À travers le langage parlé par des adolescentes des banlieues, Les Roses noires d’Hélène Milano interroge leur rapport au monde et à la France, aux garçons et à la féminité. Le documentaire sort en salle en France le 28 novembre 2012.
Elles ont entre 13 et 18 ans. Elles ne sont plus des enfants mais pas encore des femmes. Elles sont d’ici par leur naissance et d’ailleurs par leur ascendance. Dans cet entre-deux, elles sont prises en étau entre la langue de leurs parents et le français enseigné à l’école. Le « langage des banlieues », qu’elles appellent wesh, apparaît alors comme un juste compromis. C’est un mélange du français et de toutes les langues que l’on retrouve dans les cités qu’elles habitent, de l’arabe au ouolof, en passant par le comorien et le portugais. Une langue créole qui ressemble à la France d’aujourd’hui, profondément hybride.
Hélène Milano donne la parole à quatorze filles de banlieue pour que, à travers le fil conducteur de la langue, elles s’interrogent sur leur rapport aux garçons et à la féminité, au monde et à la France. « On est rejeté par la France », dit Hanane ; « ils ne veulent pas de nous », renchérit Moufida. Le sentiment d’exclusion est très fort. Dans ce pays assimilationniste, le wesh apparaît comme une résistance, une fracture linguistique qui vient en renfort à la fracture sociale. Mais en ces temps où le chômage campe devant les portes, parler correctement le français est un atout et elles le savent. Placées d’ailleurs en situation officielle d’entretien, les adolescentes essaient tant bien que mal de rentrer dans la norme langagière.
Qu’elles soient du 13 (Marseille) ou du 93 (Le Blanc-Mesnil, Stains, Saint-Denis, Montfermeil, Clichy-sous-bois), elles rencontrent les mêmes problèmes et en parlent sans tristesse. Garçons manqués, elles doivent assumer leur féminité et doutent de l’avenir. Mais leur plus grande peur ? Les garçons ! Qu’ils leur prennent leur virginité ou leur bâtissent une réputation de fille légère. Pour évoluer dans ce monde incertain, elles se sont fabriqué une carapace d’insolence et d’agressivité. Que l’on peut mettre sur le dos de la vie dans les cités ou de l’adolescence.
Les linguistes ont fait du « langage des banlieues » un objet d’études, Hélène Milano en fait un film choral révélateur et attendrissant. Loin des thèmes habituels des médias (violence, drogue, armes
), ce documentaire social répercute les bruits et les rires, les peines et les peurs des filles qui racontent la banlieue de l’intérieur. Pour approfondir ce propos, il leur donne exclusivement la parole. La réalisatrice française, par ailleurs actrice et metteuse en scène, montre ces jeunes filles sans fard, avec la même délicatesse qu’elle a mis dans Nos amours de vieillesse (2005), son premier film documentaire. « Les Roses noires rend hommage à ces femmes à la féminité cachée, selon la définition de Hanane, 14 ans. »
Construit en plusieurs parties, allant du langage aux garçons en passant par la féminité, le documentaire sélectionne ce que les filles ont en partage. Ce procédé plutôt télévisuel gomme malheureusement ce qui ferait la particularité de chacune d’elle, privilégiant le regard que la réalisatrice pose sur la réalité, corroboré par des morceaux choisis d’interviews face caméra.
Hélène Milano ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. La seconde partie de ce projet donnera la parole aux garçons des banlieues, pris en otage entre la représentation de virilité et le sentiment de danger qu’ils représentent pour les filles.
Pour en savoir plus sur les [Roses noires]
///Article N° : 11153