Ce film a eu du mal à voir le jour. Il n’y a là rien d’exceptionnel, mais ce qui l’est plus, ce sont les raisons qui poussaient les télévisions à en refuser le scénario : une image négative des Noirs, en somme la peur de se faire attaquer. Et bien oui : on est amené à magouiller pour survivre dans notre société ! Est-ce toujours le cas des Noirs ? Bien sûr que non, mais dans la famille du film de Dupeyron, c’est possible. La différence est ici qu’il n’y a pas un personnage de Noir stéréotypé mais que tout le monde est Noir, ce qui ne le désigne pas dans sa différence. Et que tout le monde n’est pas dealer. Le stéréotype est dès lors inversé, au profit d’un humour sur soi, comme le travaillait Mahamat Saleh Haroun dans l’excellent Sexe, Gombo et beurre salé. Et de toute façon, le jeune dealer se retrouve en prison : la morale est sauve. La fin du film, belle ficelle d’un scénario à rebondissements, laisse d’ailleurs entendre que Sonia, merveilleusement interprétée par Félicité Wouassi que nous sommes heureux de revoir dans un rôle titre au cinéma, aura encore de sérieux problèmes à résoudre : de quoi faire un autre film après tous ceux qu’elle a dû solutionner durant celui-ci ! Car cette mère courage qui se tue à la tâche doit tout gérer toute seule, son mari étant un incapable qui brûle tout leur argent aux courses. Il lui faut bien profiter des occasions qui se présentent pour assurer la charge de la famille
Aller contre les stéréotypes, c’est aussi prendre une famille noire comme sujet toute la durée d’un film, c’est-à-dire avec le temps d’en faire comprendre les contraintes et le contexte de banlieue « sensible ». L’intérêt d’Aide-toi, le ciel t’aidera est qu’il ne fait pas du fait culturel l’argument du scénario, comme par exemple Fatou la Malienne traitait du mariage forcé. Il n’enferme pas cette famille dans une gangue culturelle dont l’origine déterminerait obligatoirement les problèmes autant que les comportements. La tendre et percutante relation de Sonia avec le vieux d’en face (le si convaincant Claude Rich) n’est jamais traitée comme l’attirance d’un Blanc envers une Noire mais comme celle d’un homme envers une femme. De même, les Noirs peuvent aimer la musique et la fête, sans pour autant faire la bamboula. Jamais le film de Dupeyron n’est méprisant ou réducteur : il suit un scénario bien ficelé où chacun peut exister en tant que femme ou homme et non en tant qu’Africain ou « Black ». La positivité du titre fait écho à celle du film : le ciel peut nous tomber sur la tête, il ne faut pas désespérer.
L’histoire joue sur le décalage systématique, à l’image des dessins humoristiques de Plantu en première page du Monde : la mort s’immisce sans mot dire dans le mariage, si bien que pour tous, Sonia pleure de joie ; les quiproquos sont permanents. Dès lors, la comédie fonctionne, mais elle ne déclenche pas de gros rires car c’est plutôt le blues qui domine, renforcé par la tonalité douce-amère des musiques. Sans doute est-ce par cette porte que revient le destin du peuple noir, évoqué sans insister au détour des dialogues. Sans prétention, complaisance ou pathos, et avec un réjouissant humour, Aide-toi, le ciel t’aidera témoigne du courage d’une femme qui se trouve être Noire.
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