De la difficulté de nommer une musique, cheminant hors des sentes battues. Les uns y retrouvent des notes de blues, les autres y perçoivent des airs de Grand sud malgache. Le besoin de figer par le discours limite parfois le plaisir du mélomane.
L’artiste, lui, joue depuis Any aminao any à entrer et à sortir dans le miroir des références trop convenues. La perméabilité entre les genres en cette époque est un art en soi. Musique ternaire d’un fils d’Ampahiny, village situé sur la piste de Toliary, le bleu de Teta renoue en profondeur avec le tsapiky, phénomène de transes sur cordes, issu des années 1970, au sein duquel il était vain de vouloir démêler les fils trop serrés du trad. et du moderne. Une musique célébrant les vivants et les morts, et qui, donc, accompagnait les naissances et les enterrements.
Dans les bals, on la réclame, encore aujourd’hui. On la loue, avec des vivats, des hourras et des corps qui s’enflamment. Une musique populaire, ancrée dans le marbre du passé, sur fond de groove urbain. Sauf qu’elle est jouée (ici) de manière singulière, épurée, sans filet. Une guitare, souple et versatile, au son ample et composite, entre opens tunings et pop éclairée. Le souffle et les harmonies des cordes traditionnelles, genre kabossy ou valiha, travaillent certainement dans l’arrière-cour. Une complainte heureuse, qui te nourrit jusqu’à l’os.
Avec ou sans katsa à l’accompagnement, ce hochet qui zozote en conserve, avec ou sans vocalises et rocailles, voix de gorges en plan serré, bref, avec ou sans Kira (soa) et ses accessoires, la guitare du Teta, pour faire court, s’avance légère, sur chacun des titres. Les arrangements sont d’une telle sobriété que les poussières malgaches du bal des seventies paraissent suspendues dans le temps. Un répertoire intimiste, sauf peut-être lorsque Jean Piso pose l’accordéon sur ka manira alo ou lorsque le chant, fragile et cabossé, se laisse prendre aux pièges des sirènes. Sur Mora moral, dernier titre de l’album, tout semble avoir été dit, cependant. Car le chemin est long, mais rien ne sert de courir. Il faut partir à point, affirme l’artiste, qui en appelle, ainsi, aux initiés
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