Ils sont sept, pleins d’énergie et bourrés de talent, et s’affirment, ces deux dernières années, comme une nouvelle génération d’acteurs sénégalais formés à l’Ecole Nationale des Arts de Dakar. Ils ont déjà plusieurs spectacles à leur actif notamment Sketches de Karl Valentin créé en 1997 et Molière notre contemporain en 1998. Mais avec Moments privés et visions de l’avenue Ponty qu’ils ont créé à Dakar et joué au Théâtre National Daniel Sorano, les voilà à la conquête des capitales culturelles africaines : ils ont joué à Ouagadougou pour la 6e édition du Festival de Théâtre pour le Développement, à Grand-Bassam au Festival des Arts de la Rue (cf. Africultures n°11, pp.91-96), à Bamako pour le Festival des Réalités (cf. Africultures n°15, p.90) et aujourd’hui à Abidjan pour la 4e édition du MASA. » Les 7 Koûss » sont bien résolus à secouer le théâtre africain.
Leur travail est peu ordinaire. Ils apportent l’urgence d’un théâtre d’aujourd’hui qui concerne les Africains et n’a que faire des complaisances exotiques qui flattent le regard occidental. Leur théâtre se nourrit du quotidien et de l’Afrique contemporaine. Ils croquent des tranches de vie, de ces moments privés que l’on occulte souvent parce qu’il y a des tabous familiaux, culturels ou sociaux.
La première partie du spectacle brasse les illusions, les désenchantements d’une jeunesse qui n’est pas si éloignée des jeunesses occidentales et qui partage avec elles les mêmes aspirations. On retrouve l’élève qui se fait jeter de la classe pour avoir contredit son maître d’école en formulant l’hypothèse que Samory n’était peut être pas aussi sanguinaire que le dit l’histoire coloniale, la jeune nièce exploitée et martyrisée par la famille qui l’héberge à la Ville, le jeune gréviste fils à papa qui se retrouve au poste de police et perd comme par enchantement toutes ses velléités contestataires….
Dans la deuxième partie, on quitte l’espace privé pour l’espace public, celui de la rue avec ses faux mendiants, ses arnaqueurs, ses marchands-ambulants, ses camelots, ses bonimenteurs, ses matuvus, ses pimbèches et ses touristes… Un spectacle qui donne à voir avec un regard incisif, acerbe même parfois, l’Afrique moderne et ses contradictions, et qui tourne délibérément le dos à un théâtre nostalgique par trop attaché aux valeurs de l’Afrique traditionnelle.
Pour s’exprimer, » Les 7 Koûss » ont choisi le langage théâtral le plus basique et le plus sobre, celui qui s’appuie avant tout sur le corps et la voix de l’acteur. Aucun décor, aucun accessoire, aucun artifice musical, ni danse, ni chant : ils incarnent à eux seuls toutes les situations et font partager au public des moments intenses jouant sur la connivence et la complicité pour faire jaillir la dérision et le rire. Et ce n’est pas un spectacle sans cruauté, dénonçant l’archaïsme de la condition des femmes et des enfants, et montrant aussi du doigt les ridicules de la société dakaroise et tous les petits trafics lamentables de la rue.
Il faut du courage et du culot… et ces jeunes gens en ont à revendre, car ils ont avant tout la détermination du lutteur et la magie du jeu, celles des Koûss Kondrong de la tradition sénégalaise, prestidigiteurs-bagarreurs de génie, rien dans les mains, rien dans les poches !
avec Abdoulaye Diakhaté, Abdel Kader Diarra, Moustapha Diop, Diarétou Keita, Joséphine Mboup, Ngagne Sarr, Momar Diarra thioune.///Article N° : 807