Ce long métrage de 61 minutes agit comme un concert. J’ai pensé à la clarinette de Dollar Brand quand elle s’élève solitaire pour capter l’essentiel ou au même Abdullah Ibrahim quand il se met à prier sur scène d’un seul mouvement. Les mots de la prière sont de Césaire et la musique va de Salif Keïta à Schubert mais qu’importe : la musique, celle de la bande son mais aussi celle des gestes en douceur du village de Sokolo comme celle, violente, des incantations de Césaire, se fraye un passage dans une image plutôt statique tant elle désire capter mais respecter le mouvement de la vie sur terre.
Car, affirme Césaire, « la vie n’est pas un spectacle » : en se rendant dans le village de son père, Sissako évite habilement tous les pièges du cinéma-spectacle (misérabilisme, image anecdotique, détails sensationnels, superficialité, séduction etc.) en s’impliquant et en cherchant systématiquement une harmonie entre le dit et le non-dit, entre ce que dit le texte et ce que suggère l’image. Comme le résume l’opérateur du téléphone public : » La communication, c’est une question de chance. Souvent ça marche, souvent ça ne marche pas. » L’essentiel n’est pas dans l’efficacité mais dans le désir de communiquer. Chaque image est signifiante d’un désir de rencontre et d’une ouverture à l’Autre. Si bien que rien n’est figé dans ce village où le temps semble s’arrêter : chacun continue à son rythme alors que le monde fête l’an 2000 car c’est avec les gens simples que se joue l’avenir du monde. Encore faut-il savoir les écouter. Ce n’est pas la moindre qualité de ce film manifeste.
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