Sorti en salles en Italie le 11 janvier 2008, le même jour de La Graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche et une semaine avant Riparo (L’Abri) de Marco Simon Puccioni, Bianco e Nero de Cristina Comencini semble témoigner d’un intérêt renouvelé dans la Péninsule pour le vécu des immigrés qui viennent de l’autre rive de la Méditerranée et s’installent dans nos villes.
Développant un regard tout en légèreté sur le thème du racisme et des préjugés, la réalisatrice revient à la comédie après deux drames familiaux et construit une sorte de Devine qui vient dîner à l’italienne, avec moult clins d’il à la comédie italienne de la génération des pères (Luigi Comencini en premier).
Le jeune informaticien Carlo (Fabio Volo) est marié à Elena (Ambra Angiolini), une jeune femme qui travaille pour une organisation humanitaire s’occupant de l’Afrique (l’Amref, qui a « sponsorisé » le film). Lors d’une soirée de collecte de fonds, il tombe amoureux de la belle Sénégalaise Nadine (Aïssa Maïga), épouse anticonformiste de l’intellectuel Bertrand (Eriq Ebouaney), qui collabore avec la même organisation. Un coup de foudre entre une Africaine et un Italien : qu’est-ce que ça donne ?
« Un film italien grand public n’est-il pas censé être une merde en puissance ? » – ce commentaire très cru posté sur le site d’Allocine peu avant la sortie du film en France n’est pas sans correspondance avec le film ! Dans la scène qui précède sa découverte de la trahison de sa femme, Eriq Ebouaney (Bertrand) explique à des lycéens (un Noir et un Blanc) qu’ils doivent faire sortir la merde qu’ils ont en eux pour pouvoir mieux se connaître et progresser : une lourde métaphore que la réalisatrice n’a pas hésité à répéter lors de la conférence de presse et qui est également reprise dans le dossier de presse du film. Le premier tabou à briser reste celui de la connaissance biblique entre Blancs et Noirs : se mélanger dans l’intimité du corps. En fin de compte, comme le remarque un des élèves, la trahison n’a rien à voir avec la couleur de la peau
Forte d’une excellente direction d’acteurs, Cristina Comencini s’intéresse davantage au coup de foudre entre Carlo et Nadine et en quoi il déstabilise leurs deux communautés d’origine qu’au destin de leur histoire d’amour, ce que laisse entendre le final ouvert du film. « J’ai décidé de jouer des préjugés que nous avons tous – a expliqué la réalisatrice – et au début nous avons pensé que ce serait dangereux, difficile et politiquement incorrect de faire une comédie sur ce sujet. Cependant tous les couples mixtes que je connais font face aux préjugés des autres avec beaucoup d’ironie, sans drame, si bien que nous nous sommes convaincus de ne pas faire un film dramatique parce qu’il est impossible d’arriver à la vérité sans légèreté ».
Malgré quelques scènes un peu grossières et un portrait excessif et partial de la réalité italienne (une famille de la haute bourgeoisie avec domestique noire en tablier blanc avec bavette !), le film s’engage pour la multiculturalité. Comme on le dit en Italie, la mer sépare le dire et le faire : la normalité des couples mixtes est loin d’y être acquise, et le racisme s’insinue même dans le milieu du cinéma.
Produit par Cattleya et RAI Cinema, distribué sur 250 copies par 01, le film n’a pas trouvé de sponsors pour les deux acteurs noirs, ce que la réalisatrice a dénoncé lors de sa conférence de presse : « Dans tous les grands films, les interprètes principaux sont habillés par des marques, mais pour eux rien. Pourtant, dans les publicités, on utilise souvent des femmes noires comme symboles érotiques et objets sexuels ! ». Marina Marzotto, administratrice déléguée de Propaganda Gem (une des sociétés les plus engagées dans le domaine du Product Placement) a démenti ainsi ce « j’accuse » lancé par la Comencini: « Ce n’est pas une question de peau, mais de célébrité. Contrairement aux Etats-Unis et à la France, nous n’avons pas d’acteurs noirs connus du grand public ».
Mais c’est bien là qu’est le problème : « Pourquoi nous n’avons pas des amis noirs ? » demande Carlo à Elena. Il est bien dommage qu’Aïssa Maïga et Eriq Ebouaney ne soient pas assez connus du grand public italien : ils donnent dans Bianco e Nero une belle démonstration de leur talent et font preuve d’une impressionnante maîtrise du jeu en italien !
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