Beyond the Sound Barrier

De Wayne Shorter

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Sensationnel : il n’y a pas d’autre mot ! Le titre –  » Au-delà du mur du son  » – résume bien l’ambition de ce musicien de génie, qui est à la fois le meilleur compositeur du jazz actuel et l’un des deux plus grands saxophonistes vivants – avec Sonny Rollins. (et cela, il l’est doublement, au saxophone ténor et au soprano !) Si différent qu’il soit de celui de John Coltrane, le quartet de Wayne Shorter incarne quarante ans après la même ambition : celle d’une musique se situant au-delà de toutes les barrières esthétiques, pour s’élever résolument au seuil d’une rêverie métaphysique. Hissant vers les cimes un jazz en mal de renouvellement, comme il l’avait déjà fait aux côtés de Miles Davis dans les années 1960 puis avec Joe Zawinul (Weather Report) dans les années 1970-80 Wayne Shorter se retrouve à 72 ans le plus juvénile des jazzmen de sa génération.
Ainsi que de nombreux autres musiciens africains-américains, il a trouvé dans le bouddhisme une sérénité, une ouverture sur l’universalité et une ardente passion pour le pacifisme. Au moment même où j’écris, Wayne Shorter est (avec Herbie Hancock, Santana, et quelques autres musiciens bouddhistes) la vedette des grands concerts organisés à Hiroshima et Nagasaki pour le 60° anniversaire d’une certaine façon inhumaine de mettre fin à la guerre.
Cet album  » live  » est composé d’extraits de concerts enregistrés entre 2002 et 2004. Ces récentes tournées de Wayne Shorter ont marqué pour lui une véritable renaissance, après une décennie de tragiques évènements familiaux. Son nouveau quartet a atteint en quatre ans ce niveau incroyable de  » perception extra-sensorielle  » ( » ESP « ) dans l’improvisation collective dont Wayne avait su faire la marque du légendaire quintet de Miles Davis des années 1960.
Le panaméen Danilo Perez vagabonde sur son piano avec la même vertigineuse liberté que Shorter sur les clés de ses saxophones, que John Pattitucci (l’ex-partenaire de Chick Corea) sur les cordes de sa contrebasse ou l’incisif Brian Blade sur les éléments de sa batterie.
Le génie singulier du compositeur est mis en valeur dans cet album qui ne comporte aucun des titres de ses derniers cds, mais quatre nouveaux thèmes et deux nouvelles versions de morceaux de 1988 : que des phrases brèves et simples par leur structure mélodique, mais dont le découpage rythmique leur confère cette extraordinaire originalité qui est la marque de tous les grands du jazz, et fait de Shorter l’Ellington ou le Monk du XXI° siècle.  » Tinker Bell  » évoque par sa concision et son intensité percussive le meilleur Bartok. Passionné par la musique romantique du XIX°, Shorter nous offre aussi une stupéfiante interprétation, véritablement  » aérienne « , du lied de Mendelssohn  » Sur les aîles du chant « . Probablement le meilleur disque de jazz de 2005,  » Beyond the Sound Barrier  » est aussi un fulgurant résumé de deux siècles de musique au croisement de toutes les cultures qui ont forgé l’identité afro-américaine.

Beyond the Sound Barrier, de Wayne Shorter (Verve / Universal)///Article N° : 4056

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