Moroni Blues

De retour de tournée

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Mis en scène par Robin Frédéric, d’après un texte de Soeuf Elbadawi, « Moroni Blues/ Une rêverie à quatre » a tourné dans l’Océan Indien en février, 2009. Retour sur cette tournée commentée par les médias locaux.

Peu épargnée par des aléas extérieurs à son organisation, la tournée de Moroni Blues dans l’Océan Indien n’aura pas toujours été simple à boucler pour ses trois coproducteurs, BillKiss* à Paris, Washko Ink. à Moroni et le Théâtre Les Bambous de Saint-Benoît à la Réunion. La date de Madagascar a ainsi été annulée, à cause de la crise politique qui a éclaté au début de l’année 2009. Les deux dates prévues à Mayotte ont subi le même sort, les élus de l’île n’auraient, semble-t-il, pas apprécié les propos de l’auteur de la pièce, mettant en cause la présence française sur « leur rocher », propos diffusés sur France Ô dans l’émission « 10′ pour le dire » fin 2008. D’autres dates se seront rajoutées au programme dont celle des Bambous le 16 février 09. Au final, le spectacle aura tourné avec succès, sur une dizaine de dates, dont celle de Moroni, où il s’est joué pour la première fois le 7 février. Moroni, la ville qui en a inspiré l’histoire initiale, et où un premier rendez-vous en février 2008 avait été déprogrammé à la dernière minute. Revue de presse express sur un projet qui a séduit plus d’un public, aux Comores à la Réunion et après Maurice.
Une nouvelle fratrie à inventer
« Une ode dédiée à l’humaine condition » écrit l’hebdo Albalad du 9 février. Un spectacle qui « prend racine sur Moroni mais raconte une cité quelconque du monde en proie à tous les délires des replis communautaristes, qui font le lit de l’intolérance et de la xénophobie » selon Sast. Le même y voit un « clin d’œil à l’histoire mouvementée » de l’archipel comorien », en rappelant au lecteur que « Moroni Blues » est le « prolongement » d’un livre de Soeuf Elbadawi, paru en 2007, « sur la schizophrénie de certains, tiraillés qu’ils sont entre la mondialisation et le repli pseudo-identitaire fantasmé ». Il ajoute : « Moroni Blues/ Une rêverie à quatre entend bouger les lignes, et briser les murs imaginaires qui enferment les hommes entre eux ».
Dans cette pièce, écrit Hassani Madjuwani, du quotidien comorien Al-watwan, le 10 février 09, « le jeune auteur comorien s’attaque, aussi durement et crûment qu’il peut, au communautarisme à la sauce comorienne, et peut-être même à la sauce d’ailleurs, en prenant exemple sur sa ville natale, Moroni. Dans un pays, et, plus encore, dans un monde aussi fermé, où la peur et la méfiance ont tendance à devenir le premier réflexe, Soeuf Elbadawi a su frapper là où ça fait le plus mal. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, sous tous les cieux, et sous toutes les latitudes, « méfiance » et « peur » mettent la planète à feu et à sang. « Qu’on l’écrive blanc sur noir ou bien noir sur blanc, on voit surtout du rouge » disait le chanteur français Claude Nougaro ». Madjuwani insiste : « Dans ce texte par ailleurs admirablement écrit, dans cette chorégraphie exécutée comme par un Dieu, on cherche vainement le moindre espoir, la moindre faille, la moindre ouverture dans les innombrables portes fermées de ce monde (…) A moins que l’auteur n’espère trouver la nécessaire thérapie collective dans la répétition et la représentation sans concession ni artifice de la dure réalité. Pourquoi pas… ».
Dans La Gazette du 06 février 09, autre quotidien comorien, on pouvait lire, sous la plume de Haled A. Boina, cette critique du spectacle : « Après la sortie en 2007 de son livre « Moroni Blues », qui a fait couler beaucoup d’encre et suscité l’incompréhension au sein de l’intelligentsia de la place, et même parfois une critique sévère contre l’auteur et ceux qui ont cherché à le défendre, à le soutenir, dans cette volonté de forcer les siens au débat contre les replis communautaires de toutes sortes, et surtout contre un principe de reproduction bête du « Même » dans un monde fait de « Divers », l’auteur récidive, en revenant avec une version théâtrale sur les planches de l’Alliance franco-comorienne, avec la complicité de quatre personnages, qui chercheront ensemble à donner un sens à l’espérance, dans cet univers qui les unit pour le meilleur comme pour le pire ». Une création qui dit que Moroni n’est qu’un prétexte « pour parler du rejet de l’autre ». Cette rêverie à quatre met donc en scène ces « quatre personnes à la marge d’une cité rongée par le passé et qui en oublie de miser sur l’utopie d’une nouvelle fratrie à inventer ».
