Etat du cinéma marocain

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A l’occasion de l’inauguration du séminaire  » Les industries culturelles « , organisé à Rabat du 12 au 16 mai 2003 par le secrétariat international du Forum francophone des affaires avec le soutien de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie, le cinéaste marocain Nabil Ayouch a dressé un état des lieux du cinéma marocain, lequel est exceptionnellement représenté par deux films en sélection au festival de Cannes 2003. Il commence par présenter sa propre activité de production pour ancrer le propos et dégager les problèmes et les facteurs d’espoir du cinéma marocain.

 » Le débat sur la culture est amorcé au Maroc.
Ma maison de production, Ali’n Productions, a été créée en 1999, lorsque je suis revenu au Maroc après avoir vécu à Paris. Avec deux nouveaux directeurs généraux sur les deux chaînes de télévision nationale, on assiste à une augmentation des productions locales. Nous pouvons ainsi produire le troisième volet d’une série télé qui passe au moment du Ramadan.
Nous avons produit mes trois longs métrages ainsi que des courts métrages et à cet égard, nous organisons un concours de scénario qui en est à sa quatrième édition, réservé aux 18-35 ans, sur un texte de cinq pages maximum. Un jury indépendant choisit un lauréat à qui il est donné la possibilité de réaliser son court métrage.
Nous produisons aussi des films institutionnels, avec des clients parfois privés, mais nous sommes par contre peu actifs dans la prestation de services qui accueille des productions étrangères pour qu’elles puissent tourner leurs films (essentiellement à Ouarzazate).
Les problèmes
Le problème général est le manque de talent, le manque de compétences et l’absence de cadre juridique développé et protecteur.
Comme il n’y a pas de relais entre les industries de prestation de services et le cinéma national, la taille réelle du cinéma marocain est plus étroite que ne le laissent supposer les chiffres.
1) la prestation de services qui pourrait être une chance se transforme en handicap.
Il y a une scission depuis que les films étrangers sont tournés au Maroc. Ce pourrait être une chance magnifique : un des plus beaux plate aux à ciel ouvert, mais nous n’avons jamais su en profiter. C’est comme le festival de Marrakech qui pourrait être une belle vitrine (à noter que l’annonce d’un important fonds de soutien au cinéma qui y avait été faite est restée sans effet).
Un partenariat serait nécessaire entre cette industrie qui a ses compétences et l’industrie nationale.
2) la formation : nous manquons cruellement d’une école de cinéma digne de ce nom.
3) les salles : l’absence de barrières protectionnistes fait que sur les 160 salles, la moitié passent du film indien avec des contrats d’exclusivité qui les empêchent de passer autre chose. Les films marocains en sont absents.
Les salles sont en outre peu remises en état. L’accès des films marocains y est difficile, sans durée dans la programmation.
4) les droits d’auteur : le fonctionnement est archaïque, les frais de fonctionnement sont trop importants tandis que le reversement des droits se fait mal. Le piratage est tel qu’on voit apparaître des cassettes dès le lendemain de la sortie, de la même façon que des décodeurs télé sont en vente libre. Personne n’est protégé. Le devoir d’ingérence serait de faire le ménage là où les droits ne sont pas reversés.
Les espoirs
1) Le marché publicitaire est très actif, les plus grosses entreprises de la sous-région étant implantées au Maroc. La taxe collectée de 5 % finance la création de films.
2) L’institut de formation aux métiers de l’image et du son représente une formation pour les techniciens tandis qu’une école de cinéma vient de se créer à Rabat.
3) Le premier multiplexe de 14 salles vient d’ouvrir et le phénomène va se développer. Ces salles offrent une bonne qualité technique à la projection.
Trois facteurs d’espoir sont encore à noter :
– le festival de Marrakech doit davantage s’ouvrir au cinéma national et aux cinémas du Sud. Des options ont été prises cette année.
– La libéralisation du champ audiovisuel est pour bientôt, ce qui peut laisser espérer une dizaine de chaînes dans les années à venir.
– La politique du fonds d’aide au cinéma marocain fonctionne et est unique dans la sous-région et en Afrique en général. Les effets sont là : deux films cette année à Cannes.  »
L’intervention de Nabil Ayouch a été complétée durant le séminaire par les propos de Monsieur Belarmi, de Sandline Productions qui gère les Studios de l’Atlas à Ouarzazate.
 » Kundun, Cleopatra, Gladiator, Astérix et Cléopâtre, etc ont été tourné au moins en partie à Ouarzazate, parfois avec 5000 figurants sur la même scène.
Ouarzazate a aujourd’hui 10 000 lits, autant que Fès ! Le tourisme et le cinéma se complètent, celui-ci venant remplir les hôtels en basse saison.
Mais le cinéma est fragile. La guerre en Irak remet en cause le tournage de la superproduction hollywoodienne  » Alexandre le grand « . Une réflexion est menée au niveau de la francophonie pour équilibrer les risques.
Ouarzazate bénéficie d’une lumière exceptionnelle, d’un climat favorable, de paysages variés, de nombreux figurants professionnels et de services techniques compétents, de coûts de production de 30 à 40 % inférieurs ceux d’Europe et de jusqu’à 50 % de moins qu’aux Etats-Unis, sans compter que la mobilisation des autorités permet de tourner des scènes impossibles à organiser ailleurs.
Le problème est celui d’avoir un impact structurant pour en faire une véritable économie. « 

propos recueillis par Olivier Barlet
Rabat, 12 mai 2003///Article N° : 2898

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