Ruy Duarte de Carvalho occupe une position très particulière dans les lettres lusophones. Né en 1941 au Portugal, il connaît très tôt le sud de l’Angola où son père l’initie à la vie pastorale des bergers mucabais et kuvale. Il devient professeur à l’université de Luanda après la soutenance de sa thèse à l’EHESS en 1986. Conjointement à ses recherches, il mène une activité poétique. Celle-ci n’est pas le simple prolongement de ses observations anthropologiques mais une profonde réflexion sur l’écriture poétique. Délivrée de toute observance des règles esthétiques conventionnelles, elle doit être à même d’exprimer la profonde harmonie que révèle le spectacle de l’homme au contact de la terre nourricière par le biais des outils agricoles, de la faune qui procure « la viande et le lait du troupeau sacré ».
Ainsi, la vision que le poète propose du monde est-elle « monolithique » : tout y est à sa place, les hommes comme les bêtes, les éléments naturels comme l’ordre de vie qu’ils impriment. Simultanément, apparaissent les fils qui tissent les relations socio-culturelles au sein du groupe : que ce soit le rapport sexuel ou les rites de la vie quotidienne, tout doit être dit au plus près du vécu angolais. D’où la présence d’items relevant des langues locales qui font l’objet d’un glossaire à la fin du texte comme on peut le lire dans le recueil de contes que l’auteur a publié sous le titre Como se o mundo nao tivesse leste (2) (1977).
Le portugais classique serait inadéquat à relater de telles expériences mais pour qui connaît les langues et le milieu de ces populations, le problème de la langue n’est pas insurmontable. La langue prend totalement en charge la puissance émotionnelle : chez ce poète, la matérialité de la langue compte autant que la matière sensible du monde qui l’entoure. C’est ainsi qu’on peut comprendre l’exercice de réécriture d’un poème comme dans le recueil Habita da terra où le texte original subit une spatialisation profondément différente de l’original… De tels procédés stylistiques ne sont pas un jeu gratuit : ils renvoient à une tradition orale dont Ruy Duarte de Carvalho s’est toujours montré très respectueux. Là se rejoignent poésie et anthropologie : toutes deux partageant une même finalité dans l’appréhension de l’humain. N’est-ce pas la meilleure manière d’habiter le monde ?
1. Réalisateur de plusieurs documentaires pour la télévision avec Antonio Ole dont Sou angolano trabalho com força (Je suis Angolais, je travaille avec acharnement) 1975, Apprendre pour mieux servir, Le rythme du N’Gola Ritmos 1977. Il a cessé cette activité, et déclare : « Le cinéma ? quel cinéma ? il n’y a rien. »
2. Comme si le monde n’avait pas d’Est.Bibliographie : Aucun livre n’est disponible en français, cependant on pourra lire quelques articles de Ruy Duarte de Carvalho dans diverses revues en langue française.
« Paix et guerre chez les pasteurs Kuvale. Lettre de Vtivi » in Politique africaine n°57 éditions Karthala.
« Ecrire en Angola, propos recueillis par Christine Messiant » in Notre Librairie n°115 éditions clé/adpf.
Chao da oferta 1972
A decisao da idade 1976
Ondula savana branca 1982
Ordem de esquecimento 1997
O camarada e a camera 1984
Vou là visitar pastores 1999, porte sur les pasteurs Kuvale qui vivent au sud-est de L’Angola et poursuit la réflexion entreprise dans une étude publiée à Luanda en 1997 intitulée Aviso a navigaçao olhar sucinto e preliminar sobre os pastores Kuvale. ///Article N° : 1269