Du 29 janvier au 6 février 2010 s’est tenu, à Clermont-Ferrand (France), le 32e festival international du court-métrage. Une semaine de rencontres, de films et de débats autour de la 22e sélection internationale, de la 9e sélection Labo dédiée aux films expérimentaux, et du 25e marché du film court organisé par l’association Sauve qui peut le court métrage. L’occasion de faire un point sur la compétition internationale et les courts-métrages africains présentés lors de cette édition.
Le 32e festival s’articulait autour de trois compétitions (Nationale, Internationale et Labo) mais aussi autour du Maroc qui a bénéficié d’une rétrospective de 41 films parmi huit programmes savamment élaborés. Des années 1960 aux années 2000, des réalisateurs locaux aux expatriés, tout était réfléchi de façon à ce que les spectateurs puissent profiter d’un état des lieux complet de la créativité du Maroc. Soutenue par le Centre Cinématographique Marocain, le Conseil de la Communauté Marocaine à l’étranger, l’Agence de la Cohésion Sociale et de l’égalité des chances (ACSE) ainsi que Dreamaker Productions, cette rétrospective a su se faire la part belle dans une programmation générale foisonnante.
Outre les compétitions pré-citées, le festival offrait une vitrine aux courts-métrages des communautés autochtones du Canada (Wapikoni), à ceux des réalisateurs d’Afrique subsaharienne francophone (Regards d’Afrique), aux films musicaux (Décibels !) et aux films soutenus par les collectivités locales (Films en région) tout en soulignant le travail du Groupement de Recherches et d’Essais Cinématographiques (G.R.E.C.) et celui de la société de production Aurora Films. À cela s’ajoutait une programmation thématique sur les Zombies, une séance spéciale de films érotiques féminins baptisée Minuit Rose ainsi que des Courts d’Histoire, cette année autour de Nuit et Brouillard du réalisateur français Alain Resnais. Autant dire que les dizaines de milliers de spectateurs présents avaient de quoi s’occuper !
En ce qui concerne l’Afrique, le Festival de Clermont Ferrand a ouvert ses portes à la création contemporaine de courts-métrages. Si Jacques Curtil, programmateur de la série Regards d’Afrique qui existe depuis vingt-et-un ans, considère que la production de films ne cesse d’augmenter (entre 50 et 60 reçus chaque année), c’est le Burkina Faso, le Sénégal et le Cameroun qui en envoient le plus régulièrement.
En effet, Issa Saga (Impasse), Tahirou Tasséré Ouédraogo (Sauver Rama) et Serge Armel Sawadogo (Bénéré) représentaient le pays des hommes intègres tandis que Lionel Meta (La métaphore du manioc) et Gilbert Babena (Les oreilles) défendaient les couleurs du Cameroun. Avec eux dans cette programmation de neuf films divisés en deux programmes s’ajoutaient Once upon a train du mauricien Wassim Sookia, Il était une fois l’indépendance du malien Daouda Coulibaly, Cris du chur du sénégalais Sébastien Tendeng et L’envers du décor du malgache Nantenaina Lova. Autant de fictions (sept) et de documentaires (deux) de qualité qui laissent espérer que ces réalisateurs se retrouveront bientôt dans la compétition officielle. (1)
Car sur les 76 films en compétition internationale, cinq seulement représentaient le continent : l’Égypte (L’amour au temps de la colle de Ibrahim Abla), l’Algérie (Fatah de Abdenour Ziani), le Maroc (Passion courte de Mahassine El Hachadi), le Mali (Drogba est mort de Moussa Diarra et Eric Rivot) et l’Afrique du Sud (Bienvenue chez toi de Dorotea Vucic). Aucun d’entre eux n’a remporté de prix mais tous témoignent d’un dynamisme important : de la poésie de Fatah au désir charnel inassouvi de Passion courte ; de la maladie mentale d’un père retrouvé par son fils dans Bienvenue chez toi au rêve impossible d’un talibé dans Drogba est mort enpassant par les délires sexuel d’un jeune homme drogué dans L’amour au temps de la colle. Surtout, les thèmes abordés n’étaient pas éloignés de ceux traités par leurs concurrents d’Asie, d’Europe et d’Amérique. L’enfance, les relations familiales et amoureuses, les difficultés de la vie étaient autant de sujets mis en avant dans cette 32e édition du festival.
Ainsi le grand vainqueur de ce palmarès international dépeint une famille qui attend la mort sur un Blue Sofa (film italien de Lara Fremder, Giuseppe Baresi et Pippo Delbono), tandis que le Prix Spécial du Jury revient à un film norvégien retraçant les déboires d’une vieille dame acariâtre et alcoolique en proie avec les démons de son enfance (Ella de Hanne Larsen). Le Prix du Public et le Prix du Meilleur Film d’Animation ont été attribués au même film ayant demandé six ans de travail à sa réalisatrice : le magnifique Sinna Man (L’homme en colère) de la norvégienne Anita Killi qui dénonce la souffrance des enfants dont les parents peuvent être brutaux. Quant au Prix de la Jeunesse, attribué à l’unanimité à un film germano-cubain intitulé Efecto Domino (L’effet domino) de Gabriel Gauchet, il souligne la noirceur et la violence qui peuvent frapper les personnes démunies face au malheur de leurs proches. Le Prix Canal + récompense une comédie plus légère venue d’Australie où Dieu (God) s’appellerait en fait Glenn Owen Dodds (de Frazer Bailey). Enfin, le Royaume-Uni fait coup double avec un Prix des Médiathèques pour la touchante comédie de Colin Kennedy I love Lucy retraçant le parcours de junkies à la recherche d’un dentier et le brillant On the run with Abdul (En cavale avec Abdul) de David Lalé, James Newton et Kristian Hove, documentaire sur un jeune afghan qui se voit empêché par la mafia d’aller en Angleterre.
Cette 32e sélection internationale aura frappé par la maîtrise des films présentés, tant techniquement qu’au niveau des sujets traités. Ce niveau d’exigence ne peut être que stimulant pour les réalisateurs, notamment ceux du continent africain pour lesquels un festival comme celui de Clermont-Ferrand peut être un formidable tremplin.
1. En effet, c’est parmi les films non-sélectionnés dans la compétition officielle que Jacques Curtil peut programmer des courts-métrages dans la section Regards d’Afrique qui n’est pas une compétition.///Article N° : 9252