerre nous a appris la compassion et l’intimité », dit un combattant qui explique comment les gens partageaient leurs pains. C’est l’ambiance d’une société en état d’insurrection qu’Ofner essaye de capter à travers des plans séquences où les gens à qui il donne la parole ont le temps d’exprimer leur vérité. Ce sont surtout des hommes, les femmes s’exprimant peu devant une caméra, mais cette caméra n’est pas intrusive, elle est à l’écoute.
C’est ce qui fait la qualité de ce documentaire sans prétention qui nous en apprend sans doute davantage que bien des reportages. Car il se concentre sur la parole, celle des combattants des deux bords, celle de gens simples plongés dans un conflit qui les dépasse et les mobilise à la fois. Et il laisse donc cette parole à ses interlocuteurs. Entièrement autofinancé, ce film part du désir d’être présent là où l’Histoire se fait. En mettant ainsi sa subjectivité au service des gens qu’il filme et non aux ordres d’un discours idéologique ou d’une analyse formatée, Ofner nous permet de sentir de façon très humaine un peu de ce qui a mobilisé ce pays pour se débarrasser de son dictateur.
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