Idrissa Diop : à la rencontre des frères d’Amérique

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Descendant de famille nomade, Idrissa Diop vit le jour à Malika ( » village des anges « ), sur le littoral sénégalais, non loin de Dakar, la capitale. Ce fils d’éternels voyageurs a été initié au jeu du djembe par son grand-père, le nommé Abdoulaye Sow, dès l’âge de huit ans.

De son village de pêcheurs à Paris, en passant par Dakar, Gagnoa et Abidjan en Côte-d’Ivoire, depuis trente ans environ il voyage à travers les musiques jusqu’aux Amériques. Il en revient avec un album de douze titres et une reprise griffés R&B et hip-hop Portrait d’un nomade urbain.
D’entrée de jeu, Idrissa Diop écarte tout risque de polémique.  » Je suis Peuhl et nomade. Qui dit nomade dit nomadisation de ma musique. C’est ce que je pratique depuis toujours, partout où j’ai exercé mon art… « 
Comme la plupart des jeunes républiques d’Afrique Occidentale, le Sénégal des années 70 est inondé de musique afro-cubaine mais aussi de pop et de soul. Quand Idrissa Diop monte sa première formation, le Rio Orchestra, à Gueule-tapée à Dakar, avec Blin M’Baye, Assane N’Doye et M’Baye  » Guitare « , il n’a que seize ans.
 » Avec des instruments rafistolés, on a monté ce groupe pour animer le bal du samedi, pour tous les hommes et les jeunes filles de ménage qui travaillaient rudement toute la semaine et étaient en quête d’un lieu populaire de divertissement. On reprenait les standards des Beatles, des Rolling Stones ou les classiques de la soul comme James Brown, Otis Redding. On jouait aussi beaucoup de morceaux de Johnny Pacheco, Mongo Santamaria ou l’Orchestra Aragon. On jouait toute la nuit de neuf heures du soir à six heures du matin. C’est là où on a vraiment forgé notre endurance et c’était magnifique. Notre succès a fait école et des tas d’autres lieux identiques se sont ouverts partout en ville. « 
Au milieu des années 70, Idrissa s’embarque avec Pap Seck et le Négro Star. Cap sur Abidjan, riche capitale bouillonnante de la Côte-d’Ivoire et carrefour attirant les artistes de tous horizons. Tous les soirs, après son contrat à La Plantation, célèbre dancing à ciel ouvert, il va faire le bœuf dans la mythique boîte de la Boule Noire à la rue 12 à Treichville.  » Tout ce que compte Abidjan comme chanteurs ou instrumentistes de toute nationalité confondue se retrouve là chaque soir pour ‘jammer’. C’est là où je fais la connaissance de Paco Séry, certainement l’un des meilleurs batteurs au monde aujourd’hui. « 
La fin de cette deuxième décennie des indépendances africaines commence à émettre des signes d’essoufflement. L’entreprise de loisir n’est plus aussi juteuse, elle se rétrécit à vue d’œil. Les jeunes scrutent de nouveaux horizons plus fertiles. Paco Sery et Idrissa Diop optent pour la France. Le premier jouera avec Eddy Louis avant de monter Sixun avec J.P Como, Winsberg, M. Alibo et A Debiossat. Idrissa les rejoindra aux percussions en 1987.
 » J’ai évolué quatre ans durant avec Sixun qui correspondait parfaitement à mon goût prononcé des mélanges. On proposait une musique de fusion, se nourrissant d’Afrique, d’Europe et de jazz-rock. On nous a taxés d’être influencés par Weather Report. On assumait. J’ai enregistré quatre albums avec le groupe avant de me lancer dans une carrière solo. « 
Fidèle à sa logique d’appropriation des musiques d’ailleurs, Idrissa Diop décide d’aller à la rencontre de ses cousins d’Amérique pour alimenter son nouvel album.
 » Un jour, sur l’île de Gorée – la fin et le point de départ de bon nombre d’esclaves -, je vois un groupe d’Africains-Américains pleurer à chaudes larmes. Tous les ans, il en arrive des avions entiers. Ils reviennent sur les terres de leurs ancêtres. Face à cette image, je me suis demandé pourquoi un Africain, en l’occurrence un Sénégalais, n’irait-il pas à la rencontre de ses frères d’Amérique pour un échange en musique ? Je fais part de mon idée à Handel Tucker, le fondateur des Fugees qui me donne rendez-vous à Philadelphie. A mon arrivée, il avait préparé tout le terrain. Il avait invité les Boys II Men, les Black Street Boys et des tas d’autres artistes. On se retrouvait en studio des journées entières, je racontais l’histoire de l’oiseau Sky qui nous met en garde contre les guerres et toutes les puanteurs du monde, ou de yaral, l’éducation qui est le socle sur lequel tout doit être bâti… Ils transcrivaient tout en anglais ensuite on enregistrait les voix. On écoutait, on corrigeait, ainsi de suite. Ce disque, Expérience, est né de la rencontre de deux cultures, d’une expérience collective. « 
Idrissa Diop, visiblement enthousiasmé par sa dernière production, en parle comme de l’une de ses créations des plus achevées. Force est de constater que ce n’est certainement pas Expérience qui révolutionnera la masse de production que l’on range dans le bac commun du R&B et du hip-hop.

///Article N° : 3397

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© Aidem





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