Sur l’île d’à côté
A la Réunion, où le spectacle a été créé en 2008 au Théâtre des Bambous, et où il a été repris un an après sur différentes scènes, avec le soutien du Fonds de coopération régionale et de la Spedidam, un même écho se lisait dans la presse. En résumé dans L’Azenda local, il y avait ce rappel essentiel : « Moroni Blues/ Une rêverie à quatre » interroge la relation à l’Autre : « Toute cité, comme toute société, et comme toute culture, qui n’intègre pas des apports nouveaux, des visages d’ailleurs, des visions du monde différentes, finit par s’anéantir d’elle-même. Je dis toujours que le « repli » a une odeur, celle de la mort, et que s’il s’érige en principe de vie dans certaines de nos sociétés, c’est parce que la fabrique du semblable rassure le grand nombre chaque jour un peu plus » souligne l’auteur. Dans une mise en scène de Robin Frédéric, Soeuf Elbadawi est accompagné sur le plateau de trois musiciens émérites : Mikidache (guitare et direction musicale), M’toro Chamou (guitare et chant) et Fabrice Thompson (percussion et homme-orchestre). Le dispositif musical renvoie à un souvenir d’enfance de Soeuf Elbadawi : le souvenir d’une case en paille à Moroni où certains soirs domestiques et petits artisans, des déracinés et des exclus du système, se réunissaient pour jouer une musique ternaire et hautement festive. Moroni Blues fait revivre l’état d’esprit de ces soirées de case en paille, par une orchestration en live ainsi que par la projection d’images du Moroni actuel et la diffusion de sons issus de la ville ».
Dans FEMMEMAG, le 29 janvier, on expliquait que « loin de n’être réservé qu’aux initiés de l’histoire des Comores, le thème de la pièce -le repli communautaire- est servi avec beaucoup d’humour et d’intelligence. Il renvoie, avec poésie et sobriété, à ce que nous sommes tous, des hommes et des femmes, qui, malgré les différences, peuvent construire un mieux-vivre ensemble ». Dans Le journal de l’île du 27 janvier, l’auteur disait que vouloir « réduire ce projet au seul lieu évoqué (Mororni) serait trahir effectivement l’intention de départ ». Dans le quotidien du 17 février dernier, il y avait cet article signé P.H disant que « Soeuf Elbadawi et ses trois compères, les musiciens Mikidache, M’toro Chamou et Fabrice Thompson nous invitent au voyage. Un aller-retour Réunion-Moroni, rythmé de musique et de chants, mais surtout par un texte emprunt de nostalgie du pays, le « blues de Moroni », qui débouche vite sur une discussion autour des racines et du déracinement, de l’identité de l’étranger, de sa place dans la société comorienne et dans la société tout court. Sous la lune rien de nouveau ». Le journaliste établit une passerelle : « L’identité, c’est aussi celle des Comores, l’archipel des Sultans batailleurs, les îles de la Lune, aujourd’hui amputées d’un membre par les effets de la colonisation ». Avant de conclure sur ces mots : « Emprunt de nostalgie, mais jamais ennuyeux, « Moroni Blues » a le rythme et la pêche d’un M’godro philosophique, et quand les lumières se rallument, on a voyagé intelligemment. Sans quitter son siège ». Y aurait-il meilleur compliment pour un spectacle ?

Moroni Blues/ Chap. II, ed. bilk & soul, Moroni, 2007

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vidéo 2///Article N° : 8596

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Les images de l'article
Moroni Blues (sur le plateau du Théâtre Les Bambous, à la Réunion) © Jean-Claude François
Moroni Blues (sur le plateau du Théâtre Les Bambous, à la Réunion) © Jean-Claude François
Moroni Blues (sur le plateau du Théâtre Les Bambous, à la Réunion) © Jean-Remy Moulouma
Moroni Blues (sur le plateau du Théâtre Les Bambous, à la Réunion) © Jean-Remy Moulouma
Moroni Blues (sur le plateau du Théâtre Les Bambous, à la Réunion) © Jean-Remy Moulouma
Moroni Blues (sur le plateau du Théâtre Les Bambous, à la Réunion) © Jean-Remi Moulouma





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