Bienvenue à Marly-Gomont, de Julien Rambaldi

Quelle résistance ?

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Sorti le 8 juin sur les écrans français, Bienvenue à Marly-Gomont, comédie populaire, familiale et humaniste, aurait pu être une réussite, si…

Une histoire vraie… Le rappeur et humoriste Kamini Zantoko s’était taillé un bon succès il y a dix ans en évoquant son enfance dans un clip « dédicacé à tous ceux qui viennent des petits patelins ». Vu près de 1,8 million de fois sur youtube, il a fait de Kamini le premier artiste issu d’internet en France. Cette histoire, celle de sa famille, il y revient avec ce film : son installation dans un village picard où ils étaient les seuls Noirs et où il n’y a rien, « pas de bitume, c’est que des pâtures, mais n’empêche que j’ai croisé pas mal d’ordures ». Nous voilà donc en 1975 : Seyolo Zantoko, son père médecin, trouve un poste dans ce bled paumé et fait venir sa mère et ses deux enfants de Kinshasa, lesquels croient venir à Paris… Outre le froid et la galère, ils n’y trouveront que racisme et rejet. La suite coule de source comme une eau un peu trop claire : le film va nous raconter le combat acharné de cette famille pour gagner la confiance des villageois et triompher de la bêtise par la vertu.
Fidèle aux codes de la comédie, Bienvenue à Marly-Gomont fait sourire en caricaturant les personnages et mettant l’accent sur le ridicule des situations. Sourire mais jamais rire, tant la mise en scène peine à relever cette histoire bourrée de bons sentiments. Même lorsque les tonitruants cousins congolais de Bruxelles débarquent et font de la messe de Noël un gospel, rien ne résonne à l’image. Les villageois sont tout aussi stéréotypés, qui lâchent ébahis des « vin diou » à tout bout de champ. Quant au jeu politique local, il n’a rien de plus subtil. On finit par douter de cette intégration acquise par l’enchantement d’un retournement généralisé où les peurs sont dépassées. A moins que l’histoire vraie n’ait été sérieusement édulcorée…
Car ce film semble trop gentil pour être honnête : si les « ordures » qu’évoquait Kamini ont bien existé, la production les a nivelées pour rester divertissant et consensuel. Le jeu lissé de Marc Zinga est heureusement rehaussé par la pétulance d’Aïssa Maïga, mais l’ensemble ne décolle jamais, pas plus que l’appel à la tolérance asséné à gros sabots.
Pourtant, mieux traitée, cette histoire n’aurait pas manqué d’intérêt, car elle met en exergue la dimension proprement physique du racisme ordinaire. Ce village refuse de se faire toucher par un Noir et préfère voir un autre médecin à 15 km. Ce dégoût est bien mis en exergue dans la scène clef de l’accouchement où Seyolo s’en sert comme d’un moteur pour aider la femme à pousser. C’est en acceptant d’être méprisé qu’il arrive à vaincre le rejet, tout en demandant à sa famille de renoncer à sa vitalité (parler le lingala, jouer au foot, etc.) pour ne pas faire de vagues.
En axant, contrairement au clip rageur de Kamini et à son véritable désir de film, le récit sur Seyolo Zantoko, Julien Rambaldi pointe l’abnégation d’une génération qui crut devoir se plier pour s’intégrer. Ce souci de lui rendre hommage gomme le scandale sous-jacent et ce que cela révèle d’une société qui se replie et se complaît dans son miroir. A voir ce qu’est devenu Marly-Gomont aujourd’hui, où Marine Le Pen obtient presque 50 % des suffrages, l’exemplarité de Seyolo Zantoko prend de l’eau, et partant la pertinence de Bienvenue à Marly-Gomont pour le temps présent.

///Article N° : 13661

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© Mars Films
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