Première ébauche d’un article à venir, premières impressions alors que le festival n’en est qu’à sa moitié On ne peut pas dire que l’Afrique est absente de cette 65e édition du festival de Cannes !
Tout a démarré sur les chapeaux de roues, les films africains de la sélection officielle étant ramassés sur le tout début de festival. Yousry Nasrallah a pratiquement fait l’ouverture avec Après la bataille, un film sans scénario fixe, fait avec les événements qui agitent l’Égypte, et qui a pour fardeau de représenter le Continent dans la compétition officielle. Pour tenir sa place de plus important festival du monde, Cannes propose chaque année un savant dosage de films d’auteur, de films fortement médiatisés et de films en phase avec les problèmes de notre temps. Celui de Nasrallah allie tout cela, même si son emphase langagière et corporelle propre au cinéma égyptien fait qu’il n’atteint pas les sommets dans les étoiles données chaque jour par des critiques internationaux en pronostic sur la palme d’or à attribuer. Très en phase avec son temps, Nasrallah développe une fiction ancrée dans le réel pour sortir des dualités à l’uvre et casser les clichés.
Autre film en compétition, Paradies : Liebe, d’Ulrich Seidl (Autriche) traite du tourisme sexuel au Kenya. Son originalité est de mettre en scène des femmes et non des hommes mais le degré de mépris qu’il développe pour tous ses protagonistes est profondément détestable.
En ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, The We and the I de Michel Gondry (France) suit des jeunes d’un lycée, majoritairement africains-américains, dans le bus qui les ramène dans le Bronx de New-York à la veille des vacances. Progressant de l’image qu’ils se donnent collectivement à l’intériorité de chacun au fur et à mesure que les jeunes descendent aux arrêts, ce film-slam réussit le pari de dépasser les apparences pour atteindre sans discours les souffrances profondes.
Présenté à la sélection officielle Un certain regard, l’étonnant et très attachant Beasts of the Southern Wild de Benh Zeitlin aborde la culture en voie de disparition des Bayous de Louisiane à travers le regard d’une enfant confrontée à la montée des eaux autant qu’à la dérive d’un père qui s’accroche aux derniers possibles. Le film est bourré de cette poésie enfantine qui voit le monde autrement que les adultes et joue à fond la carte de la fable environnementale. Dans la même sélection, le film du Marocain Nabil Ayouch, Les Chevaux de Dieu, va sur les pas de La Désintégration de Philippe Faucon pour prévenir des dangers de la pente islamiste mais table plutôt sur la sociologie du bidonville à la façon de son premier film Ali Zaoua pour ensuite faire un pesant thriller d’un fait réel (les attentats terroristes du 16 mai 2003 à Casablanca) menant vers une fin ambiguë sur laquelle il nous faudra revenir. Également à Un certain regard, et seul film d’Afrique noire en sélection, La Pirogue du Sénégalais Moussa Touré réussit le pari de faire un film de référence parfaitement maîtrisé sur le sujet des brûleurs sans toutefois atteindre la subtilité d’approche de certains documentaires ou courts métrages où l’imaginaire de ces fous qui prennent la mer pour faire la traversée en dépit des énormes risques encourus était mieux abordé. Évitant de stéréotyper les personnages, il leur confère cependant une belle dignité et atteint son but de mobiliser l’humain plutôt que le social ou l’économique pour les appréhender.
Ces trois films ont reçu un accueil extrêmement chaleureux du public cannois. Ce fut également le cas de Rengaine de Rachid Djaïdani, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, qui réussit un film bourré d’humour sur la galère d’une Maghrébine qui voudrait se marier à un comédien noir et se trouve confrontée à une multitude de frères qui lui veulent du bien et donc empêcher ce mariage, à commencer par Slimane qui dit : « être grand frère, c’est un métier » ! Tourné à l’arrache en caméra épaule très proche des corps, alignant scènes inattendues et coups de théâtre, le film est à l’image de l’écriture de l’écrivain Djaïdani : déjanté et particulièrement réjouissant.
Également à la Quinzaine, Le Repenti de Merzak Allouache développe brillamment une écriture épurée et austère pour enfoncer le non-dit absolu qui accompagne la politique de « concorde nationale » visant à faire un trait sur le passé des années terribles de la guerre civile en proposant aux combattants islamistes de se réintégrer dans le tissu social s’ils abandonnent la lutte. Au scalpel, le film ne fait de cadeau à personne et ce repenti ne prononcera jamais un mot de repentir ! Sans aucun soutien du gouvernement algérien (pas même à son pavillon à Cannes), Merzak Allouache poursuit sa voie d’empêcheur de tourner en rond.
Et sur un tout autre registre, La Vierge, les coptes et moi de l’Égyptien Namir Abdel Messeeh est un film extrêmement drôle présenté dans la sélection ACID : combinant à la fois documentaire et fiction, le réalisateur se met lui-même en scène dans son enquête sur les apparitions miraculeuses de la vierge en Égypte pour finalement, déçu et coincé par le peu de résultats, mobiliser grâce à sa mère tout son village natal pour recréer purement et simplement une apparition. La croyance et le cinéma vont alors de paire dans une comédie vraiment hilarante.
Des premiers films et des films de cinéastes confirmés : le cocktail cannois est cette année passionnant. Mais le festival continue. À suivre !
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