Cela pourrait s’appeler « la résistible ascension de Khorma la bêtise » : ce marginal qui vit à Bizerte des prières rituelles aux morts, personnage typique des cimetières arabo-musulmans, considéré par tous comme un simple de par sa peau blanche et ses cheveux roux, va se trouver élu par les religieux qui détiennent le pouvoir sur les âmes et pensent pouvoir le contrôler. Mais Khorma prend son rôle au sérieux, organise le commerce des rituels, augmente les prix La colère gronde et lorsqu’il fait une fête pour s’assurer la protection des hommes forts du quartier, il sera arrêté, crucifié, livré nu aux moustiques de la nuit. Ainsi, soit on reste faible au service des puissants, soit on est fort en respectant leurs intérêts. Toute transgression est irrémédiablement punie. Le problème de Khorma est de ne pas être aussi bête qu’on le croit. Nommé comme instrument sans danger des exploiteurs, il se fait justicier.
Le spectateur est ainsi invité à partager son ascension, vivre sa chute dans la déception et finalement communier avec son éclat de rire et sa danse, tant ce personnage a pris un sens christique.
Cette galerie de portraits presque felliniens confère au film une force évocatrice que vient malheureusement affaiblir une avalanche de dialogues et des baisses de tension. Les chants liturgiques et les percussions d’inspiration soufies qui émaillent le film l’ancrent culturellement et font écho au drame intérieur de Khorma. Ils accompagneront aussi la montée en puissance de sa liberté que rien ne pourra contrecarrer, ambiguïté d’un personnage contradictoire qui finalement ancre son ascension sur une plus grande efficacité dans l’exploitation des autres. Que cherche donc à nous dire ce film avec un Khorma qui aurait pu être un personnage culte, emblématique de l’émancipation des pauvres, mais qui, en définitive, ne fait que mimétiquement remplacer les précédents, sorte de caricature des despotes qui gouvernent l’Afrique post-coloniale ? A moins que ce ne soit cela son message ?
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