Un jour, un ami m’a demandé de lui parler de l’Afrique
Je lui ai demandé laquelle
Il m’a dit, mais votre pays
J’ai souri puis je lui ai dit que premièrement l’Afrique n’était pas un pays mais un continent, et que Mandela n’en était pas non plus le président
L’Afrique c’est plus de 53 nations différentes les unes des autres et qui compte aujourd’hui plus d’un milliard d’âmes qui vivent
Des hommes, des femmes, des jeunes et des vieux,
Il m’a demandé alors si je connaissais Mamadou,
Je lui ai dit que non,
Il était presque estomaqué, comment je pouvais ne pas connaître Mamadou
Mamadou, mais il est africain comme toi, c’est ton frère n’est ce pas, il est sénégalais !
Je lui ai dit que le Sénégal et mon pays à moi le Congo Zaïre se trouvaient à des milliers de kilomètres de distance, ce pays qui a pour capitale Dakar se trouve en Ouest de l’Afrique alors que mon pays à moi celui de Kinshasa la belle, lui est situé au centre même du continent,
Il n’en croyait pas ses oreilles
Puis je lui ai dit, laisse-moi te parler de mon Afrique, l’Afrique que je suis
Celle des joies et des pleurs, des vies et des rêves, des fragilités et des forces,
Des peurs et d’espérance
Des richesses et des contrastes
Des évidences et des gâchis
Des intelligences et des sagesses
Des progrès et des congrès
Laisse-moi te parler de mon Afrique
Celle de jeunesse et de détermination
Celle de beauté et de vigueurs
Celle de grandeur et d’ardeur
Celle des hommes et des femmes libres et libérés de tout complexe colonial et racial
Je te parle de mon Afrique à moi, celle des universités et des marchés
Des télévisions et des conversations
Celle des nouvelles technologies et de puissances anthropologiques
Celle des langues et des écritures
Des concepteurs et des créateurs
L’Afrique des matériels et d’immatérialité
Celle des valeurs et des valables
Celle des âmes et des esprits
Celle des résistances et des pertinences
Celle des poètes
Laisse-moi te parler de mon Afrique, pas celle des images des enfants aux ventres bedonnants avec des mouches autour,
Mais plutôt celle des hommes et des femmes debout avec dignité
Laisse-moi te parler de l’Afrique des singularités et des particularités
Celle des univers, de langages multiples et complexes mais connexes à la fois
Je te parle des Afriques de mes amis, celle d’Aristide Tarnagda, de Fiston Mujila, de Faustin Linyekula, de Bibish Mumbu, celle d’Awadi, de Boyzie Cekwana, de Vérone Mankou. Celle de Myriam Bousselmi, Panaibra, Freddy Nsimba, Dieudonné Niangouna, In Koli Jean Bofane et tant d’autres
Mon Afrique à moi
Celle qui parle tête et voix haute
Celle qui se construit dans la tête, se bâtit sur la terre et s’enracine
Celle qui regarde le ciel pour arroser sa postérité malgré les austérités et les complicités
L’Afrique qui croit et faire croire
Celle du soleil de l’émergence et de l’intelligence
.
Puis je demandais à mon ami, s’il connaissait Wilfrid
Il m’a répondu Non, Maurice qui est-ce !
Mais Marcel comment ça ; tu ne connais pas Wilfrid
Il a rappliqué cette fois-ci avec presque une pointe de colère
Mais je ne connais pas Wilfrid bon sang !
Écoute Marcel, Wilfrid est un Autrichien, il vit à Salzbourg
Ça va pas la tête ou quoi Maurice ! Puisque je te dis que je ne connais pas ton Wilfrid machin, moi je suis français, l’Autriche c’est l’autre bout, c’est un autre pays ; et d’ailleurs Salzbourg je ne connais même pas ; j’y ai jamais mis les pieds
Je te signale même que pour y aller, il faut prendre l’avion
Alors mon ami, pourquoi veux-tu que Moi, je connaisse Mamadou
Pourquoi veux-tu que l’Afrique ne soit qu’un pays !
L’Afrique c’est vrai qu’elle est une mais elle est surtout multiple, d’où sa force et sa richesse
Alors Marcel, on la prend cette bière !!!
Papy Maurice Mbwiti
Montréal/Novembre 2014
///Article N° : 12901
