Sans regret de Jacques Trabi

La morale est-elle sauve ?

Print Friendly, PDF & Email

Auréolé d’une sélection « coup de cœur » au festival international du film de Marrakech et du prix spécial du jury au festival du film africain de Louxor, Sans regret est sorti en mai 2016 au Majestic Ivoire d’Abidjan. Il marque le retour de Jacques Trabi dans la sphère des festivals internationaux depuis son beau court métrage Bouzié (À ma mère), qui avait remporté le Prix du meilleur court métrage au Fespaco 1997. Il a réalisé son premier long métrage en 2013, L’Amour en bonus, une comédie romantique ivoirienne, mais le scénario de Sans regret date de 2002. Il traînait dans les tiroirs faute de pouvoir rassembler le budget nécessaire. Mené comme un thriller, il pose une question morale ouvrant largement au débat.

Sans regret a la facture de ces films engagés qui développaient une histoire morale à rebondissements pour édifier la société. Une famille est dans le besoin, l’aîné ne peut pas finaliser le concours de la police faute de moyens, Amoin la mère enceinte (Nacky Sy Savané) se tue au travail au marché, Gaston le père docker au port d’Abidjan (Michel Bohiri) n’en a pas tous les jours et a le blues (musique largement utilisée dans le film)… « Si tu n’as personne pour t’ouvrir les portes, c’est perdu d’avance ». Il survit d’emprunts à la tenancière de son maquis (Prisca Marceleney, également productrice et épouse de Jacques Trabi), mais cela ne pourra durer, surtout qu’il se voit un jour dépouillé en rentrant chez lui. Et voilà qu’à la recherche de ses agresseurs, Gaston dérape et accepte de jouer les truands sous la direction de « Cercueil » (Bruno Henry). Il découvrira que les autorités et la police sont tout aussi corrompues, ce qui l’encourage à poursuivre. Mais la police des polices enquête… Les complicités seront-elles démasquées ? Gaston a-t-il des regrets d’avoir ainsi soutenu sa famille ? Le titre du film donne la réponse.
Sans le souffle qui lui permettrait de rafler les prix mais mené avec entrain, profitant d’excellents acteurs, Sans regret distille volontiers des pointes d’humour. Comme dans les films de gangsters, il adopte une structure narrative linéaire passant par une mise en contexte du héros, son ascension puis sa chute couronnée par une fin sans retour. On y retrouve les combats nocturnes, l’organisation hiérarchisée des truands, l’accession aux costumes voyants et les scènes de suspense. Mais le suspense que cultive Sans regret porte avant tout sur la façon dont Gaston va pouvoir dénouer l’engrenage qu’il a lui-même provoqué, et partant sur la façon dont le film pourra sauver la morale sans condamner son héros. Faut-il en effet crier au scandale alors que le héros acculé à devenir un malfaiteur choisit la déchéance pour sauver la vie des siens ? Cette subtilité de scénario ne laissera pas de faire discourir dans les chaumières. Si elle ouvre à la compréhension pour accorder les circonstances atténuantes à un cas isolé, les choix de Gaston ne sauraient constituer une solution à la dimension d’une société…

///Article N° : 13704

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Les images de l'article





Laisser un commentaire