Printemps des poètes 9 – Aurore Boréale (Congo)

Peu importe le reste

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Africultures célèbre la poésie en invitant des poètes-slameurs, de Dakar à Brazzaville, en passant par Paris, ou encore Lomé, à partager et déclamer un texte original. Un rendez-vous hebdomadaire à ne pas manquer. Cette semaine, Cette semaine, Aurore Boréale, installée entre Brazzaville et Pointe-Noire (Congo) membre du Collectif de slam poésie Styl’Oblique et du groupe Lek6honor.

Dehors, le soleil s’évanouissait, telle une âme au bord du trépas
Emportant avec lui nos espoirs très bas
Tandis que la misère sans cesse, dansait d’allégresse
Sur la terre misérable, soumettant jour après jour des peuples sans défenses
Sous son joug misérable, faisant chaque jour une offense
Supplémentaire à l’humanité, et que des philosophes rêveurs
Se demandaient si vivre en paix est l’apanage des humains
Ou le propre de ces dieux ineffables ?
Dehors trop de loups, pas un n’épargne l’autre
On danse au son de la violence
Le manque d’avenir pèse sur les consciences
Seuls règnent les silences pleins de vengeances
Et des bouffons qui continuent à croire que la bonté est encore de ce monde
Des bouffons qui ne veulent rien renier
Même quand ils se sentent profondément humiliés

Chez moi c’est un homme ivre de désir, échoué entre mes cuisses
Assommé de plaisir, les hanches meurtries par nos luttes amoureuses
Peu importe le reste

Dehors des nuages s’amoncelaient sur nos instants dérisoires de bonheur
Cachant un soleil qui pour nous n’est d’ailleurs qu’un mirage
L’horizon est sinistre et désolé
Trop d’âmes errent si tristes et esseulées
Tandis que des Hommes apprennent à cacher de bonne heure leur malheur
Sous le voile d’un simulacre bonheur,
Des spectateurs terrifiés regardent le monde par la fente d’un rideau
Dehors trop de soupirs costumés sourires trop bien feints
Ces sanglots que l’on cache dans la fourrure d’un fou rire teint
De beaucoup trop d’hypocrisie
Comme sur trop de cités
Plane le spectre des atrocités
À trop les citer,

J’ai fini par me dire que le paradis c’est ici chez moi
Avec cet homme ivre de désir échoué entre mes cuisses,
Assommé de plaisir, les hanches meurtries par nos luttes amoureuses
Peu importe le reste

Dehors la brume malfaisante s’est abattue sur le sourire du jour
Les ténèbres qui illuminent nos jours
Nous imposent son joug maléfique
Tandis que le vent soufflait impétueusement sans trêve
Balayant avec insolence nos rêves
Dont les épaves gisent sous la grève
Et que des poètes fous pensaient avoir la quiétude au bout de leur plume
Utilisant le rythme et le verbe comme une arme
Pour consoler le monde en larme
Dehors certains y laissent leurs plumes
On bat violemment de pauvres innocents descendus
Dans la rue pour réclamer leur dû
On abat sauvagement des hommes qui réclament dignité, justice et égalité

Dehors les joies sont trop fanées
Les gloires sont profanées
Les peaux sont tannées d’années en années
Par tant de damnés efforts, plus de force dans les membres
Plus que de fosses sans nombres
Pour accueillir des cadavres sans nombres
La vie nous sert au collet et nos viscères
Servent de bouffe à la terre
Dehors on sombre dans la folie, de fond en comble
Plus rien ne comble le vide que l’on ressent
La loi ne fouette que les faibles
Et comme le monde est trop stone, et que je ne puis
Imposer ma loi dehors, la mienne

S’applique ici chez moi entre mes cuisses
Avec cet homme ivre de désir
Assommée de plaisir, les hanches meurtries par nos luttes amoureuses
Peu importe le reste

Dehors la barbarie a enseveli sous son poids
Tout élan d’espoir
La vie n’est plus qu’une pénitence
Jonchée de peines intenses
Ces peines qui perdurent si bien
Lutter contre elles n’est que peines perdues

Tandis que les prophètes arrogants et cupides et stupides
Répondent des mensonges et des illusions
Dehors des ogres et des vampires s’accrochent au pouvoir par la répression
Perpétrant ouvertement le meurtre de masse, et institutionnalisant la corruption
Aux pieds des saints inertes, sourds et muets, aveugles et manchots
De pauvres gens chuchotent en vain leurs infortunes
Sans comprendre que des millénaires de courbettes et de génuflexions ne suffisent pas
À ramener la lumière dans ce monde
Mais bon… Peut-être leur répondront-ils à titre posthume
Au sein de ce chaos total,
On ne sait plus à quel saint se vouer
Se donner à Saint Pierre ?
Non. On n’aimerait pas finir crucifié, brûlé la tête en bas,
Se confier à Saint Paul ?
Non plus. On tient trop à sa tête,
L’histoire nous doit des excuses qu’elle ne fera pas
La vie nous doit des comptes qu’elle rechigne à régler
Pendant que les roulements de tambours annoncent
L’apocalypse, le monde tangue et puisqu’il faut toujours du sang
En attendant que le mien ne coule

J’ai trouvé mon saint en cet homme ivre de désir
Echoué entre mes cuisses, assommé de plaisir
Les hanches meurtries par nos luttes amoureuses peu importe
Leurs ridicules jugements
Car je ne suis qu’un enfant sans héritages
Le digne enfant d’une époque indocile et désinvolte.

///Article N° : 11651

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