Parkour(s), de Fatma Zohra Zamoun

L'acrobatie face à l'immobilisme

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Réalisé avec très peu de moyens mais un maximum de sincérité, le nouveau long métrage de Fatma Zohra Zamoun converge peu à peu vers une parodie que l’on n’est pas prêt d’oublier.

Youcef, un vendeur de téléphones à la sauvette, pratique le free running, le parkour : l’art des Yamakasi qui escaladent, enjambent, bondissent d’un immeuble à l’autre… et échappent ainsi à leurs poursuivants. Il est connu pour ses vidéos sur les réseaux sociaux. Il est la liberté. Il aime Kalima, que sa famille va marier avec Khaled, un bon parti. Mais Youcef va sacrément troubler ce mariage…

Toujours en mouvement sans plan établi si ce n’est de déclarer sa flamme, Youcef est un ange mais ce n’est pourtant pas lui le véritable héros du film. C’est Kalima qui sait plonger dans l’incertain ; c’est la chanteuse Sonia qui aime son mari Kamel, nettement plus jeune qu’elle ; c’est Salima, une aide cuisinière qui élève seule sa fille Nedjma. Constellation sociale et générationnelle, elles convergent toutes vers le mariage. Si l’action ne commence pas tout de suite, installant cette mosaïque y compris parfois dans la division de l’écran, c’est que le film prend le temps de montrer la rudesse et le mépris des hommes.

Car Parkour(s) est un film féministe au sens où il ne se contente pas de dénoncer la traîtrise et l’hypocrisie des hommes : il célèbre la résilience, la ténacité et le courage des femmes. Et leur choix de liberté malgré les contingences.

Pour l’inscrire dans les problématiques contemporaines d’une Algérie en quête de renouveau, Fatma Zohra Zamoun n’hésite pas à convoquer une certaine théâtralité romantique, matinée de hip-hop et du rythme des parkours, avec une prise de vue parfois acrobatique, privilégiant les perspectives et les contre-jours au gré des sentiments de Youcef, du split screen multipliant les points de vue pour illustrer les rapports de force, et d’un montage en voltige. Unité de temps, de lieu et d’action : tout se joue sur une journée bien remplie pour accentuer ce qui ressort au final, le désespoir des jeunes (Youcef prêt à tout, même à se suicider) face à l’immobilisme.

Certes, le manque de moyens du film, surtout sensible dans la faiblesse des éclairages, est au diapason de ces jeunes privés d’avenir et qui n’ont pour choix que de jouer les acrobates pour exister face au conservatisme, de ces femmes qui se mettent en mouvement pour survivre dans une société qui les réduit. Il n’a pu voir le jour que grâce au financement participatif et à l’engagement de comédiens et techniciens qui ont multiplié les rôles au générique ! Sorti dans une seule salle à Paris en plein déconfinement dans ces temps incertains, il passe inaperçu, ce qui est dommage !

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