Jusqu’au 26 juillet, l’exposition hip-hop à l’Institut du monde arabe raconte un mouvement né dans le Bronx aux états-Unis qui a essaimé jusqu’aux Printemps arabes. Le rappeur Akhenaton en a assuré la direction artistique.
Créer une exposition sur le hip-hop faisant le lien entre les États-Unis, la France et les pays arabes est un challenge inédit que Mario Choueiry, chargé de mission à l’Institut du monde arabe (IMA), a proposé au rappeur Akhenaton. Le leader d’IAM, légitimé par son expérience de 30 ans dans le mouvement hip-hop, est d’abord un peu estomaqué par l’ampleur de la tâche : « Il faudrait dix IMA pour une telle expo! », avant d’en accepter la direction artistique : « On ne cherche pas à tout montrer, mais à ce que les connaissances soient approfondies. Expliquer, par exemple, que le beatmaking ce n’est pas que ripper deux mesures d’un sample connu. Le plus dur était de rendre compte du caractère pluridisciplinaire de cette culture. »
Art du deejaying, vinyles, graff, danse, rap, mode sont intégrés dans une scénographie de plus de 250 uvres d’artistes américains, français, et du pourtour méditerranéen, parmi lesquelles des créations de JonOne, des graffitis de Noe Two et des photographies de Yoshi Omori. S’étalant sur une superficie de plus de 1000m2 mémoire part du Bronx d’Afrika Bambataa et va jusqu’aux mondes arabes, du Maghreb au Machrek. Une façon de mettre en relief le télescopage des cultures urbaines dans les grandes villes comme New York, Paris, Alger, Beyrouth ou Le Caire : « On souligne le riche apport culturel des graffeurs, poètes, danseurs de ces pays. Très tôt, avec la proximité méditerranéenne, IAM a eu des collaborations au Maghreb et, plus tard, avec des pays comme le Liban, un des précurseurs en la matière, puis l’Égypte et la Palestine. »
L’accès au « micro d’argent » s’est fait progressivement dans ces pays, entre les années 1990 et 2000, en fonction de situations politiques hétérogènes. En revanche, l’art du graff y est un des plus anciens au monde. Le 5 juin à l’IMA, une rencontre avec un éditeur libanais, un graffeur tunisien et un professeur de beaux-arts cairote ira aux sources de la calligraphie arabe, aux premiers temps de l’Islam.
L’exposition s’ouvre par une installation de 50 ghetto-blaster, dont 40 graffés par des artistes des Blockpainters crew, en forme de clin d’il à l’âge d’or des block parties new-yorkaises. Une période qu’Akhenaton a bien connue : « Je n’ai malheureusement pas retrouvé le ghetto blaster acheté à Delancey street à New York dans les années 1980. J’ai retrouvé les survêtements Troop qu’on portait lors de la première partie de Madonna en 1990. Il y a a aussi des manuscrits comme « Petit frère » et « Demain c’est loin » ». De fait, l’expo met en évidence le lien entre l’engagement de ces textes, ceux de Public Enemy et ceux scandés par les rappeurs des révolutions arabes : « En Tunisie, des groupes prenaient position bien avant que Ben Ali soit renversé. En Palestine, avec la lutte pour la reconnaissance d’un État, la quasi-totalité du rap est engagé. » Avant de prendre le micro, le 20 juin à l’IMA avec des rappeurs du monde arabe, AKH et IAM doivent retrouver en mai « les rivages féeriques d’où s’élèvent les tam-tam de l’Afrique (1) » pour une tournée en Côte d’Ivoire, Mauritanie et au Sénégal.
Parmi les artistes de l’habillage sonore de l’exposition, Akhenaton nous en a sélectionné trois :
◊ Shadia Mansour, la first lady du hip hop arabe : « Une Palestinienne chrétienne vivant à Londres, engagée pour la reconnaissance d’un état palestinien. »
◊ Klay BBJ « Ce rappeur tunisien a dit un tas de choses sur la société tunisienne qui lui ont valu des démêlés. » En 2013, il écope de six mois de prison pour « injures à l’autorité ».
◊ The narcicyst : Journaliste et rappeur irakien basé à Montréal « L’intérêt de l’expo, c’est aussi de montrer les diasporas arabes. »
(1) extrait de l’album d’IAM De la planète Mars-Delabel 1991En savoir plus :
Exposition jusqu’au 26 juillet à l’IMA, 1 rue des
Fossés Saint-Bernard, Paris 5e
www.imarabe.org///Article N° : 12969